F. Münzer, RE, 3/2, 1899, col. 2848-2849, n° 296 s. v. Claudius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, p. 11, [I 23] ; DPRR n° CLAU1807.
Cic., Dom., 83-84 : Sed si patrem tuum, ciuem, medius fidius, egregium dissimilemque uestri, nemo umquam sanus exulem appellauit, qui, cum de eo tribunus plebis promulgasset, adesse propter iniquitatem illius Cinnani temporis noluit, eique imperium est abrogatum, si in illo poena legitima turpitudinem non habuit propter uim temporum, [...] Patrem tuum, ciuem optimum, clarissimi uiri filium, qui si uiueret, qua seueritate fuit, tu profecto non uiueres, L. Philippus censor auunculum suum praeteriit in recitando senatu. Nihil enim poterat dicere qua re rata non essent quae erant acta in ea re publica in qua se illis ipsis temporibus censorem esse uoluisset.
Si ton père, citoyen éminent, ma foi, et bien différent de vous, ne fut jamais traité d’exilé par aucun homme sensé, alors que, poursuivi par un tribun de la plèbe, il ne voulut pas comparaître, vu l’iniquité des temps à l’époque de Cinna, et fut dépouillé de ses pouvoirs, si une peine légale n’entraîna pour lui aucune flétrissure dans ces temps de violences, […] Ton père, excellent citoyen, fils d’un homme illustre, qui, s’il vivait encore, étant donné sa sévérité, ne t’aurait pas certes laissé la vie, fut retranché de la liste des sénateurs par son propre neveu, le censeur L. Philippus. Celui-ci, en effet, ne pouvait alléguer aucun motif pour infirmer les actes d’un gouvernement, sous lequel il avait désiré exercer la censure (trad. P. Wuilleumier, CUF).
Ap. Claudius Pulcher, vraisemblablement le fils du consul de 143[1], avait bien entamé sa carrière lorsqu’éclata la guerre civile. Questeur en 99, peut-être édile en 91 après avoir échoué pour 92 malgré le soutien de son frère consul, il devint préteur en 89 et était partisan de Sylla[2]. F. Münzer propose de l’identifier avec le commandant doté d’un imperium prétorien qui avait été abandonné par ses troupes, passées à Cinna, en 87 en Campanie[3]. Cette dernière information peut être une preuve supplémentaire de l’appartenance de Claudius au camp syllanien.
Notre épisode, attesté seulement par Cicéron[4], est relativement clair. Tout d’abord, Ap. Claudius Pulcher, partisan de Sylla, est convoqué par un tribun dans une Rome dominée par les marianistes et refuse de s’y rendre. Aussitôt il est privé de son imperium (très certainement proprétorien[5]), probablement à la suite d’une loi que le tribun fit voter au peuple. En revanche rien n’indique qu’il fut banni. Peut-être se retira-t-il dans un exil volontaire en attendant le retour de Sylla ? Cela expliquerait pourquoi Cicéron affirme que personne ne l’appela « exilé ». Les censeurs de 86, nécessairement dévoués au parti marianiste, exclurent ensuite du Sénat Ap. Claudius Pulcher soit, ce qui est le plus probable, en vertu de la loi Cassia de 104 (exclusion immédiate du Sénat après l’abrogation et effacement de l’album au cens suivant)[6], soit en utilisant le prétexte de l’abrogation et du refus d’obéir à un tribun pour éliminer un adversaire politique. Il est également possible que le verbe praeterire utilisé par Cicéron doive être compris de façon stricte : exclu du Sénat d’après la loi Cassia, les censeurs refusèrent de le réinscrire dans l’album et réalisèrent bien une praeteritio puisque Claudius était déjà motus. Dans tous les cas, l’éviction du Sénat est étroitement liée à la guerre civile et s’appuie très certainement sur l’abrogation de l’imperium.
En ces temps troublés, c’est bien évidemment le retour de Sylla qui permit à Claudius de retrouver sa place à la curie et de poursuivre sa carrière (il fut consul en 79, interrex en 77 et proconsul en Macédoine en 77-76, année de sa mort[7]). Rien n’est mentionné sur son retour, mais il fut peut-être restitutus in integrum par Sylla qui cassa les décisions prises par les marianistes. L’exclusion du Sénat ne constitua pas une turpitudo selon les termes mêmes de Cicéron car la cause, l’abrogation de l’imperium, était partisane et donc non liée à ses actes ou ses mœurs.
Appius Claudius Pulcher est le père du fameux Clodius[8] qui mena une carrière popularis contrastant singulièrement avec celle de son père, ce qui est l’objet de nombreuses allusions de Cicéron.
[1] F. Münzer, RE, 3/2, 1899, col. 2848, n° 295 s. v. Claudius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, col. 10, [I 22].
[2] MRR, 2, p. 2, 21 et 33 ; cf. F. Münzer, RE, 3/2, 1899, col. 2848-2849, n° 296 s. v. Claudius et K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, p. 11, [I 23].
[3] F. Münzer, loc. cit. d’après Liv., Perioch., 79, 1.
[4] Cic., Dom., 83-84.
[5] MRR, 2, p. 48.
[6] Cf. Bur 2018, chapitre 9.5.2. C’est la solution suivie par Astin 1988, p. 28, Table 1 n. 5.
[7] MRR, 2, p. 83, 89 et 94.
[8] F. Fröhlich, RE, 4/1, 1900, col. 82-88, n° 48 s. v. Clodius ; W. Will, Neue Pauly, 3, 1997, col. 37-39 [I 4].
Astin 1988 : Astin A. E., « Regimen morum », JRS, 1988, 78, p. 14-34.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.