Attention ! L'épisode est daté du règne de Claude, sans plus de précisions.
Juv., Sat., 11, 35-43 :
Noscenda est mensura sui spectandaque rebus
In summis minimisque, etiam cum piscis emetur,
Ne mullum cupias, cum sit tibi gobio tantum
in loculis. Quis enim te deficiente crumina
et crescente gula manet exitus, aere paterno
ac rebus mersis in uentrem fenoris atque
argenti grauis et pecorum agrorumque capacem ?
Talibus a dominis post cuncta nouissimus exit
anulus, et digito mendicat Pollio nudo.
Il faut connaître sa mesure et en tenir compte dans les grandes comme dans les petites choses, fût-ce pour l’achat d’un poisson, afin de ne pas vouloir un mulet quand on n’a qu’un goujon dans son porte-monnaie. Si ta gourmandise croît à mesure que ton escarcelle se vide, comment cela finira-t-il pour toi, une fois que ton argent, ton patrimoine, auront été jetés dans ce ventre, assez vaste pour engloutir revenus, argenterie, troupeaux et terres ? Ces sires-là, après avoir tout perdu, perdent à la fin leur anneau d’or, et Pollion mendie, le doigt nu (trad. P. de Labriolle et F. Villeneuve, CUF).
Dans sa onzième Satire, Juvénal dénonce les vices de certains aristocrates romains qui finissent par dévorer leur patrimoine afin de satisfaire leurs passions et cite comme exemple Pollion. Nous n’avons aucun indice dans le passage ni aucune autre information pour déterminer à qui Juvénal faisait référence, et notamment s’il s’agissait ou non d’un pseudonyme[1]. De même que pour Chaerestratus[2], ce personnage peut nous servir d’exemple type des aristocrates ruinés et déchus de leur rang.
En effet, le nudus digitus signifie que Pollion ne portait pas l’anneau d’or qui était l’un des principaux insignes de l’or équestre[3]. Tout le passage aboutit à ce dernier adjectif, nudus, et il faut comprendre que Pollion avait perdu le droit de porter l’anneau, c’est-à-dire qu’il avait été exclu de l’ordre équestre lors d’une de ses révisions annuelles[4]. Le motif de l’exclusion est fourni par les critiques de Juvénal : la ruine provoquée par la gourmandise et la débauche. La perte du cens minimum requis était ainsi sanctionnée par l’exclusion de l’ordre et l’humiliation de la dégradation était aggravée par la cause de la faillite.
[1] L’allusion de Juvénal était peut-être limpide pour ses lecteurs, cependant elle reste inaccessible aujourd’hui et le choix du surnom Pollio, s’il s’agit d’un pseudonyme, ne nous éclaire pas davantage.
[2] Cf. notice n° 71.
[3] Demougin 1988, p. 789-794.
[4] Cf. Bur 2018, chapitre 6.2.2.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Demougin 1988 : Demougin S., L’Ordre équestre chez les Julio-Claudiens, Rome, 1988.