Les bases de données universitaires qui sont ou seront mises en ligne sur ce site s’inscrivent dans un projet scientifique qui se caractérise par les points suivants :
- L’approche prosopographique
La démarche prosopographique relève du sacerdoce bénédictin et peut rebuter plus d’un chercheur qui préférera la technique des sondages ponctuels ou l’usage de rapports synthétiques élaborés sur une base anonyme de deuxième main, aux longues heures (et bien souvent années) de dépouillements systématiques dans des archives répandues aux quatre coins de France et d’Europe. Elle est cependant indispensable à tout travail ayant pour ambition de déterminer avec rigueur la fonction évolutive des études supérieures dans la société, et, autant que les archives universitaires le permettent, sur le long terme. L’établissement de cette norme sociale, à travers les stratégies et habitus estudiantins, implique que les fonds dépouillés soient, autant que possible, issus de corpus documentaires identiques et de première main. Encore faut-il user à bon escient de ces corpus qui, spécialement sous l’Ancien Régime, regorgent de pièges faussant décomptes et analyses finales. Il convient en particulier, et c’est l’un des intérêts de la démarche prosopographique, de procéder à des comptages nominatifs et non pas anonymes.
- L’approche géo-statistique nominative
Ces bases ont pris en compte l’approche par établissement d’enseignement. Celle-ci présente un intérêt incontestable pour qui s’intéresse au recrutement d’une faculté ou d’une école supérieure particulière. Pour intéressante qu’elle soit, cette démarche institutionnelle ne prend tout son sens qu’intégrée aux problématiques générales et en adoptant en particulier la démarche de la géographie statistique nominative. Au-delà des approches locales (et en premier lieu des bases relatives à l’université toulousaine), la démarche prosopographique adoptée ici concerne aussi l’échelle française. Elle est pluri-universitaire avec une reconstitution des cursus itinérants : une telle approche globale, servie par une documentation optimale, sera élaborée à travers trois projets spécifiques : la base sur les étudiants étrangers de France (XVIIe-XVIII), la base sur les étudiants étrangers de la Faculté de Droit de Toulouse (1808-1945), la base sur les étudiants de certaines des provinces françaises (XVIe-XVIIIe siècles), la base sur les médecins en France (XVIe-XIXe siècles)
- Une mise en ligne intégrée dans des projets collectifs
Les historiens de l’université profitent depuis longtemps maintenant des outils informatiques grand public pour constituer des bases de données sur les étudiants et les enseignants. Ils se sont également organisés en réseaux à l’échelle européenne, pour travailler ensemble, ce qui a donné lieu à des publications précieuses. Certaines équipes pionnières ont commencé à mettre en ligne leurs données (voir le recensement HELOISE). Cette mise en ligne permet une montée en puissance considérable de la connaissance, notamment sur la peregrinatio academica pour laquelle des pans entiers restent à défricher (ainsi, on connaît mal à l’époque contemporaine les voyages des étudiants français dans les universités étrangères).
- Les objectifs scientifiques
Dans le cas des bases de données universitaires, les objectifs scientifiques sont multiples. Relevons-en simplement quelques uns.
– L’histoire des élites : l’université étant le lieu de passage obligé vers les fonctions importantes (provinciales, royales, laïques ou ecclésiastiques, scientifiques), elle offre, à travers l’étude de sa clientèle estudiantine, un point de vue privilégié et stratégique sur les élites, assumant une fonction de reproduction sociale, une fonction d’ascension sociale et une fonction d’ordre socio-culturel. Plus spécifiquement les données récoltées permettent d’alimenter les réflexions sur l’histoire des professions libérales, administratives et universitaires.
– L’histoire de l’université : A travers les cursus, il s’agit d’évaluer quelle est la fonction de l’université et de ses diplômes dans la société. A travers les carrières des enseignants, il s’agit de comprendre comment s’organise une part majeure du système scientifique français.
– L’histoire socio-religieuse : scruter la volumétrie et la composition sociale des étudiants clercs et des prêtres gradués permet, spécialement sous l’Ancien régime, d’approcher les ressorts de la dialectique Réforme/Contre-Réforme, comme ceux du rôle socio-économique de l’Église, depuis sa prééminence jusqu’à la laïcisation accrue des stratégies de carrière aux temps des Lumières.
– La circulation des savoirs en Europe et dans le monde.
– L’histoire culturelle des relations internationales : les universités constituent par le biais de leurs étudiants étrangers et par la présence internationale de leurs enseignants un pôle majeur dans le dispositif de projection extérieure des États. Elles sont également intégrées depuis leur création à un espace international de la formation et de la recherche qui joue sa propre partition tout en entretenant des relations étroites avec les États-nations.
Les responsables scientifiques
Caroline Barrera (contemporaine) & Patrick Ferté (moderne)