H. Gundel, RE, 8A/2, 1958, col. 1882, n° 2 s. v. Veturius.
Plut., Cat. Ma., 9, 6 : Τὸν δ’ ὑπέρπαχυν κακίζων ‘ποῦ δ’ ἄν’ ἔφη ‘τῇ πόλει σῶμα τοιοῦτο γένοιτο χρήσιμον, οὗ τὸ μεταξὺ λαιμοῦ καὶ βουβώνων ἅπαν ὑπὸ τῆς γαστρὸς κατέχεται’.
S’en prenant un jour à un obèse : « Comment, dit-il, un tel corps pourrait-il être utile à la patrie, quand toute la place, de la gorge jusqu’en haut des cuisses, est occupée par le ventre ? » (Trad. R. Flacelière et É. Chambry, CUF).
Gell., 6, 22 : Quod censores equum adimere soliti sunt equitibus corpulentis et praepinguibus ; quaesitumque, utrum ea res cum ignominia an incolumi dignitate equitum facta sit.
Nimis pingui homini et corpulento censores equum adimere solitos scilicet minus idoneum ratos esse cum tanti corporis pondere ad faciendum equitis munus. Non enim poena id fuit, ut quidam existimant, sed munus sine ignominia remittebatur. Tamen Cato in oratione, quam de sacrificio commisso scripsit, obicit hanc rem criminosius, uti magis uideri possit cum ignominia fuisse. Quod si ita accipias, id profecto existimandum est non omnino inculpatum neque indesidem uisum esse, cuius corpus in tam inmodicum modum luxuriasset exuberassetque.
Que les censeurs avaient l’habitude d’enlever leur cheval aux chevaliers obèses ou très gras ; et qu’on se demande si c’était une sanction infamante ou si cela allait sans que l’honneur du chevalier soit atteint.
Les censeurs avaient coutume d’enlever son cheval à un homme trop gras et obèse ; c’est évidemment qu’ils pensaient qu’avec un tel poids il n’était pas capable d’assurer les fonctions d’un cavalier. Ce n’était pas une peine, au jugement de certains, les fonctions étaient retirées sans qu’il y eût rien d’infamant. Cependant Caton dans le discours qu’il a écrit Sur le sacrifice entrepris en fait grand grief, si bien que cela peut paraître plutôt s’être accompagné d’infamie. Si on l’admet, il faut assurément estimer que celui dont le corps s’était développé avec une luxuriance et une abondance si immodérées, n’était pas tout à fait exempt du reproche de paresse (trad. R. Marache, CUF).
Gell., 17, 2, 19 : « Sanctitas » quoque et « sanctimonia » non minus Latine dicuntur, sed nescio quid maioris dignitatis est uerbum « sanctitudo », sicuti M. Cato in L. Veturium « duritudinem » quam « duritiam » dicere grauius putauit : « Qui illius, inquit, impudentiam norat et duritudinem ».
Sanctitas également et sanctimonia sont tout aussi latins mais le mot sanctitudo a je ne sais quoi de plus majestueux, de même M. Caton dans le Contre L. Veturius, a jugé plus imposant de dire duritudinem plutôt que duritiam : « Qui connaissait son impudence et sa dureté » (trad. Y. Julien, CUF).
Fest., p. 466 L. : Stata sacrificia sunt, quae certis diebus fieri debent. Cato, in ea, quam scribsit de L. Veturio, de sacrificio commisso, cum ei equum ademit : « Quod tu, quod in te fuit, sacra stata, sollempnia, capite sancta deseruisti ».
Il y a des sacrifices établis qui doivent être célébrés certains jours. Caton, dans ce qu’il écrivit à propos de L. Veturius, de sacrificio commiso cum ei equum ademit : « Car toi, ce qui est contre toi, tu as abandonné les sacrifices établis, les habitudes solennelles, les choses sacrées sur ta tête ».
L. Veturius était un chevalier romain qui fut privé de son cheval par Caton l’Ancien[1] lors de sa censure en 184[2]. Nous ne savons presque rien de ce chevalier et l’hypothèse, très fragile, émise par F. Münzer[3] d’en faire un membre de la gens des Veturii Philones ne fut pas suivie[4]. Notre personnage ne nous est connu qu’à travers un discours que Caton prononça contre lui et qui fut conservé par Aulu-Gelle et Festus. Le titre a été établi par H. Malcovati en In L. Veturium de sacrificio commisso cum ei equum ademit ce qui le rattache clairement aux discours censoriaux de Caton[5]. Ce titre, transmis par Festus, atteste que L. Veturius était un chevalier qui fut sanctionné lors de la recognitio equitum.
Les extraits conservés de ce discours, et les gloses des auteurs anciens, nous transmettent deux motifs pour la sanction de Veturius : sa négligence des cultes familiaux et son obésité qui le rendait inapte au service équestre[6]. Ces deux causes ont toujours été associées et considérées comme également importantes par les historiens modernes[7]. La seconde a suscité un débat dès l’époque d’Aulu-Gelle afin de déterminer si l’obésité était une cause infamante de retrait du cheval public. C’est ce que semble indiquer un passage de Plutarque[8] et les modernes ont également conclu en ce sens[9]. Ainsi les deux motifs justifiaient chacun une exclusion. D’une part l’obésité dénotait une vie molle, indigne d’un romain et plus encore d’un chevalier appelé à servir dans la cavalerie citoyenne (corpus in tam inmodicum modum luxuriasset exuberassetque écrit Aulu-Gelle). D’autre part la négligence des cultes privés révélait le mépris pour les dieux, ce qui pouvait menacer la communauté civique. Il est donc certain que le retrait du cheval de L. Veturius fut fait cum ignominia. Enfin, il est possible que le discours de Caton, insistant sur l’incapacité corporelle de Veturius, pût servir ses éventuels projets de réforme de l’ordre équestre[10] ou à stigmatiser un individu qui symbolisait le contraire des valeurs qu’il défendait et entendait incarner.
En conclusion, nous ne pouvons qu’affirmer que L. Veturius fut privé ignominieusement de son cheval public par Caton lors de sa censure de 184. En revanche nous ne savons rien sur sa vie, ni avant ni après la censure, et sur d’éventuels descendants.
[1] Fest., p. 466 L. Nous pouvons aussi le déduire de Gell., 6, 22 en le croisant avec 17, 2, 19.
[2] MRR, 1, p. 374-375 et Suolahti 1963, p. 348-358.
[3] Münzer 1922, p. 131.
[4] Fraccaro 1956a [1911], p. 444-448 et Nicolet 1966-1974, 1, p. 76 refusent l’identification. Les autres historiens mentionnés dans cette notice n’abordent pas cette question.
[5] Caton l’Ancien, In L. Veturium de sacrificio commisso cum ei equum ademit, frg. 72-82 Malcovati sont les fragments qui concernent ce discours. Voir aussi Sblendorio Cugusi 1982, discours XV, frg. 59-67, p. 80-82 et le commentaire p. 232-241 ; Cugusi et Sblendorio Cugusi 2001, discours XV, frg. 59-67, p. 292-297 qui donnent le même titre à ce discours et l’attribuent à l’action censoriale de Caton lors de la revue de l’ordre équestre.
[6] Gell., 6, 22 et Fest., p. 466 L.
[7] Schmähling 1938, p. 87 et 121 ; Kienast 1954, p. 75 ; Suolahti 1963, p. 357 ; Nicolet 1966-1974, 1, p. 76 et 87 ; Astin 1978, p. 82 et 89.
[8] Plut., Cat Ma., 9, 6 auquel on peut aussi rapprocher Plut., Cat. Ma., 4, 4.
[9] Fraccaro 1956a [1911], p. 448 et 492 ; Schmähling 1938, p. 121-122 n. 349.
[10] Fraccaro 1956a [1911], p. 488-493.
Astin 1978 : Astin A. E., Cato the Censor, Oxford, 1978.
Cugusi et Sblendorio Cugusi 2001 : Cugusi P. et Sblendorio Cugusi M. T., Opere di Marco Porcio Catone Censore, 1, Turin, 2001.
Fraccaro 1956a [1911] : Fraccaro P., « Ricerche storiche e letterarie sulla censura del 184/183 », dans Pais E. (dir.), Studi storici per l’antichità classica, 4, 1911, p. 1-137 (= Id., Opuscula, 1, Pavie, 1956, p. 417‑508) (pagination dans la seconde édition).
Kienast 1954 : Kienast D., Cato der Zensor : seine Persönlichkeit und seine Zeit, Heidelberg, 1954.
Münzer 1922 : Münzer F., Römische Adelsparteien und Adelsfamilien, Stuttgart, 1922.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).
Sblendorio Cugusi 1982 : Sblendorio Cugusi M. T., M. Porcis Catonis orationum reliquiae, Turin, 1982.
Schmähling 1938 : Schmähling E., Die Sittenaufsicht der Censoren, Stuttgart, 1938.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.