Infames Romani

Cossutianus Capito [1]

Numéro
152
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de repetundis
Date de l'épisode
57
Références prosopographiques

E. Groag, RE, 4/2, 1901, col. 1673, n° 1 s. v. Cossutianus et PIR², 2, 1933, p. 378-379, C 1543 ; Brunt 1961, p. 226, n° 24 ; Bleicken 1962, p. 161, n° 12 ; Talbert 1984, p. 508, n° 15 ; Rivière 2002, p. 517, n° 22.

Source
Source

Tac., Ann., 13, 33, 2 : Cossutianum Capitonem Cilices detulerant, maculosum foedumque et idem ius audaciae in prouincia ratum, quod in Vrbe exercuerat ; sed peruicaci accusatione conflictatus, postremo defensionem omisit ac lege repetundarum damnatus est.


Cossutianus Capito avait été déféré par les Ciliciens comme un homme chargé de souillures et d’opprobres, inculpé d’avoir usurpé dans la province les mêmes droits dont il avait abusé dans la Ville ; or, l’opiniâtreté de l’accusation étant venue à bout de sa résistance, il finit par renoncer à se défendre et fut condamné en vertu de la loi sur la concussion (trad. P. Wuilleumier, CUF).


 


Tac., Ann., 14, 48, 1 : P. Mario, L. Afinio consulibus […] Exim a Cossutiano Capitone, qui nuper senatorium ordinem precibus Tigellini, socer sui, receperat, maiestatis delatus est.


Sous le consulat de P. Marius et de L. Afinius, […] À la suite de cela, Cossutianus Capito, qui venait de recouvrer le rang sénatorial à la prière de son beau-père Tigellinus, l’accusa [Antistius] de lèse-majesté (trad. P. Wuilleumier, CUF).


 


Tac., Ann., 16, 21, 3 : Quae oblitterari non sinebat Capito Cossutianus, praeter animum ad flagitia praecipitem, iniquus Thrasaea, quod auctoritate eius concidisset, iuuantis Cilicum legatos, dum Capitonem repetundarum interrogant.


C’étaient autant de souvenirs que ne laissait pas s’effacer Capito Cossutianus, d’un caractère porté aux vilenies et, en outre, mal disposé pour Thrasea, dont l’influence avait causé la perte de son procès, quand il assistait les délégués des Ciliciens, venus accuser Capito de concussion (trad. P. Wuilleumier, CUF).

Notice
Notice

Notre personnage est toujours désigné comme Cossutianus Capito sans que nous sachions bien si Cossutianus était un nomen ou un cognomen[1]. Délateur sous Claude, il est menacé par la lex Cincia mais protégé par le Prince[2]. Bien qu’il se revendiquât modicus senator[3], il bâtit une solide fortune grâce à ses accusations et progressa dans le cursus honorum. Dans les premières années du règne de Néron, il est légat de rang prétorien en Orient. Deux hypothèses sont émises à propos de ce gouvernement : soit il était nommé par le gouverneur de Syrie pour administrer la Cilicie, soit il était gouverneur de la province jointe de Lycie-Pamphilie avec Eprius Marcellus[4]. Une chose est sûre, à son retour en 57, il est accusé par des Cilices assistés de Thrasea Paetus[5]. L’accusation était si bien ficelée[6] que Capito finit par renoncer à se défendre et fut condamné d’après la lex repetundarum selon les mots mêmes de Tacite[7]. Par conséquent, il subit les peines prévues par la loi, en particulier l’infamie judiciaire et politique et la réparation du préjudice[8]. Il nous paraît peu probable que Capito partît en exil comme le laisse entendre Y. Rivière[9]. D’ailleurs, s’il avait décidé d’abandonner Rome, il n’aurait sans doute pas attendu le verdict afin de préserver son patrimoine et d’échapper à l’humiliation[10]. De surcroît, il n’aurait sans doute pas abandonné sa défense ou bien serait parti avant pour ne pas connaître l’humiliation de la sentence.


À peine cinq ans plus tard, en 62, grâce à l’intervention de Tigellin, son beau-père, devenu très influent auprès de Néron qui le nomma préfet du prétoire, Capito fut restitué[11]. Aussitôt, Capito reprit son activité de délateur et accusa le préteur Antistius de maiestas, première accusation de ce type sous ce règne[12]. En 66, il attaqua Thrasea Paetus, qui avait soutenu les Ciliciens en 57 et obtenu une peine moins lourde pour Antistius en 62[13]. Assisté d’Eprius Marcellus, ils firent condamner Thrasea et chacun reçut à titre de récompense 500 000 HS[14]. La même année, Capito avait déjà recueilli des sommes importantes d’Annaeus Mela qui espérait, en léguant une partie de sa fortune à Tigellin et son gendre, sauver une partie de son héritage[15].


En conclusion, Cossutianus Capito fut exclu du Sénat en 57 comme condamné de repetundis mais l’influence de son beau-père, Tigellin, lui permit d’être restitué par Néron. Renouant avec l’activité de délateur, il consolida sa fortune et sa situation mais il est très probable qu’à la chute de Néron, Capito, symbolisant avec Tigellin la dernière période du règne, la plus sombre, fut emporté également. Nous n’entendons plus parler de lui dans nos sources ni d’un éventuel descendant.






[1] E. Groag, RE, 4/2, 1901, col. 1673, n° 1 s. v. Cossutianus et PIR², 2, 1933, p. 378-379 identifie le Cossutianus de l’inscription CIL, 14, 2987 avec notre personnage et fait remarquer que Cossutianus est ici un surnom.


[2] Tac., Ann., 11, 6-7. La lex Cincia, datée de 204, interdisait au patron d’être payé en échange de sa plaidoirie (Tac., Ann., 5, 3), tout gain ainsi réalisé tombait alors sous le coup de la loi sur les concussions. Le consul désigné Silius, soutenu par les sénateurs, voulut faire condamner son adversaire Suillius et d’autres délateurs comme Cossutianus Capito. Cependant, Claude modifia la loi et permit désormais aux avocats de recevoir jusqu’à 10 000 HS, toute somme perçue au-delà de ce maximum restait soumise à la loi sur les concussions. Sur la lex Cincia de donis et muneribus, voir Rotondi 1912, p. 261-263 et Elster 2003, p. 255-261, n° 120.


[3] Tac., Ann., 11, 7, 3


[4] Magie 1950, p. 1419-1420 n. 68 contra Syme 1979-1991, 3, p. 1151.


[5] Tac., Ann., 13, 33, 2 et 16, 21, 3 ; Juv., 8, 92-94.


[6] Le souvenir de Quintilien (6, 1, 14) s’en fait l’écho.


[7] Tac., Ann., 13, 33, 2 : lege repetundarum damnatus est.


[8] Cf. Bur 2018, chapitre 10.9.


[9] Rivière 2002, p. 517, n° 22 contra Sherwin-White 1949, p. 18 ; Brunt 1961, p. 226, n° 24 qui parle d’infamia terme par lequel il désigne l’exclusion humiliante de l’ordre sénatorial.


[10] Tacite (Ann., 16, 21, 3) utilise le verbe damnare, preuve que le procès est allé à son terme.


[11] Tac., Ann., 14, 48, 1. Sur le lien de parenté voir aussi : 16, 17, 5.


[12] Tac., Ann., 14, 48.


[13] Tac., Ann., 16, 21, 3 et 22, 1.


[14] Tac., Ann., 16, 33, 2.


[15] Tac., Ann., 16, 17, 5.

Bibliographie
Bibliographie

Bleicken 1962 : Bleicken J., Senatsgericht und Kaisergericht. Eine Studie zur Entwicklung des Prozeßrechtes im frühen Prinzipat, Göttingen, 1962.


Brunt 1961 : Brunt P. A., « Charges of Provincial Maladministration under the Early Principate », Historia, 1961, 10, p. 189-227.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Elster 2003 : Elster M., Die Gesetze der mittleren römischen Republik, Darmstadt, 2003.


Magie 1950 : Magie D., Roman Rule in Asia Minor, Princeton, 1950.


Rivière 2002 : Rivière Y., Les Délateurs sous l’Empire romain, Rome, 2002.


Rotondi 1912 : Rotondi G., Leges publicae populi romani, Milan, 1912.


Sherwin-White 1949 : Sherwin-White A. N., « Poena Legis Repetundarum », PBSR, 1949, 17, p. 5-25.


Syme 1979-1991 : Syme R., Roman Papers, Oxford, 1979-1991 (7 vol.).


Talbert 1984 : Talbert R. J. A., Senate of Imperial Rome, Princeton, 1984.


Clément Bur, Infames Romani n°152, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le