Infames Romani

Cn. Cornelius Cn. n. ? Dolabella [135]

Numéro
139
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de repetundis
Date de l'épisode
-78
Références prosopographiques

F. Münzer, RE, 4/1, 1900, col. 1297-1298, n° 135 s. v. Cornelius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, col. 172, [I 25] ; Zumpt 1845, p. 50 ; Zumpt 1871, p. 484 ; Alexander 1990, p. 69, n° 135 ; DPRR n° CORN2007.

Attention ! La condamnation eut lieu vers 78-77 av. J.C.

Source
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Cic., Verr., 1, 11 : tum cum in Cn. Dolabellam suum scelus illud pristinum renouauit et instaurauit quaestorium, cum eum, cui et legatus et pro quaestore fuisset, et in inuidiam suis maleficiis adduxit, et in ipsis periculis non solum deseruit, sed etiam oppugnauit ac prodidit.


c’est alors qu’il a renouvelé, qu’il a commis une seconde fois, à l’égard de Cn. Dolabella, le crime qui avait jadis signalé sa questure : par ses méfaits il attira la haine publique sur celui dont il avait été le légat, auprès de qui il avait rempli les fonctions de proquesteur ; et, au milieu même des dangers, non content de l’avoir abandonné, il alla jusqu’à l’attaquer, jusqu’à le trahir (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).


 


Cic., Verr., 2, 1, 41 : idem in Cn. Dolabellam qui in Cn. Carbonem fuit. Nam quae in ipsum ualebant crimina contulit in illum, causamque illius omnem ad inimicos accusatoresque detulit ; ipse in eum cui legatus, cui pro quaestore fuerat, inimicissimum atque improbissimum testimonium dixit. Ille miser cum esset Cn. Dolabella, – cum proditione istius nefaria, tum improbo ac falso eiusdem testimonio, – tum multo ex maxima parte istius furtorum ac flagitiorum inuidia conflagrauit.


ce même homme se montra à l’égard de Cn. Dolabella ce qu’il avait été à l’égard de Cn. Carbo. Car les accusations qui étaient valables contre lui-même, il les fit retomber sur Dolabella et il révéla tous les détails de l’affaire de Dolabella à ses ennemis et à ses accusateurs ; il témoigna lui-même avec la plus grande inimitié et la plus grande improbité contre celui dont il avait été légat et proquesteur. Et alors que Cn. Dolabella était réduit à une situation misérable – et par la trahison impie de cet homme et par l’improbité et le mensonge du témoignage de ce même homme – c’est surtout pour des vols et des infamies qui étaient en très grande partie le fait de cet homme que la haine s’est allumée contre lui (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).


 


Cic., Verr., 2, 1, 77 : Iam iam, Dolabella, neque me tui neque tuorum liberorum, quos tu miseros in egestate atque in solitudine reliquisit, misereri potest.


Non, Dolabella, non, désormais ni pour toi, ni pour tes enfants que tu as laissés dans la misère et dans l’abandon, je ne peux plus avoir aucune pitié ! (Trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).


 


Cic., Verr., 2, 1, 77 : Expertus igitur es istius perfidiam tum cum ipse se ad inimicos tuos contulit, cum in te homo ipse nocens acerrimum testimonium dixit, cum rationes ad aerarium nisi damnato te referre noluit.


Tu as appris par ta propre expérience quelle est la perfidie de cet homme, lorsqu’il s’est joint à tes ennemis, lorsque cet homme, coupable lui-même, a porté contre toi témoignage avec une telle violence, lorsqu’il a été déclaré qu’il refusait de remettre ses comptes au trésor, si tu n’avais pas été toi-même d’abord condamné (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).


 


Cic., Verr., 2, 2, 109 : damnato Cn. Dolabella.


une fois Cn. Dolabella condamné (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).


 


Cic., Verr., 2, 3, 177 : Iterum gessit hereditariam quaesturam, cum a Dolabella magnam pecuniam auertit, sed eius rationem cum damnatione Dolabellae permiscuit.


Il [Verrès] exerça de nouveau la questure, qui, cette fois, lui était échue par héritage ; c’est alors qu’il a détourné au préjudice de Dolabella de grosses sommes d’argent, mais, grâce à la condamnation de Dolabella, il a mis le désordre dans les comptes qu’il devait rendre (trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF).



Ascon., p. 26 C. : Ne forte erretis et eundem hunc Cn. Dolabellam putetis esse in quem C. Caesaris orationes legitis, scire uos oportet duos eodem eo tempore fuisse et praenomine et nomine et cognomine Dolabellas. Horum igitur alterum Caesar accusauit nec damnauit ; alterum M. Scaurus et accusauit et damnauit.


Ne vous trompez pas : ne croyez pas que ce Cn. Dolabella fût celui contre qui C. César a écrit le discours que vous lisez. Sachez qu’il y eut simultanément deux Dolabella, du même prénom, du même nom et du même surnom. L’un d’eux fut accusé par César, mais non condamné ; l’autre, accusé par Scaurus et condamné (trad. P. Grimal).


 


Ascon., p. 74 C. : Duo fuerunt eo tempore Cn. Dolabellae, quorum alterum C. Caesar accuauit, alterum M. Scaurus.


À cette époque il y avait deux Cn. Dolabella dont l’un fut accusé par C. Caesar et l’autre par M. Scaurus.


 


Ps. Ascon., p. 194 St. : Significat sane etiam Scaurum, qui alterum Dolabellam consularem triumphalemque accusauit : et potuit eidem Hortensius resistere.


Et il fait pleinement référence à Scaurus, qui accusa l’autre Dolabella, consulaire et triomphateur : et Hortensius put lui résister.


 


Ps. Ascon., p. 208 St. : Legatus per has prouincias Dolobella proconsuli fuit et pro quaestore, Malleolo mortuo, eiusdemque in iudicio, cum accusaretur, proditor fuit.


Il fut le légat pour ces provinces du proconsul Dolobella et proquesteur, Malleolus étant mort, il fut un traître dans le procès de celui-là, alors qu’il était accusé.


 


Schol. Gron., p. 333 St. : Scaurus accusator Dolobellae omnia peccata Verris, quaecumque commiserat in legatione, coacta in unum libellum ipsi obtulit Verri, dicens : « Quodsi uis his tot criminibus liberari, confitere mihi omnia facinora Dolobellae ». Huc Verres conscientia stimulatus omnia consilia Dolobellae patefecit et delicta, et testimonium etiam in eum dicere est ausus.


Scaurus, l’accusateur de Dolabella, exposa à Verrès lui-même tous les délits de Verrès, tous ceux qu’il avait commis dans sa légation, dans un seul livre, en disant : « Or si tu veux être libéré de tant de crimes, avoue-moi tous les méfaits de Dolabella ». Verrès tourmenté ici par sa conscience dévoila tous les conseils et délits de Dolabella, et osa même porter un témoignage contre lui.

Notice
Notice

Cn. Cornelius Dolabella était vraisemblablement un descendant du consul de 159[1]. Né vers 120, il fut peut-être tribun militaire en 89 et devint préteur urbain en 81[2]. Il fut alors amené dans le procès de P. Quinctius à prendre une sentence contestée par Cicéron[3]. Il gouverna ensuite en 80 et 79[4] la Cilicie qu’il pilla avec l’aide de son questeur C. Malleolus, remplacé à sa mort par son légat Verrès[5]. À son retour, vers 78-77, il fut accusé de repetundis par M. Aemilius Scaurus[6] qui avait réussi à obliger Verrès à témoigner contre son ancien gouverneur[7]. Malgré la défense d’Hortensius[8], Dolabella fut condamné[9]. La date du procès implique que Dolabella fut poursuivi d’après la lex Cornelia de repetundis. Il subit donc à titre de peine la restitution au double, l’exclusion du Sénat, l’interdiction de parler dans une contio et de briguer une magistrature et la restriction de certains droits judiciaire[10].


Cicéron précise dans les Verrines que la litis aestimatio s’élevait à trois millions de sesterces[11], d’où une amende de six millions, forte somme mais qui n’engloutissait pas nécessairement tout son patrimoine[12]. Pourtant Cicéron laisse entendre que Dolabella avait sombré dans la pauvreté et qu’il s’était exilé[13]. Les deux informations paraissent contradictoires : soit Dolabella était resté à Rome et s’était acquitté des trois millions de sesterces, soit il avait quitté l’Italie afin de préserver une partie de ses biens. Bien que Cicéron ne fasse que signaler le montant de la litis aestimatio sans préciser son paiement, cela ne nous paraît pas suffisant pour en déduire qu’il avait fui Rome. Si la pauvreté de ses enfants et leur abandon semblent inconciliables, il nous est cependant impossible de trancher en faveur de l’un ou l’autre. De surcroît, la solitudo des enfants plutôt que de désigner l’abandon du père se rapporte peut-être à la perte des liens de clientèle et d’amitié. Par sa condamnation, Dolabella avait non seulement fortement grevé son capital économique, mais aussi son capital social qu’il léguait tous deux à ses enfants. Toutefois, il est fort probable que Cicéron exagère la situation de Dolabella et de ses enfants afin d’émouvoir le public et de provoquer l’inuidia contre Verrès. Par conséquent, l’exil de Dolabella est loin d’être certain comme l’affirmaient A. W. Zumpt et F. Münzer[14].


Pour conclure, Dolabella fut condamné de repetundis en 78 ou 77 d’après la lex Cornelia. Il dut payer six millions de sesterces au titre des réparations, fut exclu du Sénat et privé de certains droits, mais il s’exila peut-être avant pour échapper à l’humiliation et aux peines prévues. Il disparaît ensuite de nos sources, sa carrière semblant s’arrêter avec son procès, et nous n’avons aucune information sur ses enfants.






[1] Cn. Cornelius Dolabella : F. Münzer, RE, 4/1, 1900, col. 1297, n° 132 s. v. Cornelius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, col. 172, [I 23]. Cf. Badian 1965.


[2] MRR, 2, p. 35 et 76.


[3] Cic., Quinct., 30.


[4] MRR, 2, p. 80 et 84.


[5] Cic., Verr., 1, 11 ; 2, 1, 41 ; 2, 1, 63 ; 2, 1, 95-98 ; 2, 3, 77 ; Schol. Gron., p. 325 St. Juv., 8, 105 se rapporte peut-être aussi à notre personnage.


[6] Cic., Verr., 2, 1, 97 ; Ascon., p. 26 et 74 C. Cf. David 1992, p. 815. Sur M. Aemilius Scaurus, voir la notice n° 164.


[7] Cic., Verr., 1, 11 ; 2, 1, 41 ; 2, 1, 77 ; 2, 1, 97 ; Ps. Ascon., p. 208 et 234 St. ; Schol. Gron., p. 333 St.


[8] Ps. Ascon., p. 194 St. Cf. Twyman 1972, p. 856 et David 1992, p. 763, plus prudent.


[9] Cic., Verr., 2, 1, 77 ; 2, 2, 109 ; 2, 3, 177 ; Ascon., p. 26 C.


[10] Cf. Bur 2018, chapitre 10.8.


[11] Cic., Verr., 2, 1, 95.


[12] Surtout si l’on songe au bon mot de Q. Calidius (notice suivante, n° 140), selon lequel minoris HS triciens praetorium hominem honeste non posse damnari (Cic., Verr., 1, 38).


[13] Cic., Verr., 2, 1, 77.


[14] Zumpt 1871, p. 484 et F. Münzer, RE, 4/1, 1900, col. 1298.

Bibliographie
Bibliographie

Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.


Badian 1965 : Badian E., « The Dolabellae of the Republic », PBSR, 1965, 33, p. 48-51.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.


Twyman 1972 : Twyman B. L., « The Metelli, Pompeius and prosopography », ANRW, 1/1, 1972, p. 816-874.


Zumpt 1845 : Zumpt C. T., De legibus iudiciisque repetundarum in Republica Romana commentationes duae, Berlin, 1845.


Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.


Clément Bur, Infames Romani n°139, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le