F. Münzer, RE, 13/1, 1926, col. 885-887, n° 24 s. v. Livius ; P. Nadig, Neue Pauly, 7, 1999, col. 371‑372, [I 10] ; DPRR n° LIVI0909.
Plb., 8, 27, 1-7 : Τῷ δὲ Γαΐῳ τῷ Λιβίῳ, γενομένῳ μετὰ τῶν συνήθων ἀφ’ ἡμέρας ἐν τῷ Μουσείῳ κατὰ τὴν τῶν νεανίσκων πρόληψιν, καὶ σχεδὸν ἤδη τοῦ πότου τὴν ἀκμαιοτάτην ἔχοντος διάθεσιν, προσαγγέλλεται περὶ δυσμὰς ἡλίου τοὺς Νομάδας ἐπιτρέχειν τὴν χώραν. Ὁ δὲ πρὸς μὲν αὐτὸ τοῦτο διενοήθη, καὶ καλέσας τινὰς τῶν ἡγεμόνων συνέταξε τοὺς μὲν ἡμίσεις τῶν ἱππέων ἐξελθόντας ὑπὸ τὴν ἑωθινὴν κωλῦσαι τοὺς κακοποιοῦντας τὴν χώραν τῶν πολεμίων, τῆς γε μὴν ὅλης πράξεως διὰ ταῦτα καὶ μᾶλλον ἀνύποπτος ἦν. Οἱ δὲ περὶ τὸν Νίκωνα καὶ Τραγίσκον, ἅμα τῷ σκότος γενέσθαι συναθροισθέντες ἐν τῇ πόλει πάντες, ἐτήρουν τὴν ἐπάνοδον τῶν περὶ τὸν Λίβιον. Τῶν δὲ ταχέως ἐξαναστάντων διὰ τὸ γεγονέναι τὸν πότον ἀφ’ ἡμέρας, οἱ μὲν ἄλλοι πρός τινα τόπον ἀποστάντες ἔμενον, τινὲς δὲ τῶν νεανίσκων ἀπήντων τοῖς περὶ τὸν Γάιον, διακεχυμένοι καί τι καὶ προσπαίζοντες ἀλλήλοις, ὡς ἂν ὑποκρινόμενοι τοὺς ἐκ συνουσίας ἐπανάγοντας. Ἔτι δὲ μᾶλλον ἠλλοιωμένων ὑπὸ τῆς μέθης τῶν περὶ τὸν Λίβιον, ἅμα τῷ συμμῖξαι γέλως ἐξ ἀμφοῖν ἦν καὶ παιδιὰ πρόχειρος. Ἐπεὶ δὲ συνανακάμψαντες ἀποκατέστησαν αὐτὸν εἰς οἶκον, ὁ μὲν Γάιος ἀνεπαύετο μεθύων, ὡς εἰκός ἐστι τοὺς ἀφ’ ἡμέρας πίνοντας, οὐδὲν ἄτοπον οὐδὲ δυσχερὲς ἔχων ἐν τῇ διανοίᾳ, χαρᾶς δὲ πλήρης καὶ ῥᾳθυμίας. Οἱ δὲ περὶ τὸν Νίκωνα καὶ Τραγίσκον ἐπεὶ συνέμιξαν τοῖς ἀπολελειμμένοις νεανίσκοις, διελόντες σφᾶς εἰς τρία μέρη παρεφύλαττον, διαλαβόντες τῆς ἀγορᾶς τὰς εὐκαιροτάτας εἰσβολάς, ἵνα μήτε τῶν ἔξωθεν προσπιπτόντων μηδὲν αὐτοὺς λανθάνῃ μήτε τῶν ἐν αὐτῇ τῇ πόλει γινομένων.
Cependant Caius Livius était avec ses familiers depuis le matin au Mouseion, comme les jeunes gens l’avaient présumé, et la beuverie était maintenant presque à son comble, quand on annonça vers le coucher du soleil que les Numides faisaient un raid dans la campagne. Livius ne prit donc en considération que cette action-là, et, appelant quelques officiers, il ordonna à la moitié de la cavalerie de sortir à l’approche de l’aube pour s’opposer aux ennemis qui ravageaient la campagne ; mais de ce fait même, il était encore plus éloigné de soupçonner l’ensemble de leurs opérations. Cependant Nicon, Tragiscos et leurs amis, tous réunis en ville à la tombée de la nuit, guettaient le retour de Livius. Les convives se levèrent bientôt, car la beuverie avait commencé dès le matin. Tandis que la plupart des conjurés restaient à l’écart dans un certain endroit, quelques-uns de ces jeunes gens allèrent à la rencontre de Caius, avec l’air éméché et aussi des échanges de plaisanteries pour imiter des convives revenant d’un banquet. Comme Livius et ses amis étaient dans un état encore plus anormal du fait de leur ivresse, quand la rencontre se fit, on ne demandait qu’à rire, des deux côtés, et à s’amuser. Les jeunes gens ayant fait demi-tour et ramené Caius chez lui, il se coucha complètement ivre, comme toujours quand on boit depuis le matin ; et loin de remarquer rien d’exceptionnel ni d’inquiétant, il était plein de gaieté et d’insouciance (trad. R. Weil, CUF).
Liv., 27, 25, 3-5 (a. 208) : Et de M. Liuio praefecto arcis Tarentinae haud minore certamine actum est, aliis senatus consulto notantibus praefectum quod eius socordia Tarentum proditum hosti esset, aliis praemia decernentibus quod per quinquennium arcem tutatus esset maximeque unius eius opera receptum Tarentum foret, mediis ad censores non ad senatum notionem de eo pertinere dicentibus, cuius sententiae et Fabius fuit. Adiecit tamen, fateri se opera Liui Tarentum receptum quod amici eius uolgo in senatu iactassent ; neque enim recipiundum fuisse nisi amissum foret.
Le débat ne fut pas moins vif au sujet de M. Livius, le préfet de la citadelle de Tarente, les uns proposant de marquer d’un blâme le préfet dans un sénatus-consulte parce que, par sa négligence, Tarente avait été livrée à l’ennemi, les autres de lui décerner des récompenses pour avoir défendu la citadelle pendant cinq ans et surtout parce que c’était grâce à lui seul que Tarente avait été reprise ; pour les modérés, le droit de connaître de cette affaire était du ressort des censeurs, non du Sénat ; Fabius fut lui aussi de cet avis. Il ajouta cependant que, tout en reconnaissant que Tarente avait été reprise grâce à l’aide de Livius, comme ses amis ne cessaient de le proclamer au Sénat, on n’aurait pas eu à reprendre la ville si elle n’avait pas été perdue (trad. P. Jal, CUF).
Plut., Fab., 23, 3-4 : Ἦν δὲ Μᾶρκος Λίβιος, οὗ τὸν Τάραντα φρουροῦντος ὁ Ἀννίβας ἀπέστησεν, ὅμως δὲ τὴν ἄκραν κατέχων οὐκ ἐξεκρούσθη καὶ διεφύλαξεν ἄχοι τοῦ πάλιν ὑπὸ Ῥωμαίοις γενέσθαι τοὺς Ταραντίνους. Τοῦτον ἠνία Φάβιος τιμώμενος, καί ποτε πρὸς τὴν σύγκλητον ὑπὸ φθόνου καὶ φιλοτιμίας ἐξενεχθεὶς εἶπεν, ὡς οὐ Φάβιος, ἀλλ’ αὐτὸς αἴτιος γένοιτο τοῦ τὴν Ταραντίνων <πόλιν> ἁλῶναι. Γελάσας οὖν ὁ Φάβιος· « ἀληθῆ λέγεις » εἶπεν· « εἰ μὴ γὰρ σὺ τὴν πόλιν ἀπέβαλες, οὐκ ἂν ἐγὼ παρέλαβον ».
Il y avait à Rome un certain Marcus Livius qui commandait la garnison de Tarente, lorsqu’Hannibal l’enleva aux Romains. Il avait cependant gardé la citadelle, d’où il ne fut pas débusqué, et il la conserva jusqu’à ce que la ville fût reprise par les Romains. Il voyait avec chagrin les honneurs qu’on rendait à Fabius et un jour, ne pouvant contenir sa jalousie et son dépit, il dit en plein Sénat que ce n’était pas Fabius, mais lui, qui était l’auteur de la reprise de Tarente. « C’est vrai, dit Fabius en riant, car si tu ne l’avais pas perdue, je ne l’aurais pas reprise » (trad. R. Flacelière et É. Chambry, CUF).
Le nom du chef de la garnison romaine de Tarente diffère selon les sources mais, depuis F. Münzer, les historiens sont unanimes pour l’appeler M. Livius Macatus[1]. Il fut envoyé par le propréteur M. Valerius Laevinus en 213 pour diriger les troupes romaines à Tarente et empêcher sa défection en faveur des Carthaginois[2]. Il était encore préfet en 212 lorsque la ville fut perdue[3]. Si les sources sont unanimes pour attribuer la défaite romaine à la trahison de jeunes Tarentins, en revanche le rôle de Macatus diffère chez Polybe, où il est dépeint comme un débauché ivre le jour même de l’offensive punique, et chez Tite-Live, qui en fait un commandant victime d’une ruse perfide[4]. Certains commentateurs ont supposé que le silence de Tite-Live et son indulgence pour l’échec de Macatus seraient dus au fait que l’historien appartenait à la même gens de sorte qu’il atténuerait la faute d’un lointain parent[5]. Pourtant, après la reprise de la ville par Fabius Maximus, le Sénat débattit pour savoir s’il fallait blâmer ou louer Macatus parce que, quoiqu’il eût perdu Tarente, il avait réussi à conserver la citadelle pendant de longues années. Ce serait à cette occasion que Fabius aurait prononcé son bon mot pour répliquer aux amis de Macatus qui affirmaient qu’il était le véritable artisan de la reconquête[6].
La trahison, attestée dans tous les récits sur la perte de Tarente, allégeait nécessairement la responsabilité de Macatus. Cependant, le débat sur la conduite à adopter envers le préfet constitue un indice sur les soupçons qui pesaient sur sa conduite. De plus, il fallait sans doute une raison grave pour faire sortir M. Livius Salinator de son mutisme au Sénat[7]. L’honneur de Macatus, et par là de la gens Livia, était réellement en jeu obligeant Salinator à peser de tout son poids pour éviter à son parent l’humiliation d’un reproche du Sénat[8]. Polybe, bien informé pour cette période, et développant longuement sur la débauche du commandant, serait donc à préférer au silence de Tite-Live. L’intervention de Salinator fit impression d’après l’historien padouan puisqu’elle lui permit d’obtenir le consulat pour l’année suivante alors que les adversaires de Macatus ne semblaient pas très déterminés[9]. Le Sénat décida finalement de laisser l’affaire aux prochains censeurs[10]. Comme nous n’entendons pas parler de Macatus lors de la censure de 204, dont Tite-Live fournit pourtant un récit assez détaillé, les censeurs ne lui infligèrent apparemment pas de blâme. Mais il est vrai que l’historien, toujours par souci d’épargner l’honneur familial, put l’occulter.
Il reste à se demander quelle mesure pouvait prendre le Sénat, Tite-Live parlant en effet de notare le préfet. Il s’agissait sans doute d’un sénatus-consulte proposant des sanctions nominales contre Macatus et le terme renverrait au fait que le reproche serait conservé dans les archives publiques. En outre, il incluait probablement une exclusion d’où l’emploi d’un verbe appartenant au vocabulaire censorial[11]. Le contexte, avec notamment l’intervention de Salinator, et la décision de laisser la décision aux censeurs, suggèrent fortement une procédure d’exclusion. Toutefois cela fut rejeté par une majorité de sénateurs qui préférèrent que ce pouvoir restât l’apanage des censeurs[12].
[1] F. Münzer, RE, 13/1, 1926, p. 885-887, n° 24 ; Scullard 1973, p. 71-72 ; P. Nadig, Neue Pauly, 7, 1999, col. 371-372, [I 10].
[2] MRR, 1, p. 261 et p. 262 n. 7.
[3] MRR, 1, p. 270.
[4] Plb., 8, 24-36 et Liv., 25, 7-11.
[5] Jal 1998, p. 50 n. 2.
[6] Cic., de Orat., 2, 273 ; C. M., 11 ; Liv., 27, 25, 5 ; Plut., Fab., 23, 4. Cicéron place le propos au moment de la reprise de Tarente et confond également Macatus avec Salinator. En réalité, le débat au Sénat est plus approprié pour un tel échange. Cf. Wuilleumier 1969, p. 17 et 23.
[7] Cf. notice n° 51.
[8] Liv., 27, 34, 7.
[9] Scullard 1973, loc. cit. supposait qu’une joute verbale avait eu lieu entre Salinator et Fabius. Or ce dernier soutenait l’opinion de laisser les censeurs s’occuper de l’affaire (Liv., 27, 25, 4), signe plutôt de sa modération, ne voulant ni que le Sénat blâmât Macatus, ni qu’il lui décernât des éloges. Nous ne pensons donc pas que Salinator et Fabius luttèrent mais qu’ils durent chacun s’opposer à une décision du Sénat humiliante pour Macatus, l’un défendant le rôle de son parent dans la reprise de Tarente, l’autre ne considérant pas qu’un tel blâme relevait du Sénat.
[10] Liv., 27, 25, 3-4.
[11] Cf. Bur 2018, chapitre 4.5
[12] Cf. Bur 2018, chapitre 8.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Jal 1998 : Jal P., Tite-Live. Histoire Romaine, XXVII, Paris, 1998.
Scullard 1973 : Scullard H. H., Roman Politics : 220-150 B.C., Oxford, 1973².
Wuilleumier 1969 : Wuilleumier P., Cicéron. Caton l’Ancien, Paris, 1969.