Liv., 27, 13, 9 (a. 209) : Quae signa amiserant hordeum dari iussit, […] ; et ut postero die omnes pedites equites armati adessent edixit. Ita contio dimissa fatentium iure ac merito sese increpitos.
Aux cohortes qui avaient perdu leurs enseignes, il [Marcellus] ordonna de donner de l’orge ; […] à tous, cavaliers et fantassins, il donne pour instructions d’être, le lendemain, présents en armes. Ainsi fut renvoyée l’assemblée, tous reconnaissant que le blâme qu’ils avaient reçu était justifié et mérité (trad. P. Jal, CUF).
Plut., Marc., 25, 9-10 : Αἰτουμένων δὲ συγγνώμην, οὐκ ἔφη διδόναι νενικημένοις, ἐὰν δὲ νικήσωσι, δώσειν· αὔριον δὲ μαχεῖσθαι πάλιν, ὅπως οἱ πολῖται τὴν νίκην πρότερον ἢ τὴν φυγὴν ἀκούσωσι. Διαλεχθεὶς δὲ ταῦτα, προσέταξε ταῖς ἡττημέναις σπείραις ἀντὶ πυρῶν κριθὰς μετρῆσαι.
Comme les soldats demandaient leur pardon, il déclara qu’il ne l’accordait pas à des vaincus, mais que, s’ils étaient vainqueurs, ils l’obtiendraient ; il ajouta que l’on reprendrait le combat dès le lendemain, afin que la nouvelle de la victoire parvienne à Rome avant celle de la défaite. Cela dit, il fit donner une ration d’orge, au lieu de blé, aux cohortes qui avaient cédé (trad. R. Flacelière et E. Chambry, CUF).
En 209, M. Claudius Marcellus poursuivait les opérations en Italie du Sud comme proconsul[1], et conduisait ses troupes d’une main de fer qui lui avait valu de reprendre Syracuse en 211[2]. Harcelant Hannibal depuis sa fuite de Canusium, il engagea une bataille qu’il perdit[3]. Attribuant cet échec, comme de coutume, aux soldats plutôt qu’au commandement, Marcellus prononça à ses troupes rassemblées à l’abri du camp un discours plein de remontrances et les exhorta à laver l’affront dès le lendemain[4]. Pour donner plus de poids à ses paroles, il ordonna que les cohortes qui avaient perdu leurs enseignes dans le combat, véritable ignominia, reçussent de l’orge, nourriture bonne pour les esclaves et le bétail[5]. Cette stigmatisation alimentaire, qui frappait le gros de l’armée tandis que les officiers subissaient des peines infamantes plus lourdes[6], semble avoir été destinée à durer uniquement jusqu’à ce que les soldats eussent effacé la honte subie. Aussi Marcellus ne visait-il qu’à éveiller la pudor de ses hommes afin d’obtenir la victoire. Il s’agit du premier épisode où de l’orge est donné aux soldats vaincus indépendamment d’une décimation, sans que l’on sache, à cause du manque de sources, si Marcellus innovait ou si la pratique avait été instituée plus tôt.
[1] MRR, 1, p. 287.
[2] Pour les sources voir MRR, 1, p. 273-274. Notons qu’il employait notamment les légions de Cannes et les réfractaires de 214 astreints à un service ignominieux en Sicile cf. notices n° 49 et 73.
[3] Liv., 27, 12, 7-17.
[4] Liv., 27, 13, 1-8.
[5] Sur cette punition, voir Bur 2018, chapitre 1.3.1.
[6] Cf. notice précédente n° 87.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.