Infames Romani

M'. (M'. f. M'. n. ?) Aquillius [*]

Numéro
21
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Eviction du Sénat
Date de l'épisode
-70
Références prosopographiques
Source
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Cic., Cluent., 119-120 : Video, igitur, iudices, animaduertisse censores in iudices quosdam illius consili Iuniani, cum istam ipsam causam subscriberent. […] quos autem ipse L. Gellius et Cn. Lentulus, duo censores, clarissimi uiri sapientissimique homines, furti et captarum pecuniarum nomine notauerunt, ei non modo in senatum redierunt sed etiam illarum rerum iudiciis absoluti sunt.


Donc, Juges, je vois que les censeurs ont adressé un blâme à certains juges de ce tribunal de Junius et ils ont dans leurs notes précisément fait état de cette affaire. […] mais ceux que L. Gellius lui-même et que Cn. Lentulus, tous deux censeurs, personnages illustres et très éclairés ont flétris pour vol et pour corruption judiciaire, non seulement sont rentrés dans le Sénat, mais ont été acquittés par des jugements qui visaient précisément ces points-là (trad. P. Boyancé, CUF).


 


Cic., Cluent., 127 : Nam haec quidem quae de iudicio corrupto subscripserint quis est qui ab illis satis cognita et diligenter iudicata arbitretur ? In M’. Aquillium et in Ti. Guttam uideo esse subscriptum. Quid est hoc ? duos esse corruptos solos pecunia iudicant ; […] Duos solos uideo auctoritate censorum adfinis ei turpitudini iudicari.


De fait pour les notes qu’ils ont données sur la corruption des juges, quelqu’un croit-il qu’elles aient été suffisamment étudiées, soigneusement pesées par eux ? Je vois qu’elles ont été infligées à M’. Aquillius et Ti. Gutta. Qu’est-ce donc ? C’est décider que deux juges seulement ont été achetés ? […] Je n’en vois que deux qui, de l’avis des censeurs, soient mêlés à cette infamie (trad. P. Boyancé, CUF).

Notice
Notice

M’. Aquilius apparaît dans le Pro Cluentio parmi les juges corrompus du procès d’Oppianicus de 74 ce qui atteste son statut de sénateur à cette date[1]. Les nom et prénom sont mal établis dans le texte de Cicéron et les éditeurs et historiens ont préféré retenir la version Aquillius pour rattacher notre personnage à la famille des Aquillii. M’. Aquillius M’. f. M’. n., le consul de 129[2] pourrait alors être son grand-père et M’. Aquillius M’. f. M’. n., consul en 101, son père[3]. Notre personnage serait ainsi issu d’une famille consulaire[4]. L’hypothèse d’E. Gabba, qui le classe parmi les senatori sillani meno securi[5], irait contre cette ascendance, à moins que la famille n’eût connu des difficultés avec la guerre Sociale et la guerre civile. Les origines d’Aquillius sont donc obscures et la seule chose certaine est qu’il siégea comme juge dans le conseil de Junius qui fut largement décrié pour corruption. Il y eut un si grand scandale que quatre années plus tard, les censeurs de 70[6] décidèrent de punir certains de ces juges parmi lesquels M’. Aquillius qui fut exclu du Sénat[7].


Il n’y a pas de raison de douter de ce motif de blâme transmis par Cicéron[8]. Ce dernier emploie le verbe subscribere qui désigne clairement l’action des censeurs d’accoler au nom du sénateur le motif d’exclusion lors de la révision de la liste[9]. Il faut en conclure qu’Aquillius figurait sur cette liste. Il avait donc soit été recruté par Sylla, soit exercé la questure, peut-être les deux, afin d’être inscrit sur l’album sénatorial comme sénateur effectif ou détenteur du ius s. d.[10]. Cependant Cicéron nous apprend ailleurs que, comme Ti. Gutta[11], M’. Aquillius réussit à revenir au Sénat après avoir été acquitté lors d’un procès pour corruption judiciaire[12]. Pour cela, peut-être après avoir été blanchi de ces soupçons, mais pas nécessairement, Aquillius dut être élu à une magistrature lui permettant de retrouver son siège au Sénat[13]. Or nous connaissons également un M’. Aquillius M’. f. M’. n. [9], triumvir monétaire vers 70-68 que T. R. S. Broughton propose d’identifier avec le sénateur de 74[14]. Cependant cette magistrature était inférieure à la questure et ne permettait pas son retour dans la curie. Aussi faut-il supposer qu’après son exclusion en 70, Aquillius reprit sa carrière peut-être d’abord avec ce triumvirat, et revêtit ensuite, avant 66 date du Pro Cluentio, une charge octroyant le rang sénatorial, questure (la seconde ?) ou édilité.


En conclusion, nous n’avons que de minces témoignages sur ce personnage et nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses à la fois sur ses origines et sur sa carrière en nous appuyant sur le seul élément sûr, son exclusion du Sénat en 70 pour avoir été corrompu comme juge en 74.






[1] MRR, 2, p. 488.


[2] E. Klebs, RE, 2/1, 1895, col. 323-324, n° 10 s. v. Aquillius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 1, 1996, col. 936, [I 3].


[3] E. Klebs, RE, 2/1, 1895, col. 324-325, n° 11 s. v. Aquillius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 1, 1996, col. 936-937, [I 4].


[4] Gruen 1974, p. 517 lui attribue une origine consulaire.


[5] Gabba 1951b, p. 269.


[6] Sur la censure de 70 de Cn. Cornelius Lentulus Clodianus et L. Gellius Publicola : MRR, 2, p. 126-127 et Suolahti 1963, p. 457-464.


[7] Cic., Cluent., 127.


[8] Willems 1885, 1, p. 417-418 et Gruen 1974, p. 44.


[9] Ce verbe apparaît aussi bien dans Cluent., 120 que 127. En outre le verbe notare est employé par Cicéron dans le § 120. Cf. Bur 2018, chapitre 4.5.


[10] Ryan 1996a, p. 205 le fait questeur avant 71. Cf. Bur 2018, chapitre 4.2.


[11] Cf. notice n° 25.


[12] Cic., Cluent., 119-120.


[13] Willems 1885, 1, p. 420 ; Ryan 1996a, p. 204-205 qui suit le même raisonnement que pour Gutta et place son procès en 70-66 et sa magistrature lui redonnant la dignité sénatoriale en 68-66. Nous ne pouvons donc pas suivre Gruen 1974, p. 193 qui considère que l’exclusion du Sénat signa la fin de la carrière d’Aquillius.


[14] MRR, 3, p. 23. Cf. MRR, 2, p. 432 et Crawford, RRC, 1, p. 412, n° 401.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Crawford, RRC : Crawford M. H. (éd.), Roman Republic Coinage, Londres, 1974 (2 vol.).


Gabba 1951b : Gabba E., « Ricerche sull’esercito professionale romano da Mario ad Augusto », Athenaeum, 1951, 29, p. 171-272.


Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.


Ryan 1996a : Ryan F. X., « Some persons in the Pro Cluentio », Tyche, 1996, 11, p. 195-205.


Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.


Willems 1885 : Willems P., Le Sénat de la République romaine, Paris, 1885² (2 vol.).


Clément Bur, Infames Romani n°21, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le