P. v. Rhoden, RE, 2/1, 1896, col. 242, n° 4 s. v. Appius ; E. Groag, PIR², 1, 1933, p. 183, A 946 ; W. Eck, Neue Pauly, 1, 1996, col. 906, [II 3].
Tac., Ann., 2, 48, 3 : ita prodigos et ob flagitia egentes, Vibidium Virronem, Marium Nepotem, Appium Appianum, Cornelium Sullam, Q. Vitellium mouit senatu aut sponte cedere passus est.
ceux que la prodigalité ou le vice avaient réduits à l’indigence, Vibidius Virro, Marius Nepos, Appius Appianus, Cornelius Sulla, Q. Vitellius, il [Tibère] les exclut du Sénat ou les laissa s’en retirer (trad. P. Wuilleumier, CUF).
Appius Appianus n’est qu’un nom[1] dans la liste des sénateurs appauvris donnés par Tacite. Peut-être fils de sénateur, il dut entamer la carrière des honneurs afin d’avoir son nom inscrit dans l’album senatus. En 17, Tibère fut confronté dans sa révision annuelle de l’ordre sénatorial[2] à des membres qui avaient perdu le cens dont Auguste avait élevé le montant à un million de sesterces entre 18 et 13[3]. Une fortune minimale était une condition nécessaire pour appartenir au premier ordre de la cité et par conséquent la perdre provoquait inéluctablement la dégradation. Il s’agissait donc d’une vérification censitaire afin de s’assurer que les sénateurs disposaient toujours du patrimoine requis. La faillite était infamante à Rome puisqu’elle signalait une mauvaise gestion privée et, par là, proclamait l’incapacité à gérer les finances publiques et à honorer ses dettes[4]. En outre, Tacite, en les présentant comme des prodigi, nous précise que la faillite d’Appianus et des autres sénateurs exclus était due à un mode de vie déréglé, ob flagitia[5]. La conduite intempérante était un facteur aggravant pour le failli qui ne pouvait dès lors espérer obtenir le pardon du Prince voire son aide financière[6]. La dégradation était la reconnaissance officielle de la mauvaise conduite et sa sanction, elle confirmait les soupçons et humiliait l’individu qui avait échoué à maintenir son rang et ne s’en était pas montré digne[7]. Cependant Tibère, plutôt que de rayer systématiquement le nom du coupable, lui laissa la possibilité de se retirer. De la sorte, la faillite faisait moins scandale et la prise de responsabilité atténuait le déshonneur subi. Rien n’indique toutefois qu’Appius ait choisi cette option[8].
La banqueroute d’Appius, que Tacite liait à son genre de vie, entraîna la perte de la dignité sénatoriale. Même si son patrimoine restait suffisamment important pour appartenir encore à l’ordre équestre, il est peu probable que le Prince eût toléré qu’un individu souillé par tant de vices et par une telle humiliation entrât après sa dégradation dans le second ordre de l’État. Les chevaliers auraient assurément peu apprécié l’arrivée d’un tel personnage qui aurait amoindri la dignité de leur groupe. Le plus vraisemblable est qu’après son exclusion Appius restât simple citoyen et que la perte de son patrimoine privât lui et ses descendants de tout espoir de carrière.
Le consul de 28, C. Appius Junius Silanus, pourrait être un parent[9] mais un parent éloigné qui n’aurait donc pas pâti de la perte de sa fortune ni de l’humiliation d’Appianus.
[1] E. Groag dans la PIR² rappelle qu’il n’est pas certain qu’Appius soit le nom gentilice de notre personnage.
[2] Mommsen 1889-1896, 5, p. 233 et 7, p. 56-57. Cf. Bur 2018, chapitres 61.2 et 6.2.2.
[3] Chastagnol 1992, p. 31.
[4] Cf. Bur 2018, chapitres 5.2 et 17.2.2.1.
[5] Levick 1976, p. 95 a émis l’hypothèse que les cinq sénateurs exclus pour pauvreté de l’ordre sénatorial auraient été des opposants politiques à Tibère, pour aussitôt en douter. Nous ne pensons pas en effet que cet épisode s’accorde avec une éventuelle épuration qui aurait suivi la conspiration de Libo Drusus.
[6] Pour les aides financières accordées par Auguste et Tibère à des sénateurs : Talbert 1984, p. 50-52. Signalons en particulier l’exemple de M. Hortalus, descendant du fameux orateur Hortensius (Tac., Ann., 2, 37-38).
[7] Baltrusch 1989, p. 135 n. 19 en particulier
[8] Talbert 1984, p. 53 affirme que les départs liés à la pauvreté étaient toujours volontaires, ce qu’il nous paraît impossible de déduire de Tac., Ann., 12, 52, 3.
[9] W. Eck, Neue Pauly, 1, 1996, col. 906, [II 3].
Baltrusch 1989 : Baltrusch E., Regimen morum. Die Reglementierung des Privatlebens der Senatoren und Ritter in der römischen Republik und frühen Kaiserzeit, Munich, 1989.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Chastagnol 1992 : Chastagnol A., Le Sénat romain à l’époque impériale, Paris, 1992.
Levick 1976 : Levick B., Tiberius the Politician, Londres, 1976.
Mommsen 1889-1896 : Mommsen T., Le Droit public romain, Paris, 1889-1896 (8 vol.).
Talbert 1984 : Talbert R. J. A., Senate of Imperial Rome, Princeton, 1984.