E. Groag, RE, 7/2, 1912, col. 1822-1823, n° 14 s. v. Granius ; E. Groag et A. Stein, PIR², 4/1, 1952, p. 40-41, G 211 ; Bleicken 1962, p. 159, n° 2 ; Talbert 1984, p. 507, n° 2 ; Rémy 1989, p. 23-24, n° 6 ; W. Eck, Neue Pauly, 4, 1998, col. 1206, [II 3].
Tac., Ann., 1, 74, 1 : Nec multo post Granium Marcellum, praetorem Bithyniae, quaestor ipsius, Caepio Crispinus, maiestatis postulauit, subscribente Romanio Hispone.
Granius Marcellus, préteur de Bithynie, fut accusé de lèse-majesté par son propre questeur, Caepio Crispinus, auquel se joignit Romanius Hispo (trad. P. Wuilleumier et J. Hellegouarc’h, CUF).
Tac., Ann., 1, 74, 3-4 : Addidit Hispo statuam Marcelli altius quam Caesarum sitam et alia in statua, amputato capite Augusti, effigiem Tiberii inditam. Ad quod exarsit adeo ut, rupta taciturnitate, proclamaret se quoque in ea causa laturum sententiam pala et iuratum, quo ceteris eadem necessitas fieret.
Hispo ajouta qu’une statue de Marcellus était placée plus haut que celles des Césars et qu’à une autre statue on avait enlevé la tête d’Auguste pour y substituer celle de Tibère. À ce grief, le Prince éclata au point de rompre avec ses manières taciturnes et de s’écrier que, lui aussi, il énoncerait son avis dans cette affaire à haute voix et sous serment, pour obliger les autres à en faire autant (trad. P. Wuilleumier et J. Hellegouarc’h, CUF).
Tac., Ann., 1, 74, 6 : Permotus his, quantoque incautius efferuerat, paenitentia patiens, tulit absolui reum criminibus maiestatis ; de pecuniis repetundis ad reciperatores itum est.
Déconcerté par ces mots et, en raison même de son emportement imprudent, rendu patient par repentir, il [Tibère] souffrit que l’accusé fût absous du crime de lèse-majesté ; pour celui de concussion, on alla devant les récupérateurs (trad. P. Wuilleumier et J. Hellegouarc’h, CUF).
Suet., Tib., 58, 2-3 : Statuae quidam Augusti caput dempserat, ut alterius imponeret ; acta res in senatu et, quia ambigebatur, per tormenta quaesita est. Damnato reo.
Quelqu’un avait enlevé la tête d’une statue d’Auguste pour lui en substituer une autre ; l’affaire fut débattue au Sénat, et, comme il y avait doute, on eut recours à la torture. L’inculpé ayant été condamné (trad. H. Ailloud, CUF).
Sénateur d’Allifae[1], M. Granius Marcellus[2], membre d’une grande gens de cette cité[3], possédait des domaines dans la région de Tifernum Tiberinum[4]. Il gouvernait la province de Pont-Bithynie et, puisqu’il fut accusé à son retour en 15 après J.-C.[5], il a été proposé de placer son proconsulat prétorien en 14-15[6]. Caepio Crispinus, son propre questeur, avec Romanius Hispo pour subscriptor, représentèrent les Bithyniens qui lui reprochaient des extorsions auxquelles ils ajoutèrent le crime de maiestas[7]. La colère de Tibère se déchaîna sur ce dernier point et il semble aujourd’hui certain que le récit de Tacite détournait le sens de l’anecdote originelle. En effet, Tibère s’opposait probablement à une telle accusation, jugée futile, et blâmait celui qui l’avait prononcée, mais son comportement l’avait mené dans une impasse ainsi que l’a expliqué R. Katzoff[8]. L’important est que Tacite indique clairement que Granius fut acquitté de ce chef d’accusation (absoluere), mais qu’il dut comparaître devant les récupérateurs pour les concussions (de pecuniis repetundis ad reciperatores itum est)[9].
La procédure judiciaire respectait les règles établies par le sénatus-consulte Caluisianum de 4 avant J.-C.[10]. Malheureusment, le récit ne permet pas de conclure sur l’issue du procès de Granius. C’est là qu’intervient un passage de Suétone. Dans sa biographie de Tibère, il rapporte le cas d’un individu condamné pour avoir remplacé la tête d’Auguste par celle de Tibère sur une statue[11]. Le délit est le même que celui reproché à Granius Marcellus chez Tacite et les historiens ont rapidement identifié l’accusé anonyme de Suétone à notre personnage[12]. Toutefois, Suétone nous apprend que l’accusé fut condamné ce qui contredit le récit de Tacite, pourtant bien plus détaillé. L’hypothèse a été émise que Suétone aurait confondu le procès de maiestate et celui de repetundis et, dans sa brève anecdote, il aurait donné le verdict des récupérateurs[13]. Si tel est bien le cas, Granius aurait alors subi les peines prévues par la loi Julia, réformée par le sénatus-consulte Caluisianum, soit la restitution des sommes extorquées et diverses conséquences infamantes dont l’exclusion du Sénat[14]. Comme le remarquait B. Rémy, son absence dans nos sources après cet épisode rend vraisemblable sa condamnation[15]. En outre, nous retrouvons des années plus tard ses domaines de Tifernum entre les mains de Pline le Jeune. Sa famille avait peut-être acquis ces biens lors de la vente aux enchères réalisée par Granius afin de rembourser les Bithyniens, mais cette dernière hypothèse reste fragile.
Nous ne savons ce que devint Granius Marcellus, en revanche B. Rémy a suggéré de faire de Granius Marcianus, qui à la suite d’une accusation de maiestate en 35 avait tenté de se suicider, son fils[16].
[1] AE, 1990, p. 222.
[2] Le nom complet est donné par CIL, 11, 8107 = Dessau, ILS, 8647.
[3] Sur l’origine de M. Granius Marcellus, voir Camodeca 2008, p. 77-81.
[4] CIL, 11, 6689, 118 et 119.
[5] Tac., Ann., 1, 74, 1.
[6] Ainsi E. Groag dans ses notices de la Realencyclopädie et de la PIR² ; Magie 1950, p. 1591 ; Thomasson 1984, col. 243, 27/4 ; Rémy 1989, p. 23-24, n° 6.
[7] Tac., Ann., 1, 74, 1 et 3-4.
[8] Sur ce point, nous renvoyons à Katzoff 1971.
[9] Tac., 1, 74, 6.
[10] Rogers 1935, p. 10-11 ; Cf. Bur 2018, chapitre 9.2.1.8.
[11] Suet., Tib., 58, 2-3.
[12] Déjà E. Groag dans ses notices prosopographiques.
[13] Sherwin-White 1949, p. 18 contra Rogers 1935, loc. cit. et Maggie 1950, loc. cit. qui pensent qu’on ne peut conclure.
[14] Cf. Bur 2018, chapitre 10.9.
[15] Rémy 1989, loc. cit.
[16] Tac., Ann., 6, 38.
Bleicken 1962 : Bleicken J., Senatsgericht und Kaisergericht. Eine Studie zur Entwicklung des Prozeßrechtes im frühen Prinzipat, Göttingen, 1962.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Camodeca 2008 : Camodeca G., I Ceti dirigenti di rango senatorio equestre e decurionale della Campania Romana, 1, Naples, 2008.
Magie 1950 : Magie D., Roman Rule in Asia Minor, Princeton, 1950.
Rémy 1989 : Rémy B., Les Carrières sénatoriales dans les provinces romaines d’Anatolie au Haut-Empire, Istanbul – Paris, 1989.
Rogers 1935 : Rogers R. S., Criminal trials and Criminal Legislation under Tiberius, Middletown, 1935.
Sherwin-White 1949 : Sherwin-White A. N., « Poena Legis Repetundarum », PBSR, 1949, 17, p. 5-25.
Talbert 1984 : Talbert R. J. A., Senate of Imperial Rome, Princeton, 1984.
Thomasson 1984 : Thomasson B. E., Laterculi praesidum, 1, Göteborg, 1984.