Infames Romani

Centurion trop scrupuleux

Numéro
78
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Aerarium facere et/ou tribu mouere
Date de l'épisode
-142
Source
Source

Cic., de Orat., 2, 272 : ut quom Africanus censor tribu mouebat eum centurionem, qui in Pauli pugna non adfuerat, cum ille se custodiae causa diceret in castris remansisse quaereretque cur ab eo notatur : « Non amo, inquit, nimium diligentis ».


L’Africain, lorsqu’il était censeur, changea de tribu un centurion qui n’avait pas été présent à la bataille livrée par Paul-Émile ; le centurion alléguait comme excuse qu’il était resté à la garde du camp et demandait pourquoi il était noté par Scipion : « Je n’aime pas, répondit-il, les gens qui font trop exactement leur devoir » (trad. E. Courbaud, CUF, modifiée).

Notice
Notice

En 142, lors de sa censure, Scipion Émilien interrogea un citoyen qui avait servi comme centurion durant les campagnes de Paul-Émile, presque vingt années plus tôt[1]. Le centurion n’était très vraisemblablement qu’un simple citoyen, pas même de rang équestre[2], et il fut convoqué par le censeur au titre du regimen morum lors du recensement de sa tribu[3]. Scipion devait avoir appris par son père ou constaté par lui-même, puisqu’il était présent à cette bataille[4], que ce centurion était resté au camp et n’y avait pas participé. Devenu censeur il lui demanda d’expliquer sa conduite et refusa son excuse par une répartie cinglante. Il le flétrissait, selon T. Mommsen, pour sa mauvaise attitude face à l’ennemi[5], mais il s’agissait en réalité de sanctionner un centurion qui n’avait pas joué son rôle lors de cet engagement. Les sous-officiers étaient bien souvent des hommes sortis du rang, honorés par cette nomination et qui devaient être des modèles pour les simples soldats[6]. Scipion jugeait que le centurion avait pu paraître se cacher pour éviter les dangers de l’affrontement et faire ainsi preuve de lâcheté. Non seulement le centurion n’avait pas accompli son devoir civique, mais il n’avait pas non plus servi d’exemple à ses hommes, ce qui aggravait sa situation. Scipion le blâma par conséquent en le changeant de tribu et en le reléguant parmi les aerarii. De la sorte il voulait indiquer qu’il n’avait pas su se montrer digne de l’honneur qui lui avait été conféré ni même de la simple citoyenneté : son vote ne comptait presque plus et il n’était plus bon qu’à payer l’impôt[7].






[1] La Pauli pugna désigne presque certainement la bataille de Pydna livrée en 168 contre Persée. Pour les sources : MRR, 1, p. 427.


[2] Fraccaro 1912, p. 374 n. 1.


[3] Voir Bur 2018, chapitre 3.2.


[4] Plut., Aem Paul.., 22


[5] Mommsen 1889-1896, 4, p. 55 n. 2.


[6] Plb., 6, 24, 1-2.


[7] Sur le tribus motus et aerarium facere, voir Bur 2016 et 2018, chapitre 4.4.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2016 : Bur C., « Les censeurs privaient-ils du droit de vote ? Retour sur l’aerarium facere et le tribu mouere », MEFRA, 2016, 128-2.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Fraccaro 1912 : Fraccaro P., Studi sull’età dei Gracchi. Oratori ed orazioni dell’età dei Gracchi, Pise, 1912.


Mommsen 1889-1896 : Mommsen T., Le Droit public romain, Paris, 1889-1896 (8 vol.).


Clément Bur, Infames Romani n°78, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le