Infames Romani

L. Vargunteius [3]

Numéro
161
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de ambitu
Date de l'épisode
-66
Références prosopographiques

H. Gundel, RE, 8A/1, 1955, col. 377-379, n° 3 s. v. Vargunteius ; J. Bartels, Neue Pauly, 15, 1999, col. 206, [3] ; Nicolet 1966-1974, 2, p. 1060-1061, n° 372 ; Gruen 1974, p. 531 ; Linderski 1963 ; Alexander 1990, p. 102, n° 202 ; Nadig 1997, p. 184-185, n° 38 ; DPRR n° VARG3269.

Source
Source

Cic., Sull., 6 : Quis nostrum adfuit Vargunteio ? Nemo, ne hic quidem Q. Hortensius, praesertim qui illum solus antea de ambitu defendisset. Non enim iam se ullo officio cum illo coniunctum arbitrabatur, cum ille tanto scelere commisso omnium officiorum societatem diremisset.


Qui de nous a prêté assistance à Vargunteius ? Personne, pas même Hortensius que voici, qui seul pourtant l’avait défendu auparavant dans une affaire de brigue ; car il ne se considérait plus comme uni à lui par aucune obligation, depuis que, par sa participation à un si grand crime, Vargunteius avait rompu entre eux toute réciprocité de services (trad. A. Boulanger, CUF).

Notice
Notice

Nous disposons de maigres informations sur L. Vargunteius. Il n’apparaît que dans le contexte de crise de la conjuration de Catilina et nous ne pouvons déterminer quelle fut sa carrière. Désigné à deux reprises par Salluste comme sénateur[1], il dut entrer au Sénat sans qu’on puisse savoir jusqu’à quel stade du cursus il parvint. Il fut accusé de brigue et, bien que défendu par le célèbre Hortensius, très probablement condamné[2]. J. Linderski propose de dater ce procès de 66 en raison des sérieux troubles électoraux de cette année, datation que suit M. C. Alexander[3]. Par conséquent L. Vargunteius aurait été condamné d’après la lex Calpurnia de ambitu qui infligeait l’exclusion du Sénat et la perte du ius honorum[4].


Cette exclusion pose problème parce que Salluste le présente comme sénateur au moment de la première réunion des conjurés en juin 64, c’est-à-dire après le procès supposé[5]. En 63, L. Vargunteius serait, toujours selon Salluste, l’un des deux conjurés envoyés tuer Cicéron et là encore il est désigné comme sénateur[6]. Cependant, J. Linderski a bien montré que Salluste indiquait probablement les statuts obtenus afin d’insister sur la dignité actuelle ou passée des conjurés. En effet, d’autres participants à la réunion de juin 64 avaient perdu de façon indéniable leur rang de sénateur, tel P. Autronius Paetus ou P. Cornelius Sulla condamnés pour brigue en 66[7]. Cicéron, qui dans son discours appelait chevaliers les deux personnes qui avaient tenté de le tuer[8], ne contredirait donc pas Salluste. Cicéron ne serait pas nécessairement plus protocolaire comme l’affirmait C. Nicolet[9], mais pourrait rappeler à tous que L. Vargunteius avait perdu sa dignité.


En revanche l’inscription de L. Vargunteius parmi les chevaliers pose problème. Comme le souligne C. Nicolet, depuis le plébiscite gracchien distinguant les deux ordres, en entrant au Sénat L. Vargunteius avait dû rendre son cheval public[10]. Or rien n’indique qu’on le récupérât automatiquement en sortant du Sénat, ce qui est d’autant plus douteux dans le cas d’une exclusion. Surtout, sans inscription officielle par les censeurs, C. Nicolet ne pense pas que L. Vargunteius pût bénéficier de nouveau du cheval public. L’expression de Cicéron devient de nouveau difficile à comprendre : pourquoi donner à un conjuré un statut qu’il ne possède pas ? Peut-être simplement car L. Vargunteius allait très certainement revenir dans l’ordre équestre au prochain cens et que cette probabilité était tellement forte qu’on pouvait pratiquement le désigner comme chevalier. En l’appelant chevalier, Cicéron faisait probablement de l’ironie en insistant sur la perte de la dignité de L. Vargunteius et remettait peut-être même en question son retour dans les centuries équestres. Enfin, peut-être que l’entrée et la sortie du Sénat de Vargunteius furent si rapprochées qu’entre les deux il n’y eut pas de recognitio, au cours de laquelle il aurait dû rendre son cheval public.


Puisque nous avons vu que Salluste le désigne comme sénateur, L. Vargunteius devait avoir siégé au Sénat, et avoir été sans doute au moins questeur pour pouvoir entrer dans la curie. L. Vargunteius fut donc accusé de ambitu soit à la fin de sa questure, soit alors qu’il briguait l’édilité voire, ce qui est moins probable, la préture. Cet échec put l’amener à rejoindre le groupe de déçus et d’amers animé par Catilina. Son appartenance à la soi-disant première conjuration de Catilina[11] n’est mentionnée qu’une fois par Cicéron[12]. D. H. Berry suppose, sans doute à juste titre, que Cicéron ne faisait là que discréditer son adversaire en s’appuyant sur la condamnation pour brigue qui rendait cette complicité plausible[13]. En revanche, sa participation à la conjuration de Catilina de 63 semble bien attestée[14]. Il fut accusé en 62, peu avant P. Cornelius Sulla, pour cette participation sans doute d’après la lex Plautia de ui[15]. Cicéron n’exagère probablement pas lorsqu’il décrit l’abandon de L. Vargunteius au cours de ce procès[16]. Il fut probablement condamné mais nous n’avons aucune information certaine sur l’issue du procès et ses conséquences. De même nous ne disposons d’aucun indice pour déceler une éventuelle descendance de L. Vargunteius.






[1] Sall., Catil., 17, 3 et 28, 1.


[2] Cic., Sull., 6 ; Zumpt 1871, p. 528 ; Alexander 1990, p. 102, n° 202 ; David 1992, p. 763.


[3] Linderski 1963, p. 511 suivi par Alexander 1990, p. 102, n° 202.


[4] Cf. Bur 2018, chapitre 11.4.


[5] Sall., Catil., 17, 3.


[6] Sall., Catil., 28, 1.


[7] Linderski 1963, loc. cit. notamment n. 10 ; cf. notices n° 159 et 160.


[8] Cic., Cat., 1, 9.


[9] Nicolet 1966-1974, 2, p. 1061.


[10] Nicolet, loc. cit.


[11] Seager 1964 a bien montré que cette première conjuration était une invention dans le contexte des procès politiques de l’époque.


[12] Cic., Sull., 67.


[13] Berry 1996, p. 268-269.


[14] Sall., Catil., 17, 3 et 28, 1 et 47, 1 ; Cic., Sull., 6, et 67.


[15] Cic., Cat., 1, 9 ; Sull., 6 ; Sall., Catil., 17, 3 ; Alexander 1990, p. 114, n° 232.


[16] Cic., Sull., 6.

Bibliographie
Bibliographie

Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.


Berry 1996 : Berry D. H., Cicero. Pro P. Sulla Oratio, Cambridge, 1996.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.


Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.


Linderski 1963 : Linderski J., « Cicero and Sallust on Vargunteius », Historia, 1963, 12, p. 511-512.


Nadig 1997 : Nadig P., Ardet ambitus. Untersuchungen zum Phänomen der Wahlbestechungen in der römischen Republik, Francfort, 1997.


Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).


Seager 1964 : Seager R., « The First Catilinarian Conspiracy », Historia, 1964, 13, p. 338-347.


Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.


Clément Bur, Infames Romani n°161, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le