F. Münzer, RE, 3/1, 1897, col. 1266-1272, n° 35 s. v. Caelius ; W. Will, Neue Pauly, 2, 1997, col. 902, [I 4] ; Nicolet 1966-1974, 2, p. 817, n° 68 ; Sumner 1973, p. 146‑147, n° 217 ; Wiseman 1971, p. 218, n° 78 ; Shatzman 1975, p. 311‑313, n° 105 ; David 1992, p. 856-858 ; Deniaux 1993, p. 393-395, D. n° 8 ; Cordier 1994 ; DPRR n° CAEL2417.
Caes., Civ., 3, 21, 3-4 : Cum resisteret Seruilius consul reliquique magistratus et minus opinione sua efficeret, ad hominum excitanda studia sublata priore lege duas promulgauit, unam, qua mercedes habitationum annuas conductoribus donauit, aliam tabularum nouarum, impetuque multitudinis in C. Trebonium facto et nonnullis uulneratis eum de tribunali deturbauit. De quibus rebus Seruilius consul ad senatum rettulit, senatusque Caelium ab re publica remouendum censuit. Hoc decreto eum consul senatu prohibuit et contionari conantem de rostris deduxit. Ille ignominia et dolore permotus palam se proficisci ad Caesarem simulauit.
Devant l’opposition du consul Servilius et des autres magistrats, et voyant qu’il obtenait moins de succès qu’il n’en avait escompté, il retira sa première proposition, et, pour exciter les passions en porta deux autres, l’une par laquelle il tenait les locataires quittes d’une année de loyer, et l’autre qui décrétait l’annulation des dettes ; le peuple se souleva contre Trebonius ; il y eut des blessés, et Caelius le fit arracher de son tribunal. Ces faits motivèrent un rapport du consul Servilius au Sénat, qui décréta que Caelius devait être écarté du gouvernement. Le consul, s’appuyant sur ce décret, lui interdit l’entrée du Sénat et le fit expulser des rostres, tandis qu’il essayait de prononcer un discours. Bouleversé de honte et de colère, Caelius feignit publiquement de partir pour aller retrouver César (trad. P. Fabre, CUF).
Quint., Inst. Or., 6, 3, 25 : Facto risus conciliatur interim admixta grauitate : ut M. Caelius praetor, cum sellam eius curulem consul Isauricus fregisset, alteram posuit loris intentam (dicebatur autem consul a patre flagris aliquando caesus).
Des actions provoquent parfois le rire, quand il s’y mêle de la gravité : par exemple, le consul Isauricus ayant brisé la chaise curule du préteur Caelius, celui-ci lui en présenta une autre munie de courroies bien tendues (or, on disait que le consul avait été autrefois battu par son père à coups de sangles) (trad. J. Cousin, CUF).
D.C., 41, 3, 2-3 : Ἰδόντες δὲ τοῦτ’ ἐκεῖνοι τὰ μὲν πρῶτα ἀντέπραττον, ἔπειτα δὲ φοβηθέντες, ἄλλως τε καὶ ἐπειδὴ ὁ Λέντουλος ὑπεξελθεῖν σφισι πρὶν τὰς ψήφους διενεχθῆναι παρῄνεσεν, εἶπόν τε πολλὰ καὶ ἐμαρτύραντο, κἀκ τούτου μετὰ τοῦ Κουρίωνος καὶ μετὰ τοῦ Καιλίου ἀπῆραν πρὸς τὸν Καίσαρα, βραχὺ φροντίσαντες ὅτι ἐκ τοῦ βουλευτικοῦ διεγράφησαν. Τότε μὲν οὖν τοῦτ’ ἐγνώσθη, καὶ τοῖς ὑπάτοις ταῖς τε ἄλλαις ἀρχαῖς ἡ φυλακὴ τῆς πόλεως, ὥσπερ που εἰώθει γίγνεσθαι, ἐπετράπη.
Ce que voyant, lesdits tribuns essayèrent d’abord de faire de l’obstruction ; puis ils furent saisis de peur, particulièrement lorsque Lentulus les eut exhortés à sortir avant que les votes ne soient exprimés : ils prirent la parole pour longuement protester et, à la suite de cela, ils partirent rejoindre César, en compagnie de Curion et de Caelius, car ils se souciaient peu d’être radiés de l’ordre sénatorial. C’était là, en effet, la décision qu’on avait prise alors ; puis on remit, comme il était d’usage, aux consuls et aux autres magistrats le soin de sauvegarder l’État (trad. M.-L. Freyburger-Galland, CUF).
D.C., 42, 22-23 : Ὁ δὲ δὴ Καίλιος ὁ Μᾶρκος καὶ ἀπώλετο τολμήσας τὰ περὶ τῶν δανεισμάτων ὑπὸ τοῦ Καίσαρος ὁρισθέντα, καθάπερ ἡττημένου τε αὐτοῦ καὶ ἐφθαρμένου, λῦσαι, καὶ διὰ τοῦτο καὶ τὴν Ῥώμην καὶ τὴν Καμπανίαν ἐκταράξας. Οὗτος γὰρ ἔπραξε <μὲν> ἀνὰ πρώτους τὰ τοῦ Καίσαρος, διὸ καὶ στρατηγὸς ἀπεδείχθη· ὀργισθεὶς δὲ ὅτι τε μὴ ἠστυνόμησεν καὶ ὅτι καὶ ὁ Τρεβώνιος ὁ συνάρχων αὐτοῦ οὐ κληρωτός, ὥσπερ εἴθιστο, ἀλλ’ αἱρετὸς ὑπὸ τοῦ Καίσαρος ἐς τὴν ἀστυνομίαν προεκρίθη, ἠναντιοῦτο πρὸς πάντα τῷ συνάρχοντι […] καὶ προσέτι τοῖς ὀφείλουσί τι βοηθήσειν ἐπὶ τοὺς δεδανεικότας καὶ τοῖς ἐν ἀλλοτρίων οἰκοῦσι τὸ ἐνοίκιον ἀφήσειν ἐπηγγέλλετο. Προσθέμενος δὲ ἐκ τούτου συχνοὺς ἐπῆλθε μετ’ αὐτῶν τῷ Τρεβωνίῳ, κἂν ἀπέκτεινεν αὐτὸν εἰ μὴ τήν τε ἐσθῆτα ἠλλάξατο καὶ διέφυγέ σφας ἐν τῷ ὄχλῳ. Διαμαρτὼν δὲ τούτου νόμον ἰδίᾳ ἐξέθηκε, προῖκά τε πᾶσιν οἰκεῖν διδοὺς καὶ τὰ χρέα ἀποκόπτων.
Ὁ οὖν Σερουίλιος στρατιώτας τέ τινας ἐς Γαλατίαν κατὰ τύχην παριόντας μετεπέμψατο, καὶ τὴν βουλὴν τῇ παρ’ αὐτῶν φρουρᾷ συναγαγὼν προέθηκε γνώμην περὶ τῶν παρόντων, καὶ κυρωθέντος μὲν μηδενός (δήμαρχοι γὰρ ἐκώλυσαν) συγγραφέντος δὲ τοῦ δόξαντος ἐκέλευσε τοῖς ὑπηρέταις καθελεῖν τὰ πινάκια. Ἐπειδή τε ὁ Καίλιος ἐκείνους τε ἀπήλασε καὶ αὐτὸν τὸν ὕπατον ἐς θόρυβον κατέστησε, συνῆλθον αὖθις φραξάμενοι τοῖς στρατιώταις, καὶ τὴν φυλακὴν τῆς πόλεως τῷ Σερουιλίῳ, ὥσπερ ἄνω μοι πολλάκις περὶ αὐτῆς εἴρηται, παρέδοσαν. Καὶ ὁ μὲν οὐδὲν ἐκ τούτου τῷ Καιλίῳ ὡς καὶ στρατηγοῦντι πρᾶξαι ἐφῆκεν, ἀλλὰ τά τε προσήκοντα τῇ ἀρχῇ αὐτοῦ ἄλλῳ τῳ τῶν στρατηγῶν προσέταξε, καὶ αὐτὸν ἐκεῖνον τοῦ τε συνεδρίου εἶρξε καὶ ἀπὸ τοῦ βήματος καταβοῶντά τι κατέσπασε, τόν τε δίφρον αὐτοῦ συνέτριψεν.
Marcus Caelius, pour sa part, en arriva à trouver la mort pour avoir eu la témérité d’annuler les mesures fixées par César sur les prêts comme si ce dernier avait été vaincu et avait péri, et pour avoir en conséquence suscité des troubles tant à Rome qu’en Campanie. L’homme avait été d’abord parmi les premiers partisans de César, ce qui lui avait valu d’être nommé préteur, mais, furieux de voir la préture urbaine lui échapper et de se voir préférer pour cette charge son collègue Trebonius, non par tirage au sort, comme d’ordinaire, mais par choix de César, il s’opposait en tout à son collègue […] il promettait aux débiteurs un soutien contre leurs créanciers et aux locataires une remise des loyers. Il se rallia, de la sorte, bon nombre d’adeptes, marcha avec eux contre Trebonius, et l’aurait même assassiné si ce dernier ne leur avait échappé en changeant de vêtement et en se fondant dans la foule. Après cet échec, Caelius proposa de son propre chef une loi par laquelle il rendait gratuit le logement pour tout le monde et abolissait les dettes.
Servilius, là-dessus, manda des soldats qui se trouvaient passer par là, en route pour la Gaule, réunit le Sénat sous leur escorte et proposa de prendre une décision sur la situation ; comme il n’y avait pas de ratification, en raison de l’opposition des tribuns, mais que la décision était enregistrée, il ordonna aux appariteurs de saisir les tables portant la loi de Caelius. Comme ce dernier les repoussait et bousculait jusqu’à la personne du consul, le Sénat se réunit à nouveau sous la protection des soldats et confia la garde de la cité à Servilius, procédure dont j’ai maintes fois parlé précédemment. Servilius interdit alors à Caelius d’agir aucunement en qualité de préteur, attribua les tâches relevant de sa magistrature à l’un des autres préteurs, le chassa du Sénat en le faisant arracher de la tribune au milieu de quelque invective, et fit briser sa chaise curule (trad. M.-L. Freyburger-Galland, CUF).
M. Caelius Rufus, qui serait né en 88 environ[1], était le fils d’un chevalier d’Interamnia Praetuttiorum, ami et client de Cicéron et en conséquence proche à ses débuts du parti des boni[2]. Homo nouus[3], il commença sa carrière en poursuivant en justice des personnages reconnus et s’associa à l’accusation de repetundis lancée contre C. Antonius Hybrida, le consul de 63 qui fut condamné[4]. Plusieurs historiens envisagent l’attribution d’un praemium à Rufus qui le dispenserait de la questure[5] tandis que G. V. Sumner considère plutôt cette accusation comme un tremplin qui lui permit de briguer victorieusement la première magistrature du cursus honorum[6]. En 52, lors de son tribunat, il participa activement à la défense de Milon[7]. Édile curule en 50[8], il accusa e lege Scantinia Ap. Claudius Pulcher pour se venger d’une accusation du même type lancée par un proche de ce dernier[9]. Malgré cela, Pulcher, censeur cette année-là, l’inscrivit sur l’album sénatorial.
Néanmoins cette inimitié, et d’autres acquises à la fin des années 50, le conduisirent à rejoindre le camp césarien au début 49[10]. Il fut alors sans doute exclu du Sénat comme d’autres césariens ainsi que le suggère Dion Cassius[11]. Néanmoins, cela fut certainement de courte durée puisque grâce à la prise de Rome par César il retrouva sa place et sa dignité. Cantonné d’abord à des offices subalternes, il obtint la préture pour 48[12]. Toutefois César désigna lui-même le préteur urbain, C. Trebonius, abandonnant les autres provinces à la sortitio traditionnelle. La décision de César entraîna la colère de Caelius qui s’opposa à toutes les actions de son collègue Trebonius et provoqua une première émeute[13]. Proposant des mesures visant à réduire les dettes, il tenta de déborder les césariens en manipulant la foule. Cependant, celle-ci, après avoir obtenu un moratoire, se retira et l’abandonna. Le Sénat vota alors, à l’initiative du consul P. Servilius Isauricus, qui appela à cette occasion des troupes de passage, une relatio condamnant les troubles et l’action de Caelius, entérinée par l’auctoritas senatus en raison d’une intercessio. Le vote avait pris l’allure d’un vote de soutien au nouveau régime. Isauricus poursuivit son offensive en obtenant un senatus-consultus ultimum après que Caelius eut tenté de le molester[14]. Fort de cette légitimité, il démit Caelius de sa fonction de préteur pérégrin, répartit sa charge entre les autres préteurs, et lui ôta le ius agendi cum senatu et cum populo[15]. Pour symboliser le pouvoir supérieur du consul et sa dégradation tout en l’empêchant de continuer à rendre la justice, il brisa sa sella curulis. Le trait d’esprit retenu par Quintilien semble attester la destruction des insignia imperii et la tentative de Caelius de renverser l’humiliation par le rire et la moquerie[16].
Le récit de César[17], eum consul senatu prohibuit, désigne certainement la suspension de sa charge et particulièrement de son ius agendi cum senatu. Si Caelius ressentit à juste titre, malgré sa raillerie, une ignominia, une humiliation publique[18], rendue particulièrement visible par la destruction de sa sella curulis, rien n’indique qu’il fût exclu du Sénat. L’abrogation de l’imperium provoquait certes l’exclusion du Sénat depuis la loi Cassia de 104[19], mais l’abrogation devait être le fait du peuple. Or ici il s’agissait d’un sénatus-consulte ultime et nous ne savons pas si les conséquences étaient les mêmes dans les deux cas. Dion Cassius précise cependant que Caelius fut tenu à l’écart du Sénat (τοῦ τε συνεδρίου εἶρξε). Cela pouvait désigner une procédure en deux temps (un vote d’exclusion définitive comparable à celui que certains sénateurs proposèrent contre Metellus Nepos en 62[20]) comme la conséquence de la décision du Sénat de le suspendre de ses fonctions (et donc une mise à l’écart temporaire du Sénat). Il nous est d’autant plus difficile de conclure que Rufus mourut peu après, en 48, alors qu’il tentait de soulever des troupes en Italie contre César. Les sources ne mentionnent aucun descendant de M. Caelius Rufus.
[1] Sumner 1971, p. 247-248.
[2] Nicolet 1966-1974, 2, p. 817.
[3] Wiseman 1971, p. 218.
[4] Cf. notice n° 20.
[5] Si Rufus reçut bien ce praemium alors la date de naissance proposée par G. V. Sumner pourrait être rabaissée. C’est l’opinion de Heinze 1925, p. 194 n. 3 ; Nicolet 1966-1974, 2, p. 817 ; Classen 1973, p. 67 et David 1992, p. 856-857.
[6] Sumner 1971, p. 248 : l’accusation de ambitu (Cic., Cael., 78) serait la preuve du succès remporté lorsqu’il brigua la questure. MRR, 3, p. 44 propose ainsi de le faire questeur en 57.
[7] MRR, 2, p. 235 ; Cic., Mil., 91 ; App., BC, 2, 22 ; Ascon., p. 33 et 36-37 C.
[8] MRR, 2, p. 248.
[9] À propos de cette affaire : Cic., Fam., 8, 6, 1 et 12, 1-3 et 14, 4 ; Q. F., 2, 11, 2. Cf. Gruen 1974, p. 354-355 ; Shatzman 1975, p. 313 ; Shackleton Bailey, CLF, 1, p. 417 et 434-435.
[10] Cordier 1994, p. 537-538.
[11] D.C., 41, 3, 2-3.
[12]MRR, 2, p. 273.
[13] Sur la préture de M. Caelius Rufus nous suivons Cordier 1994.
[14] Cordier 1994, p. 554-558. Cet épisode n’est malheureusement pas étudié dans Ungern-Sternberg 1970.
[15] Cordier 1994, p. 554-559 ; Caes., Civ., 3, 21, 3-4 ; D.C., 42, 23.
[16] Quint., Inst. Or., 6, 3, 25
[17] Caes., Civ., 3, 21, 4
[18] Sur ce terme employé ici par César cf. Bur 2018, chapitre 4.6.
[19] Cf. Bur 2018, chapitre 9.5.2.
[20] Cf. notice n° 124.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Classen 1973 : Classen J., « Ciceros Rede für Caelius », ANRW, 1/3, 1973, p. 60-94.
David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.
Deniaux 1993 : Deniaux E., Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, Rome, 1993.
Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.
Heinze 1925 : Heinze R., « Ciceros Rede Pro Caelio », Hermes, 1925, 60, p. 192-258.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).
Shackleton Bailey, CLF : Shackleton Bailey D. R., Epistulae ad familiares, Cambridge, 1977 (2 vol.).
Shatzman 1975 : Shatzman I., Senatorial wealth and Roman politics, Bruxelles, 1975.
Sumner 1973 : Sumner G. V., The Orators in Cicero’s Brutus, Toronto, 1973.
Ungern-Sternberg 1970 : Ungern-Sternberg J. von, Untersuchungen zum spätrepublikanischen Notstandsrecht. Senatusconsultum ultimum und hostis-Erklärung, Munich, 1970.
Wiseman 1971 : Wiseman T. P., New Men in the Roman Senate, Londres, 1971.