F. Miltner, RE, 22/1, 1953, col. 105, n° 5 s. v. Porcius ; P. Nadig, Neue Pauly, 10, 2001, col. 157 [I 1] ; Zumpt 1845, p. 26-27 ; Sumner 1973, p. 63, n° 69 ; Alexander 1990, p. 23, n° 45 et p. 28, n° 55 ; Rosenstein 1990, p. 197, n° 71 ; DPRR n° PORC1682.
Cic., Verr., 2, 3, 184 : qua in ciuitate C. Catoni, consulari homini, clarissimo uiro, HS VIII lis aestimata sit
dans une cité où la somme que C. Cato, personnage consulaire, homme très illustre, était condamné à payer après son procès a été taxée à huit mille sesterces (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).
Cic., Verr., 2, 4, 22 : Mamertina ciuitas improba antea non erat ; etiam erat inimica improborum, quae C. Catonis, illius qui consul fuit, impedimenta retinuit. At cuius hominis ! clarissimi ac potentissimi. Qui tamen cum consul fuisset, condemnatus est. Ita, C. Cato, duorum hominum clarissimorum nepos, L. Pauli et M. Catonis, et P. Africani sororis filius… quo damnato tum, cum seuera iudicia fiebant, HS VIII lis aestimata est. Huic Mamertini irati fuerunt, qui maiorem sumptum quam quanti Catonis lis aestimata est in Timarchidi prandium saepe fecerunt.
La cité de Messine n’était pas d’abord malhonnête ; elle était même ennemie des gens malhonnêtes, car elle retint les bagages de C. Cato, de celui qui fut consul, et de quel personnage ! du plus en vue et du plus puissant. Bien qu’il eût été consul, il ne laissa pas d’être condamné. Oui, Cato, le petit-fils de deux hommes très en vue, Paul Émile et M. Caton, le neveu par sa mère de Scipion l’Africain. Il fut condamné au moment où les tribunaux étaient sévères ; l’amende fut fixée à huit mille sesterces. Contre lui se courroucèrent les Mamertins qui souvent, pour un déjeuner de Timarchide, firent une dépense supérieure à l’amende imposée à Caton (trad. H. Bornecque et G. Rabaud, CUF, modifiée).
Vell., 2, 8, 1 : Mandetur deinde memoriae seueritas iudiciorum. Quippe C. Cato consularis, M. Catonis nepos, Africani sororis filius, repetundarum ex Macedonia damnatus est, cum lis eius <HS.> quattuor milibus aestimaretur.
Mentionnons maintenant un exemple de la sévérité des tribunaux. Le consulaire C. Cato, petit-fils de M. Caton et neveu par sa mère de l’Africain, fut condamné pour concussion à son retour de Macédoine, bien qu’on ne lui réclamât que quatre mille <sesterces> (trad. J. Hellegouarc’h, CUF).
C. Porcius Cato était le fils de M. Porcius Cato Licinianus, donc le petit-fils de Caton l’Ancien et de Paul Émile ainsi que le neveu de Scipion Émilien. Il appartenait à une des familles les plus puissantes de son époque. Né vers 157[1], ses débuts politiques furent marqués par son soutien modéré à Ti. Gracchus[2]. Monétaire en 123[3], E. Badian a proposé d’en faire un préteur en Sicile vers 117, et de placer à cette occasion l’épisode des bagages retenus par les Mamertins[4]. Consul en 114, il partit en Macédoine où il subit une sévère défaite face aux Scordisques, en Thrace[5]. Velleius Paterculus nous apprend qu’à son retour à Rome, il fut condamné de repetundis à une amende d’un montant dérisoire comme Cicéron et lui le soulignent. E. S. Gruen faisait de cette condamnation la conséquence du désastre thrace : « Romans were not accustomed to military defeats in recent years, especially by tribes of whom they had barely heard. Righteous wrath was expressed and Cato was convicted »[6]. Et la faible litis aestimatio aurait été obtenue grâce à l’influence de ses amis. Au contraire, N. Rosenstein considérait que l’accusation reposait sur des fautes réelles de Caton, mais minimes d’où la légèreté de l’amende[7]. Enfin, il fut jugé d’après la lex Mamilia. Condamné pour trahison[8], il partit en exil à Tarraco où il finit ses jours[9]. On a donc supposé que Caton, malgré sa condamnation de 113, était resté influent et avait dû participer à une ambassade ou être légat en Afrique et que cette participation justifiait l’accusation[10]. Un problème surgit alors : Cato pouvait-il jouer un rôle dans la vie politique romaine, et notamment faire partie de missions officielles, malgré sa condamnation ?
Naturellement l’indication de M. C. Alexander selon laquelle Cato serait parti en exil à la fin du procès de 113 est erronée puisqu’il était encore à Rome au moment de la quaestio Mamilia[11]. De nombreux savants utilisèrent cet épisode pour prouver que la loi retepundarum épigraphique, identifiée aujourd’hui avec la lex Sempronia[12], ne prescrivait pas l’exclusion du Sénat en cas de condamnation[13]. L’explication d’A. N. Sherwin-White selon laquelle Cato n’aurait pas été exclu du Sénat alors que la loi Sempronia le prescrivait parce qu’il avait été poursuivi d’après la loi Calpurnia en raison du faible montant des sommes dérobées, n’est pas convaincante et ne fut pas suivie[14].
Au contraire, E. Badian rappelait qu’il n’était pas certain que Cato fût encore sénateur en 109, ni qu’il participa à une légation puis à une ambassade[15]. L’exposé des motifs de poursuite présenté par Salluste n’empêchait pas, selon E. Badian, que Cato ait pu être en contact avec Jugurtha depuis Rome et que cette collaboration suscitât des soupçons puis une accusation[16]. La délégation envoyée à Rome par Jugurtha en 116, qui se livra à une vaste entreprise de corruption pour contrecarrer les plaintes d’Adherbal[17], conviendrait d’autant mieux que Cato préparait alors sa campagne pour le consulat, qu’il obtint l’année suivante. Petit-fils de Caton l’Ancien et neveu de Scipion Émilien, prétorien, il appartenait certainement aux sénateurs influents, tout particulièrement pour les questions africaines[18]. Les accusations de 109 pouvaient donc porter sur les pots-de-vin reçus en 116 par Cato. En outre, Cicéron attribuait la condamnation de 109 à des Gracchani iudices et E. S. Gruen supposait que parmi les accusateurs de Cato certains pouvaient désirer frapper celui qui semblait avoir trahi Ti. Gracchus en changeant de camp avant qu’il ne soit trop tard[19]. Enfin, Cato constituait une cible facile depuis sa défaite face aux Scordisques et sa condamnation de 113, qui, selon E. Badian, aurait provoqué son exclusion du Sénat. Face à ce déchaînement de haine, et sans doute coupable, il préféra s’exiler à Tarraco où il finit sa vie. De leur côté, les nobles pouvaient accepter de sacrifier à la vindicte populaire ce personnage qui depuis quelques années avait perdu sa position et son influence, mais dont le nom restait fameux et prouvait au peuple que des têtes tombaient.
Enfin, J.-L. Ferrary proposa une solution ingénieuse conciliant exclusion du Sénat d’après la loi Sempronia et participation à l’ambassade de Jugurtha. La loi n’aurait fait qu’ordonner aux futurs censeurs de ne pas recruter le condamné au Sénat, mais ne le priverait pas du ius s. d. Ainsi, Cato serait resté dans la curie en attendant la prochaine lectio senatus, mais, au lieu de se mettre en retrait des affaires, il aurait activement participé aux négociations avec Jugurtha et aurait été corrompu à cette occasion. Notons que destiné à être exclu du Sénat d’ici quelques années, Cato n’avait plus rien à perdre. Selon J.-L. Ferrary, cet épisode fit scandale et contribua à convaincre les Romains de rendre désormais l’exclusion du Sénat immédiate par la privation du ius s. d., ce que réalisa la loi Cassia de 104[20].
Nous pensons avoir démontré que la loi Sempronia n’attachait pas l’exclusion du Sénat à la condamnation, mais seulement la perte du droit de siéger comme juge et d’agir comme patron dans la quaestio[21]. Cependant, sa participation à une ambassade après cette condamnation n’est pas prouvée. En outre, la modicité des sommes n’explique pas pourquoi il aurait ensuite accepté les pots-de-vin de Jugurtha, conduite dangereuse s’il voulait faire oublier sa condamnation. Aussi l’explication d’E. Badian nous paraît-elle préférable. Corrompu en 116 pour financer sa campagne de 115, remboursée en partie par les concussions commises ensuite dans sa province, Cato fut condamné de repetundis en 113. Il restait sénateur, mais sa dignitas était malgré tout écornée. Lorsqu’en 109 Mamilius s’en prit aux hommes politiques romains que Jugurtha avait soudoyés, son activité en 116, son abandon de Ti. Gracchus et le ressentiment du peuple à son égard depuis la défaite de 114 encouragèrent des poursuites. Condamné pour trahison par des Gracchani iudices, il quitta Rome. Nous ne lui connaissons aucun fils ayant atteint le consulat ou la préture[22].
[1] Sumner 1973, p. 63 infère cette date de celle de son consulat.
[2] Cic., Lael., 39.
[3] Crawford, RRC, 1, p. 294-295, n° 274 ; MRR, 3, p. 169.
[4] Cic., Verr., 2, 4, 22. Cf. Badian 1993.
[5] MRR, 1, p. 533 et Rosenstein 1990, p. 197, n° 71.
[6] Gruen 1968, p. 127.
[7] Rosenstein 1990, p. 140-141.
[8] Cic., Brut., 128.
[9] Cic., Balb., 28.
[10] Ainsi MRR, 1, p. 544, Gruen 1968, p. 146-147 et Rosenstein 1990, p. 42.
[11]Alexander 1990, p. 23, n° 45 dans la rubrique outcome.
[12] Cf. Bur 2018, chapitre 10.4.
[13] Zumpt 1871, p. 471 ; Mommsen 1907, 3, p. 28-29 qui ne cite pas l’épisode de Cato cependant ; Strachan-Davidson 1912, 2, p. 13-14 qui se contente de supposer prudemment que Caton avait conservé une certaine importance malgré sa condamnation ; MRR, 1, p. 544 ; Gruen 1968, p. 146-147 et Rosenstein 1990, p. 42 ; Lintott 1978, p. 133 ; Crawford, RS, 1, p. 99.
[14] Sherwin-White 1949, p. 7.
[15] Badian 1993, p. 206.
[16] Badian 1993, p. 209-210 d’après Sall., Iug., 40, 1.
[17] Sall., Iug., 13, 6-7 : Itaque paucis diebus cum auro et argento multo Romam legatos mittit, quis praecipit, primum uti ueteres amicos muneribus expleant, deinde nouos adquirant, postremo quaecumque possint largiundo parare ne cunctentur. Sed ubi Romam legati uenere et ex praecepto regis hospitibus aliisque, quorum ea tempestate in senatu auctoritas pollebat, magna munera misere, tanta conmutatio incessit, ut ex maxuma inuidia in gratiam et fauorem nobilitatis Iugurtha ueniret (« Aussi quelques jours plus tard il [Jugurtha] envoie à Rome des députés chargés d’or et d’argent ; il leur donne ordre de combler d’abord de présents ses anciens amis, de lui en acquérir de nouveaux, bref de ne pas ménager les largesses pour obtenir tous les concours possibles. Lorsque ces députés, une fois arrivés à Rome, eurent envoyé, selon les ordres du roi, de grands présents aux hôtes de Jugurtha et aux sénateurs les plus influents de cette époque, il se produisit un tel revirement que l’élan d’indignation contre Jugurtha se transforma parmi les nobles en sentiments amicaux et favorables », trad. A. Ernout, CUF).
[18] Ainsi Gruen 1968, p. 146 trouvait normal de choisir Cato pour une ambassade en Afrique puisqu’il était le neveu du second Africain.
[19] Gruen 1968, p. 146. Voir aussi Badian 1993, p. 208-209.
[20] Ferrary 1979, p. 130-131.
[21] Cf. Bur 2018, chapitre 10.4.
[22] Rosenstein 1990, p. 197, n° 71.
Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Crawford, RRC : Crawford M. H. (éd.), Roman Republic Coinage, Londres, 1974 (2 vol.).
Crawford, RS : Crawford M. H. (éd.), Roman Statutes, Londres, 1996 (2 vol.).
Gruen 1968 : Gruen E. S., Roman Politics and the Criminal Courts, 149-78 B.C., Cambridge (Mass.), 1968.
Mommsen 1907 : Mommsen T., Le Droit pénal romain, Paris, 1907 (3 vol.).
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Sherwin-White 1949 : Sherwin-White A. N., « Poena Legis Repetundarum », PBSR, 1949, 17, p. 5-25.
Strachan-Davidson 1912 : Strachan-Davidson J. L., Problems of the Roman criminal law, Oxford, 1912 (2 vol.).
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Zumpt 1845 : Zumpt C. T., De legibus iudiciisque repetundarum in Republica Romana commentationes duae, Berlin, 1845.
Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.