P. von Rohden et H. Dessau, PIR, 3, V 372 ; R. Hanslik, RE, 8/2, 1958, col. 1945, n° 2 s. v. Vibidius ; W. Eck, Neue Pauly, 12/2, 2002, col. 173-174, s. v. Vibidius Virro ; Wiseman 1971, p. 273, n° 484.
Tac., Ann., 2, 48, 3 : ita prodigos et ob flagitia egentes, Vibidium Virronem, Marium Nepotem, Appium Appianum, Cornelium Sullam, Q. Vitellium mouit senatu aut sponte cedere passus est.
ceux que la prodigalité ou le vice avaient réduits à l’indigence, Vibidius Virro, Marius Nepos, Appius Appianus, Cornelius Sulla, Q. Vitellius, il [Tibère] les exclut du Sénat ou les laissa s’en retirer (trad. P. Wuilleumier, CUF).
Vibidius Virro fut exclu de l’ordre sénatorial par Tibère lors de la révision annuelle de 17. Le cognomen Varro donné par Tacite fut rapidement corrigé en Virro et cette forme est considérée désormais comme certaine[1]. En effet, une inscription mentionne un Sex. Vibidius Virro, père d’une vestale[2] et un Sex. Virro L. f., de la tribu Sergia, est attesté pour 9 avant J.‑C. par Frontin[3]. R. Hanslik et W. Eck veulent identifier les trois personnages, mais R. Syme, plus prudent, se contente d’en déduire qu’ils étaient vraisemblablement de la même famille. Ainsi notre personnage s’appelait bien Vibidius Virro, était de la tribu Sergia ce qui, associé à la forme du nom, en ferait peut-être un Pélignien[4]. Virro était parmi les sénateurs que Tibère radia de l’ordre sénatorial parce qu’ils avaient dilapidé leur fortune par leur conduite honteuse[5].
R. Syme signale deux autres passages qui s’accordent avec cet épisode. Le premier est la satire d’Horace, souvent appelée « le repas ridicule », où apparaît un Vibidius, parasite (umbra) de Mécène, grand buveur et amuseur[6]. Le second est une allusion de Juvénal à un Virro qui utilisait de la vaisselle luxueuse[7]. Les deux évocations de Virro concordent avec le caractère dissipateur de notre personnage. Cependant la chronologie rend l’identification improbable puisque la 8e satire du 2e livre d’Horace date au plus tard de 30 avant J.-C. et que notre personnage fut exclu en 17 après J.-C., soit 47 ans plus tard ! À moins de supposer que Tibère décidât d’exclure un vieillard, l’identification doit être rejetée. En revanche peut-être que le parasite de Mécène était le père de notre Vibidius qui, grâce à l’appui de cet ami du Prince, parvint à entrer au Sénat avant 8 avant J.-C. On devrait alors l’appeler Sex. Vibidius L. f. Virro, et son père naturellement L. Vibidius Virro. Lié à un milieu festif, Vibidius, qui était vraisemblablement un homo nouus italien[8], ne bénéficia ni de l’aide financière du Prince ni de son indulgence[9], lui qui passait certainement pour un parvenu[10]. Tibère laissa l’opportunité aux sénateurs qu’il comptait exclure de se retirer d’eux-mêmes afin d’éviter l’humiliation publique et d’atténuer ainsi le déshonneur, mais rien ne permet de déterminer si Vibidius accepta l’offre[11].
Après avoir dévoré son patrimoine, la carrière de Vibidius Virro, homme nouveau, était vraisemblablement anéantie. Nous n’entendons plus parler de lui. S’il était bien le père de la vestale mentionnée par l’inscription, alors son humiliation n’entrava pas la carrière de sa fille puisqu’elle était grande Vestale en 48[12], mais cela reste douteux.
[1] Syme 1949, p. 17.
[2] IG, II/III², 3532 ; 4161.
[3] Front., De Aq., 129.
[4] R. Hanslik, RE, 8/2, 1958, col. 1945, n° 2 s. v. Vibidius ; W. Eck, Neue Pauly, 12/2, 2002, col. 173-174, s. v. Vibidius Virro ; Syme 1949, loc. cit. et 1970, p. 76-77 suivi par Wiseman 1971, p. 273, n° 484 et Torelli 1982, p. 189.
[5] Pour l’examen de la procédure et de son motif, nous renvoyons à la notice d’Appius Appianus n° 35.
[6] Hor., Sat., 2, 8, 22 ; 33-35 ; 40 ; 80-82.
[7] Juv., Sat., 5, 37-39. Nous pouvons remarquer que le scholiaste de Juvénal utilisa le même terme pour expliquer le motif de l’exclusion du Sénat de Cornelius Rufinus en 275 (cf. notice n° 2) : Schol. Juv., 9, 142.
[8] Wiseman 1971, loc. cit.
[9] Pour les aides financières accordées par Auguste et Tibère à des sénateurs : Talbert 1984, p. 50-52.
[10] Syme 1970, p. 76-77.
[11] Talbert 1984, p. 53 affirme que les départs liés à la pauvreté étaient toujours volontaires, ce qu’il nous paraît impossible de déduire de Tac., Ann., 12, 52, 3.
[12] Tac., Ann., 11, 32, 2.
Syme 1949 : Syme R., « Personal Names in Annals I-VI », JRS, 1949, 39, p. 6-18.
Syme 1970 : Syme R., Ten Studies in Tacitus, Oxford, 1970.
Talbert 1984 : Talbert R. J. A., Senate of Imperial Rome, Princeton, 1984.
Torelli 1982 : Torelli M., « Ascesa al Senato e rapporti con i territori d’origine – Italia : Regio IV (Samnium) », dans Epigrafia e ordine senatorio, 2, Rome, 1982, p. 165-199.
Wiseman 1971 : Wiseman T. P., New Men in the Roman Senate, Londres, 1971.