F. Münzer, RE, 6A/2, 1937, col. 1555, n° 6 s. v. Titius ; DPRR n° TITI1612.
Val. Max., 2, 7, 9 : L. quoque Calpurnius Piso consul, cum in Sicilia bellum aduersus fugitiuos gereret et <C.> Titius equitum praefectus [fugitiuorum] multitudine hostium circumuentus arma iis tradidisset, his praefectum ignominiae generibus adfecit : iussit eum toga laciniis abscisis amictum discinctaque tunica indutum nudis pedibus a mane in noctem usque ad principia per omne tempus militiae adesse. Interdixit etiam ei conuictum hominum usumque balnearum, turmasque equitum, quibus praefuerat, ademptis equis in funditorum alas transcripsit. Magnum profecto dedecus patriae pari sontium dedecore uindicatum est, quoniam quidem id egit Piso, ut qui cupiditate uitae adducti cruce dignissimis fugitiuis tropaea de se statuere concesserant libertatique suae seruili manu flagitiosum inponi iugum non erubuerant, amarum lucis usum experirentur mortemque, quam effeminate timuerant, uiriliter optarent.
L. Calpurnius Piso lui aussi lorsque, pendant son consulat, il menait en Sicile la guerre contre les esclaves fugitifs et que C. Titius, le chef de sa cavalerie, s’était laissé encercler par la masse des ennemis et leur avait rendu ses armes, a infligé à ce chef les marques d’infamie que voici. Il l’a fait envelopper d’une toge aux pans déchirés, habiller d’une tunique sans ceinture et, les pieds nus, rester debout du matin au soir près du quartier général pendant toute la durée de son service aux armées. Il lui a interdit également toute relation avec ses semblables et l’utilisation des bains ; quant aux escadrons de cavalerie qu’il avait commandés, il leur enleva leur cheval et les fit passer dans les groupes de frondeurs placés aux ailes de la ligne de bataille. Profond était certainement le déshonneur qui avait frappé la patrie : un déshonneur égal frappa les coupables, pour la venger, puisque Pison, devant des hommes que le désir de sauver leur vie avait conduits à laisser des fugitifs qui méritaient le supplice de la croix dresser des trophées de leur défaite, à faire que les hommes libres qu’ils étaient dussent passer sous le joug infamant que leur imposaient des mains d’esclaves, sans en rougir, Pison a réussi ainsi à les obliger à trouver amère la lumière dont ils jouissaient encore et à souhaiter la mort qu’ils avaient redoutée comme des femmes, pour redevenir des hommes (trad. R. Combès, CUF).
Front., Str., 4, 1, 26 : L. Piso C. Titium praefectum cohortis, quod loco fugitiuis cesserat, cinctu togae praeciso, soluta tunica, nudis pedibus in principiis cotidie stare, dum uigiles uenirent, iussit, conuiuiis et balneo abstinere.
Comme le préfet de cohorte C. Titius avait lâché pied devant des esclaves en fuite, L. Pison lui ordonna de se tenir tous les jours devant le quartier général du camp, vêtu d’une toge au ceinturon coupé, la tunique déliée et les pieds nus, jusqu’à l’arrivée des gardes de nuit. Il lui interdit également les repas en commun et les bains (trad. P. Laederich, Economica).
C. Titius servait comme praefectus equitum[1] sous les ordres de L. Calpurnius Piso Frugi[2], le consul de 133, dans la guerre contre les esclaves en Sicile[3]. Encerclé avec son escadron par les esclaves, il rendit les armes et gagna ainsi la vie sauve pour lui et ses hommes[4]. En raison de la difficulté de cette guerre servile et de la nature de l’ennemi, indigne des légions romaines[5], le consul Piso décida de prendre des mesures draconiennes et de faire un exemple. En effet, Piso voulut avant tout humilier C. Titius : his praefectum ignominiae generibus adfecit[6]. Nous retrouvons ici l’ignominia dans sa forme la plus simple, l’humiliation comme punition exemplaire[7]. Toutes les mesures prises par le consul visaient à stigmatiser C. Titius, à lui dénier sa citoyenneté, sa virilité et même tous les attributs de l’homme romain.
Valère Maxime et Frontin décrivent avec précision les différentes sanctions et l’intérêt de Frontin pour ces questions rend la description relativement fiable. En premier lieu, Piso distingua visuellement Titius du reste des soldats en lui imposant une tenue différente. Or cet accoutrement symbolisait également ce qu’on lui reprochait : l’absence de ceinture[8] désignait le caractère efféminé, donc l’absence de courage et la mollesse ; les pieds nus et la toge déchirée[9] renvoyaient à la condition de celui qui ne possède rien, qui n’est pas capable de protéger ses biens et donc aussi à l’esclave, qui ne se possède plus lui-même. En outre, le général obligea Titius à rester toute la journée debout[10] (ce qui constituait également sans doute une forme de châtiment corporel) au centre du camp[11], c’est-à-dire dans le lieu le plus fréquenté – comparable au forum de chaque cité – afin que tous les soldats pussent l’admirer dans cette tenue honteuse. La stigmatisation se poursuivit avec l’interdiction d’utiliser les bains[12]. Là encore, on refusait à Titius la qualité de citoyen romain, l’usage des bains étant un des signes d’appartenance à la cité romaine, et il s’agissait de le distinguer du reste de l’armée et de l’assimiler sinon à un barbare, voire à un sous-homme, au moins à un esclave. La déshumanisation était aussi la conséquence de la privation de tout contact humain puisque les bains étaient un lieu de forte sociabilité tout comme les banquets auxquels il lui était désormais interdit de se rendre[13].
En conclusion, Piso voulut retrancher Titius de la vie civique en lui refusant sa qualité de soldat, de citoyen et même d’homme. L’humiliation était totale, renforcée par des interdits et le général entendait par là démontrer que seul un esclave, ou un barbare, pouvait être vaincu par un esclave. Comme toujours, l’ignominia était à la fois punition pour le coupable et avertissement pour la communauté. Il est enfin presque certain que C. Titius fut privé de son rang de praefectus equitum par Piso. Le général sanctionna une conduite indigne face à l’ennemi par des mesures sitgmatisantes visant à écarter symboliquement Titius de la communauté de sorte que son cas ait pu attirer l’attention des censeurs[14] qui auraient pu le priver de son cheval public, le reléguer parmi les aerarii et le changer de tribu. Cependant, nous n’avons aucune indication sur ce que devint C. Titius une fois son service terminé, ni sur ses éventuels descendants.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.