F. Münzer, RE, 7/1, 1910, col. 1207, n° 2 s. v. Genucius ; DPRR n° GENU4656.
Val. Max., 7, 7, 6 : Quid ? Mamerci Aemili Lepidi consulis quam graue decretum ! Genucius quidam Matris magnae Gallus a Cn. Oreste praetore urbis impetrauerat ut restitui se in bona Naeui Ani iuberet, quorum possessionem secundum tabulas testamenti ab ipso acceperat. Appellatus Mamercus a Surdino, cuius libertus Genucium heredem fecerat, praetoriam iurisdictionem abrogauit, quod diceret Genucium amputatis sui ipsius sponte genitalibus corporis partibus neque uirorum neque mulierum numero haberi debere. Conueniens Mamerco, conueniens principi senatus decretum, quo prouisum est ne obscena Genucii praesentia inquinataque uoce tribunalia magistratuum sub specie petiti iuris polluerentur.
Et quoi ? Quel sage décret du consul Mamercus Aemilius Lepidus ! Un certain Genucius, prêtre de la Grande Mère Cybèle, avait obtenu du préteur urbain Cn. Orestes d’être mis en possession des biens que Naevius Anius lui avait donnés par testament. Mamercus, appelé par Surdinus, dont l’affranchi avait institué Genucius héritier, abrogea le jugement prétorien parce que, disait-il, Genucius s’était volontairement amputé du corps les parties génitales et qu’il ne devait être tenu ni au nombre des hommes ni à celui des femmes. Décret digne de Mamercus, digne d’un prince du Sénat. Cette mesure empêcha Genucius de venir de sa présence obscène et de sa voix souillée profaner les tribunaux sous prétexte de demander justice aux magistrats (trad. C.-A.-F. Frémion, Garnier 1864, modifiée).
Bien que notre personnage portât le nom d’une ancienne famille plébéienne, il n’était probablement qu’un affranchi ou un fils d’affranchi de cette gens. Il est hautement improbable qu’un membre d’une si illustre lignée devînt un eunuque du culte de Cybèle, d’autant plus qu’à la suite d’un sénatus-consulte, une loi interdisait à tout ingénu de participer aux processions en faveur de cette déesse orientale[1]. En 77, Genucius réclamait l’héritage de Naevius Annius, affranchi de Surdinus, peut-être un autre indice de son statut d’affranchi. Tout d’abord le préteur urbain Cn. Aufidius Orestes, le futur consul de 71, lui accorda d’entrer en possession des biens. Cependant, le consul Mam. Aemilius Lepidus Livianus s’opposa ensuite à cette décision et empêcha qu’il obtînt une action en justice[2]. Il refusait qu’un eunuque souillât le tribunal parce que, n’étant plus un homme entier, il n’appartenait ni aux hommes ni aux femmes et n’avait donc pas la capacité d’agir en justice[3]. Ce n’était pas un handicap qui était ici la cause de la décision de Lepidus, mais le choix volontaire de se mutiler et de perdre ainsi une intégrité corporelle source de l’intégrité civique[4]. Cet épisode rapporté par Valère Maxime constitue un des rares exemples d’infamie latente actualisée par un magistrat autre que le censeur, à une époque où l’élaboration d’une infamie juridique pour certaines catégories de citoyens n’en était qu’à ses balbutiements[5]. Par ailleurs, il est notable que les eunuques ne figurent dans aucun catalogue d’infâmes parvenu jusqu’à nous.
[1] D.H., Ant. Rom., 2, 19, 5.
[2] Sur la date : MRR, 2, p. 88.
[3] En ce sens F. Münzer, RE, 7/1, 1910, col. 1207, n° 2 s. v. Genucius.
[4] Cf. Bur 2018, chapitre 17. Voir en particulier David 1992, p. 64 n. 39.
[5] Cf. Bur 2018, chapitre 9.2.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.