Val. Max., 2, 7, 9 : L. quoque Calpurnius Piso consul, cum in Sicilia bellum aduersus fugitiuos gereret et <C.> Titius equitum praefectus [fugitiuorum] multitudine hostium circumuentus arma iis tradidisset, his praefectum ignominiae generibus adfecit : iussit eum toga laciniis abscisis amictum discinctaque tunica indutum nudis pedibus a mane in noctem usque ad principia per omne tempus militiae adesse. Interdixit etiam ei conuictum hominum usumque balnearum, turmasque equitum, quibus praefuerat, ademptis equis in funditorum alas transcripsit. Magnum profecto dedecus patriae pari sontium dedecore uindicatum est, quoniam quidem id egit Piso, ut qui cupiditate uitae adducti cruce dignissimis fugitiuis tropaea de se statuere concesserant libertatique suae seruili manu flagitiosum inponi iugum non erubuerant, amarum lucis usum experirentur mortemque, quam effeminate timuerant, uiriliter optarent.
L. Calpurnius Piso lui aussi lorsque, pendant son consulat, il menait en Sicile la guerre contre les esclaves fugitifs et que C. Titius, le chef de sa cavalerie, s’était laissé encercler par la masse des ennemis et leur avait rendu ses armes, a infligé à ce chef les marques d’infamie que voici. Il l’a fait envelopper d’une toge aux pans déchirés, habiller d’une tunique sans ceinture et, les pieds nus, rester debout du matin au soir près du quartier général pendant toute la durée de son service aux armées. Il lui a interdit également toute relation avec ses semblables et l’utilisation des bains ; quant aux escadrons de cavalerie qu’il avait commandés, il leur enleva leur cheval et les fit passer dans les groupes de frondeurs placés aux ailes de la ligne de bataille. Profond était certainement le déshonneur qui avait frappé la patrie : un déshonneur égal frappa les coupables, pour la venger, puisque Pison, devant des hommes que le désir de sauver leur vie avait conduits à laisser des fugitifs qui méritaient le supplice de la croix dresser des trophées de leur défaite, à faire que les hommes libres qu’ils étaient dussent passer sous le joug infamant que leur imposaient des mains d’esclaves, sans en rougir, Pison a réussi ainsi à les obliger à trouver amère la lumière dont ils jouissaient encore et à souhaiter la mort qu’ils avaient redoutée comme des femmes, pour redevenir des hommes (trad. R. Combès, CUF).
Front., Str., 4, 1, 26 : L. Piso C. Titium praefectum cohortis, quod loco fugitiuis cesserat, cinctu togae praeciso, soluta tunica, nudis pedibus in principiis cotidie stare, dum uigiles uenirent, iussit, conuiuiis et balneo abstinere.
Comme le préfet de cohorte C. Titius avait lâché pied devant des esclaves en fuite, L. Pison lui ordonna de se tenir tous les jours devant le quartier général du camp, vêtu d’une toge au ceinturon coupé, la tunique déliée et les pieds nus, jusqu’à l’arrivée des gardes de nuit. Il lui interdit également les repas en commun et les bains (trad. P. Laederich, Economica).
C. Titius ne fut pas le seul à être châtié à la suite de sa défaite face aux esclaves[1], les soldats sous ses ordres furent également punis par le général. Valère Maxime nous apprend qu’ils furent privés de leur cheval et relégués parmi les frondeurs[2]. La sanction était tout aussi symbolique et stigmatisante que celle infligée à C. Titius. Le retrait du cheval n’était pas l’exclusion de l’ordre équestre décidée par les censeurs, mais la réaffectation de soldats dans une unité bien moins honorable qui ne combattait pas avec les légionnaires dans l’acies. Néanmoins, si les cavaliers commandés par C. Titius étaient des chevaliers romains, les futurs censeurs pourraient décider de leur ôter le cheval public à cause de leur conduite durant la campagne au cens suivant. Or il nous paraît peu probable que cet escadron fût composé de membres de l’ordre équestre, notamment parce qu’alors la sanction de Piso aurait eu un retentissement plus important à une époque où les chevaliers se constituaient en ordre distinct et accroissaient leur poids dans la vie publique. Les cavaliers étaient vraisemblablement des auxiliaires alliés dirigés par un préfet, selon la pratique romaine, et Piso put ainsi les dégrader et les reléguer avec d’autres auxiliaires de l’armée sur les ailes. L’autre possibilité est que ces cavaliers appartenaient à la cavalerie légionnaire[3]. Ils étaient des Romains aisés, et le blâme du général devait leur fermer définitivement les portes de l’ordre équestre dont ils étaient à la lisière. En cela le châtiment rappelait celui qui avait frappé les legiones Cannenses un peu moins d’un siècle plus tôt[4].
[1] Cf. notice n° 89.
[2] Val. Max., 2, 7, 9 : ademptis equis in funditorum alas transcripsit.
[3] Nicolet 1966-1974, 1, p. 53 ; 73 et 86.
[4] Cf. notice n° 49.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).