Gell., 4, 20, 11 : Item aliud refert Sabinus Masurius in septimo memoriali seuere factum : « Censores » inquit « Publius Scipio Nasica et Marcus Popilius cum equitum censum agerent, equum nimis strigosum et male habitum, sed equitem eius uberrimum et habitissimum uiderunt et “cur” inquiunt “ita est, ut tu sis quam equus curatior ?” “Quoniam” inquit “ego me curo, equum Statius nihili seruos”. Visum est parum esse reuerens responsum, relatusque in aerarios, ut mos est ».
Masurius Sabinus rapporte au septième livre de ses Mémorables un autre trait de sévérité : « Les censeurs Publius Scipio Nasica et Marcus Popilius, dit-il, alors qu’ils faisaient le recensement des chevaliers, virent un cheval trop maigre et mal tenu dont le cavalier était très florissant et bien en chair. « Comment se fait-il, lui dirent-ils, que tu sois mieux soigné que ton cheval ? – Parce que, répondit-il, c’est moi qui me soigne, mon cheval, c’est Statius, un vaurien d’esclave ». La réponse parut impertinente et il fut relégué parmi les aerarii, selon l’usage » (trad. R. Marache, CUF).
L’épisode ne nous est connu que par un passage d’Aulu-Gelle citant Sabinus Masurius, juriste du Ier siècle et élève de C. Ateius Capito[1]. Dans son ouvrage, les Mémorables, il transmet le souvenir d’un trait de sévérité des censeurs de 159, P. Scipio Nasica et M. Popilius[2], très certainement authentique en raison de la nature même de l’œuvre et de la forme de l’anecdote. Celle-ci en effet ne s’intéresse qu’à la cause du blâme infligé par les censeurs sans préciser qui en était la victime, ce qui met à l’abri le récit des déformations partisanes ou familiales. Nous ne savons donc pas le nom du chevalier qui osa répondre insolemment aux censeurs lors de la recognitio equitum et nous l’avons surnommé par commodité le « maître de Statius », le nom de l’esclave étant le seul nom transmis dans ce récit. Lors de la revue, les censeurs purent constater le mauvais état du cheval de notre personnage puisque les chevaliers défilaient en tenant leur monture par la bride[3]. Un cheval mal entretenu était une cause d’exclusion infamante de l’ordre équestre comme l’indique ailleurs Aulu-Gelle[4]. Aussi les censeurs durent-ils interroger ce chevalier afin de déterminer s’il était responsable du mauvais état de sa monture. Or non seulement la réponse de notre personnage confirma les soupçons des censeurs mais elle fut aussi considérée comme une preuve d’irrespect à leur égard : uisum est parum esse reuerens responsum. Masurius nous apprend uniquement qu’il fut relégué parmi les aerarii, en précisant que les censeurs suivirent à cette occasion la coutume. Nulle mention n’est faite de son statut de chevalier. Il est très peu probable que, fait aerarius, cet individu ait pu conserver son cheval public. Nous pouvons supposer que, suivant la pratique traditionnelle, le mauvais état de la monture entraîna le retrait du cheval public et qu’en plus de cela, pour châtier l’impertinence du chevalier, les censeurs le reléguèrent parmi les aerarii, appliquant une autre sanction pas si habituelle[5]. La sévérité dont Masurius voulait garder le souvenir était la punition contre l’irrespect du chevalier et c’est pour cela qu’il négligea les autres détails.
En conclusion, le chevalier que nous dénommons « maître de Statius » fut privé de son cheval public, qu’il n’entretenait pas de manière satisfaisante, et fut relégué parmi les aerarii parce que non seulement il reconnut sa responsabilité mais fit de telle sorte que cela pouvait paraître comme un affront envers les censeurs. L’anecdote ne nous fournit aucune autre information quant à la suite de sa vie ou ses éventuels descendants.
[1] Bauman 1989, p. 62-68.
[2] MRR, 1, p. 445-446 et Suolahti 1963, p. 382-387.
[3] Cf. Bur 2018, chapitre 3.1.
[4] Gell., 4, 12, 2.
[5] Cf. Bur 2018, chapitre 4.
Bauman 1989 : Bauman R. A., Lawyers and Politics in the Early Roman Empire. A study of relations between the Roman jurists and the emperors from Augustus to Hadrian, Munich, 1989.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.