F. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 679-680, n° 11 s. v. Opimius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 8, 2000, col. 1256, [3] ; Niccolini 1934, p. 242 ; Alexander 1990, p. 78-79, n° 157 ; DPRR n° OPIM2069.
Cic., Verr., 2, 1, 155-157 : Atque etiam iudicium in praetura publicum exercuit ; non enim praetereundum est ne id quidem. Petita multa est apud istum praetorem a Q. Opimio ; qui adductus est in iudicium, uerbo quod, cum esset tribunus plebis, intercessisset contra legem Corneliam, <re uera> quod in tribunatu dixisset contra alicuius hominis nobilis uoluntatem. […]
cum apud ipsum tribus horis Q. Opimius, senator populi Romani, bona, fortunas, ornamenta omnia amiserit ? Cuius propter indignitatem iudici saepissime est actum in senatu ut genus hoc totum multarum atque eius modi iudiciorum tolleretur. Iam uero in bonis Q. Opimi uendendis quas iste praedas, quam aperte, quam improbe fecerit, longum est dicere : [...] Iam qui ex calamitate senatoris populi Romani, cum praetor iudicio eius praefuisset.
En outre, pendant sa préture, il a exercé aussi les fonctions de juge dans une cause publique ; et voilà un fait qu’il ne faut pas non plus laisser de côté. C’est devant cet homme, en sa qualité de préteur, que l’on réclama la condamnation à l’amende contre Q. Opimius, traduit en justice sous prétexte qu’étant tribun de la plèbe il était intervenu par son opposition à la loi Cornelia, mais, en réalité, parce que, pendant son tribunat, il avait parlé dans un sens contraire aux désirs d’un noble personnage. […]
devant son tribunal, il n’a fallu que trois heures pour que Q. Opimius, sénateur du peuple romain, fût dépouillé de ses biens, de sa situation, de tous ses titres d’honneur ? L’indignité de ce jugement a provoqué dans le Sénat bien des discussions tendant à supprimer tout ce genre de condamnations à l’amende et toutes les actions judiciaires de cette espèce. Mais ensuite, quand il fut procédé à la vente des biens de Q. Opimius, quel butin Verrès a fait, comment il a commis ses déprédations aux yeux de tout le monde et avec quelle improbité, il serait trop long de le dire. […] Mais, dès maintenant, celui qui a profité du malheur d’un sénateur du peuple romain, lui qui avait présidé comme préteur à son jugement (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).
Schol. Gron. B. , p. 341 St. : de iudicio publico contra Opimium.
À propos du iudicium publicum contre Opimius.
Q. Opimius était vraisemblablement le petit-fils de Q. Opimius, le consul de 154[1], et le frère de L. Opimius[2]. Tribun de la plèbe en 75, il lutta pour l’abrogation des limitations du tribunat instaurées par Sylla et soutint la loi proposée par le consul C. Aurelius Cotta qui visait à permettre aux tribuniciens de briguer d’autres magistratures[3]. Au cours de ces luttes, il osa poser son veto contrairement à la législation syllanienne, ce qui lui aurait attiré de fortes inimitiés[4]. Après sa sortie de charge, en 74, il fut à cause de cela poursuivi en justice, peut-être d’après la lex Cornelia de tribunis plebis[5] ou simplement de maiestate en raison du délit commis durant sa magistrature[6]. Il est certain toutefois qu’il s’agissait d’un iudicium publicum présidé par le préteur urbain, Verrès, dans lequel la condamnation ne prévoyait qu’une amende : petita multa est[7]. Le montant en fut fixé par Verrès à un niveau tel qu’il entraîna la ruine d’Opimius dont les biens furent vendus[8]. La perte de son patrimoine liée à une bonorum uenditio était infamante à Rome, et surtout elle privait Opimius du cens requis pour appartenir aux classes supérieures provoquant inévitablement un déclassement[9]. Cicéron précise qu’Opimius perdit aussi ses ornamenta[10]. Comme Q. Opimius était seulement tribunicien à un moment où le tribunat était encore une impasse, il est vraisemblable qu’il n’avait pas revêtu d’autre magistrature, et notamment pas la questure, et qu’il n’était donc pas sénateur. Dans ce cas il s’agirait des ornamenta de l’ordre équestre qu’il aurait perdus avec le rang puisqu’il ne possédait plus le cens requis[11]. En revanche, si malgré les limitations imposées au tribunat par Sylla, Opimius avait décidé de l’exercer après une questure qui lui aurait permis d’entrer au Sénat, la perte des ornamenta désignerait une exclusion du Sénat. Celle-ci n’était pas nécessairement due à sa faillite, mais pouvait résulter de sa condamnation dans un iudicium publicum d’après la loi Cassia[12].
Bien que Cicéron déplore l’indignitas du jugement et rappelle les nombreux débats sur l’affaire, Opimius ne semble pas avoir été restitué ni avoir bénéficié d’aide pour relancer sa carrière. L’histoire ne le retint même pas comme l’un des artisans du rétablissement des droits des tribuns[13]. Le procès d’Opimius avait provoqué sa ruine économique mais aussi sociale et symbolique en l’excluant du Sénat et/ou de l’ordre équestre. Nous ne savons pas ce qu’advint Q. Opimius après sa condamnation, mais, ayant perdu toutes ses ressources, il est peu probable que lui ou un éventuel descendant parvînt à faire carrière et à retrouver le rang perdu.
[1] F. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 678-679, n° 10 s. v. Opimius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 8, 2000, col. 1256, [2].
[2] F. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 677-678, n° 6 s. v. Opimius.
[3] MRR, 2, p. 96-97 et Niccolini 1934, p. 242
[4] Cic., Verr., 2, 1, 155. Celle de Catulus et de Q. Hortensius en particulier : Gruen 1974, p. 24. Pour le veto voir Thommen 1989, p. 228 en particulier n. 110.
[5] Alexander 1990, p. 78-79, n° 157.
[6] Sur ce point : Mommsen 1907, 2, p. 255-259 et 293-303.
[7] Cic., Verr., 2, 1, 155 ; Schol. Gron. B., p. 341 St.
[8] Cic., Verr., 2, 1, 156.
[9] Ioannatou 2006, p. 463‑471. Voir également Bur 2018, chapitre 17.2.2.1.
[10] Cic., Verr., 2, 1, 156.
[11] La condamnation dans un iudicium publicum excluait-elle de l’ordre équestre au même titre que du Sénat (cf. Bur 2018, chapitres 9-12) ? Les sources ne permettent pas de répondre à cette question pour le moment.
[12] Cf. Bur 2018, chapitre 9.5.2.
[13] Vedaldi Iasbez 1983.
Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.
Ioannatou 2006 : Ioannatou M., Affaires d’argent dans la correspondance de Cicéron, Paris, 2006.
Mommsen 1907 : Mommsen T., Le Droit pénal romain, Paris, 1907 (3 vol.).
Niccolini 1934 : Niccolini G., I Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934.
Thommen 1989 : Thommen L., Das Volkstribunat der späten römischen Republik, Stuttgart, 1989.