F. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 740, n° 17 s. v. Oppius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 8, 2000, col. 1266, [I 3] ; Zumpt 1871, p. 493 ; Alexander 1990, p. 95, n° 187 ; DPRR n° OPPI2086.
Cic., Frg. Orat., 3, 1 Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 10, 69) : Facit hoc Cicero pro Oppio : « Vtrum cum Cottam adpetisset, an cum ipse se conaretur occidere, telum e manibus ereptum est ? »
C’est ce qu’a fait Cicéron parlant pour Oppius : « Est-ce parce qu’il avait attaqué Cotta ou qu’il voulait se tuer qu’on lui a arraché l’arme des mains ? » (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Frg. Orat., 3, 1 Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 13, 30) : « At enim non ueri simile est tantum scelus M. Cottam esse commentum. Quid ? hoc ueri simile est, tantum scelus Oppium esse conatum ? »
« Mais, dira-t-on, il n’est pas vraisemblable que M. Cotta ait conçu le projet d’un crime aussi monstrueux. Alors, est-il vraisemblable qu’Oppius ait tenté un crime aussi monstrueux ? » (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Frg. Orat., 3, 4a Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 13, 17) : Obicitur Oppio quod de militum cibariis detraxerit ; asperum crimen, sed id contrarium ostendit cicero, quia idem accusatores obiecerint Oppio quod is uoluerit exercitum largiendo corrumpere.
On reproche à Oppius d’avoir fait des prélèvements sur les rations des soldats ; accusation grave, mais Cicéron montre qu’on se heurte à une contradiction, puisque les mêmes accusateurs lui ont reproché d’avoir voulu corrompre l’armée par des largesses (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Frg. Orat., 3, 4b-c Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 5, 13, 20-21) : superba, ut in Oppium ex epistula Cottae reum factum. Perinde praecipites, insidiosae, inpotentes deprehenduntur ; ex quibus tamen fortissime inuaseris quod est aut omnibus periculosum, […] ut pro Oppio monet pluribus ne illud actionis genus in equestrem ordinem admittant.
Prétentieuse, comme dans le cas d’Oppius accusé à la suite d’un message de Cotta ? On découvre aussi des exemples d’accusations hâtives ou insidieuses ou incontrôlées ; mais, ce qu’il faut contre-attaquer avec le plus de force, c’est ce qui est dangereux pour tous, […] c’est ainsi que, dans le Pro Oppio, Cicéron les avertit assez longuement de ne pas admettre qu’on dirige un tel genre d’action judiciaire contre l’ordre équestre (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Frg. Orat., 3, 6 Puccioni (ap. Amm. Marc., 30, 8, 7) : Vnde motum existimo Tullium praeclare pronuntiasse, cum defenderet Oppium : « et enim multum posse ad salutem alterius, honori multis ; parum potuisse ad exitium, probro nemini umquam fuit ».
Ce même sentiment, je crois, inspirait Cicéron quand il prononça ce mot célèbre en défendant Oppius : « et de fait, pouvoir beaucoup pour le salut d’autrui honora beaucoup de gens ; mais n’avoir pas eu assez de pouvoir pour perdre autrui n’a jamais été un déshonneur pour personne » (trad. G. Sabbah, CUF).
Cic., Frg. Orat., 3, 8 Puccioni (ap. Quint., Inst. Or., 6, 5, 10) : Infinitum est enumerare ut Cottae detraxerit auctoritatem
Je ne finirais pas, si j’énumérais comment il discrédita Cotta (trad. J. Cousin, CUF).
Sall., Hist., 3, 59-60 : At Oppius, postquam orans nihil proficiebat, timide ueste tectum pugionem expedire conatus a Cotta Volscioque impeditur.
Dicit se eius opera non usurum eumque ab armis dimittit.
Mais Oppius après qu’il s’avança sans rien dire, tenta timidement de sortir un poignard caché sous sa veste mais fut empêché par Cotta et Volscius.
Il dit qu’il ne l’utiliserait plus dans ses opérations et le renvoya de l’armée.
D.C., 36, 40, 3 : Tοῦ γοῦν Κόττου τοῦ Μάρκου τὸν μὲν ταμίαν Πούπλιον Ὄππιον ἐπί τε δώροις καὶ ἐπὶ ὑποψίᾳ ἐπιβουλῆς ἀποπέμψαντος, αὐτοῦ δὲ πολλὰ ἐκ τῆς Βιθυνίας χρηματισαμένου.
Par exemple, Marcus Cotta avait renvoyé le questeur Publius Oppius pour corruption et parce qu’il était soupçonné de complot, tout en s’étant lui-même bien enrichi en Bithynie (trad. G. Lachenaud et M. Coudry, CUF).
P. Oppius ne nous est connu que grâce au récit de Dion Cassius et aux fragments du Pro Oppio de Cicéron transmis principalement par Quintilien. Il était le questeur de M. Aurelius Cotta, le consul de 74, dans sa province de Bithynie où il mena la guerre contre Mithridate[1]. Il fut vraisemblablement maintenu ensuite comme proquesteur[2]. Dans un premier temps, Cotta le soupçonna de corruption et de conspiration et le renvoya à Rome[3]. Cet épisode pourrait être celui signalé par le Pseudo-Asconius[4] et il faudrait alors y voir un jugement prononcé par le gouverneur contre un des membres de sa cohorte qu’il chassa de sa province[5]. Toutefois, une lettre du proconsul adressée au Sénat, dans laquelle il dénonçait la conduite du proquesteur, suivit le retour d’Oppius[6]. Quintilien précise bien que la lettre déclencha le procès : ex epistula Cottae reum factum. Contrairement à ce que supposait F. Münzer et qui fait depuis l’unanimité[7], il n’y avait aucune raison d’attendre le retour de Cotta pour ouvrir le procès puisque le iudicium publicum fonctionnait d’après l’accusation publique[8]. Pourquoi caractériser l’accusation de Cotta de superba s’il était présent pour appuyer les propos tenus dans la lettre ? Dernier indice, Cicéron fit au cours du procès une allusion à la nécessité de maintenir l’exceptio legis dont jouissait l’ordre équestre et cela pourrait se rattacher aux débats qui précédèrent la lex Aurelia iudiciaria de 70[9]. Ces différents indices nous conduisent à dater le procès d’Oppius non du retour de Cotta mais de celui d’Oppius lui-même, vraisemblablement vers 71 au moment où se posait la question d’une réforme des jurys. Une telle date concorde avec l’interprétation d’E. S. Gruen qui voyait dans l’affaire Oppius une façon pour Cotta de détourner l’attention de ses difficultés dans sa campagne en Orient[10]. Nous pourrions alors supposer qu’Oppius fut renvoyé à Rome vers 72 et que son procès s’ouvrit l’année suivante, en 71.
Nous disposons de diverses indications sur les accusations formulées contre Oppius qui ne permettent cependant pas de déterminer sous quel titre elles furent rassemblées. Cotta reprochait à Oppius d’avoir corrompu les soldats, d’avoir détourné une partie des fournitures de l’armée, d’avoir fomenté une mutinerie et même d’avoir tenté de le tuer[11]. A. W. Zumpt supposait que le plus simple était de supposer qu’Oppius avait été poursuivi d’après une loi générale sur l’ « Amtsverbrechen » (fautes commises durant une magistrature)[12]. Il reste toutefois difficile de réunir les accusations de mutinerie, d’atteinte à la personne même du proconsul et de détournement de fonds sous une seule loi. La deuxième désigne clairement le péculat tandis que les deux premières pourraient relever de la maiestas. Cicéron semble d’ailleurs reconnaître qu’Oppius avait sorti son arme devant Cotta puisqu’il pose seulement le problème de ses motivations[13]. Comme Cicéron ne prononça qu’un seul discours, puisque les fragments ne font état que d’un unique Pro Oppio, et qu’il semble pourtant traiter de l’ensemble des délits reprochés, il nous paraît peu probable qu’il y ait eu deux procédures parallèles, l’une de maiestate et l’autre de peculatu par exemple. En définitive, Oppius fut peut-être accusé devant la quaestio de peculatu avec un facteur aggravant, la conspiration pour protéger ses délits, ou devant la quaestio de maiestate mais en l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de conclure[14].
Nos sources ne nous permettent pas de connaître l’issue du procès, cependant le fait qu’on n’entende plus parler ensuite d’Oppius, pas même lors du procès de Cotta quelques années plus tard[15], et que le discours n’ait pas été publié par Cicéron, pourraient être des indices en faveur d’une condamnation[16]. Si Oppius avait été accusé de péculat uniquement, alors il faudrait en conclure qu’il fut entre autres exclu du Sénat[17], tandis qu’une condamnation de maiestate nous placerait au-delà, provoquant plus probablement l’exil. Le procès mit vraisemblablement fin à la carrière d’Oppius et nous ne lui connaissons aucun descendant.
[1] MRR, 2, p. 100-101 et p. 103. Cf. notice n° 143.
[2] MRR, 2, p. 111.
[3] Sall., Hist., 3, 59-60 ; D.C., 36, 40, 3-4.
[4] Ps. Ascon., p. 236 St.
[5] Sall., Hist., 3, 60 va dans ce sens : Cotta dimittere Oppius après avoir dicere c’est-à-dire prononcer un jugement.
[6] Quint., Inst. Or., 5, 13, 20.
[7] F. Münzer, RE, 18/1, 1939, col. 740, n° 17 s. v. Oppius date le procès du retour de Cotta soit en 69.
[8] La nature des accusations va dans le sens d’un iudicium publicum. En outre, la participation de Cicéron à la défense pourrait être un autre indice puisque le grand orateur préférait les causes importantes et plaidées devant un large public afin de favoriser sa carrière.
[9] Nicolet 1966-1974, 1, p. 641-642 a montré quelle importance avait ce principe dans les discours de Cicéron. Cf. Ferrary 1975 pour l’attitude de Cicéron envers la loi qui, sans prendre vraiment parti, fit néanmoins l’éloge des jurys équestres.
[10] Gruen 1974, p. 269.
[11] Quint., Inst. Or., 5, 10, 69 ; 5, 13, 17 et D.C., 36, 40, 3-4.
[12] Zumpt 1871, p. 493.
[13] Quint., Inst. Or., 5, 10, 69.
[14] L’interprétation de Ward 1967, p. 805-808, selon laquelle Oppius aurait tenté de fragiliser Cotta pour permettre à Pompée de lui prendre son commandement contre Mithridate, nous paraît avoir été définitivement réfutée par Gruen 1971b, p. 13-16.
[15] Cf. notice n° 143.
[16] Ainsi Zumpt 1871, loc. cit. ; Münzer, loc. cit. et Alexander 1990, p. 95, n° 187.
[17] Cf. Bur 2018, chapitre 12.5.
Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).
Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.