F. Münzer, RE, 6/2, 1909, col. 1796-1798, n° 111 s. v. Fabius ; W. Kierdorf, Neue Pauly, 4, 1998, col. 371 [I 25] ; Suolahti 1963, p. 426-428 n° 152 ; DPRR n° FABI1615.
Val. Max., 2, 7, 3 : Nam P. Rupilius consul eo bello quod in Sicilia cum fugitiuis gessit Q. Fabium generum suum, quia neglegentia Tauromenitanam arcem amiserat, prouincia iussit decedere.
Ainsi P. Rupilius, pendant son consulat et au cours de la guerre qu’il mena en Sicile contre les esclaves fugitifs, ordonna à Q. Fabius son gendre, parce que sa négligence lui avait fait perdre la citadelle de Tauromenium, de quitter la province (trad. R. Combès, CUF).
Nepot., 2, 7, 3 : P. Rupilius, consul in Siciliam dimicans contra fugitiuos, Q. Fabium generum conuiciis publice lacessitum prouincia expulit, quia Tauromenitanam arcem in cursu belli fugitiuorum prodidisset.
P. Rupilius, consul en Sicile combattant contre les fugitifs, chassa de la province son gendre Q. Fabius assailli publiquement de reproches, parce qu’au cours de la guerre contre les fugitifs il avait perdu la citadelle de Tauromenium.
Q. Fabius était probablement le fils de Q. Fabius Maximus Servilianus[1], le consul de 142, lui-même fils de Cn. Servilius Caepio, le consul de 169[2]. Issu d’une grande famille noble[3], il servait vraisemblablement comme questeur[4] sous les ordres de son beau-père[5], P. Rupilius, consul en 132[6]. Ce dernier avait été chargé de mettre un terme à la révolte servile qui dévastait la Sicile depuis 139[7]. La carrière de Fabius démarrait donc sous les meilleurs auspices lorsqu’elle fut brisée par un échec humiliant : la citadelle de Tauromenium, dont Rupilius lui avait confié la garde, fut prise par les esclaves.
Les difficultés rencontrées dans cette campagne avaient déjà conduit le consul de l’année précédente, L. Calpurnius Piso Frugi, à infliger des punitions infamantes à un escadron de cavalerie vaincu par les esclaves rebelles[8]. Une défaite face à des esclaves constituait une telle humiliation qu’elle nécessitait un châtiment exemplaire pour préserver la disciplina et effacer la honte subie. Rupilius dut se résoudre à punir son gendre coupable d’une faute mettant en péril la cohésion et le moral de son armée. Puisqu’il s’agissait d’un magistrat et non d’un légat ou d’un soldat, il ne pouvait ni le licencier avec ignominia, ni le dégrader ni lui infliger une peine infamante comme l’exposition dans le camp. Le questeur n’était pas soumis à l’imperium du consul au même titre que les autres soldats. Il se contenta de lui ordonner de quitter la province, le renvoyant à Rome : prouincia iussit decedere et prouincia extulit écrivent Valère Maxime et Januarius Nepotianus. D’une certaine manière, la sanction pouvait apparaître comme une missio ignominiosa. Il est toutefois certain qu’à cette occasion, Fabius subit une véritable ignominia.
F. Münzer affirmait que cela expliquait pourquoi il attendit si longtemps avant de pouvoir poursuivre sa carrière[9]. En effet, il ne devint préteur qu’en 119[10], consul en 116[11], proconsul en Macédoine en 115-114 puis ambassadeur en 113[12] et fut même élu censeur en 108[13]. Il lui fallut donc une douzaine d’années pour laver le déshonneur de 132. Peut-être s’employa-t-il à faire preuve de rigueur pour corriger son image de faible comme le suggère la présentation de Valère Maxime mettant en avant sa grauitas[14]. Ainsi, Q. Fabius est notamment connu pour avoir fait mettre à mort son fils dont la castitas était douteuse[15], soit qu’il s’adonnât à des relations homosexuelles comme l’avance R. Combès[16], soit qu’il eût simplement une vie sexuelle débridée. Condamné pour cela selon Orose[17], il partit en exil à Nucérie[18], empêchant l’application d’une éventuelle peine infamante.
En conclusion, Q. Fabius fut chassé de sa province par le consul qu’il servait comme questeur à cause d’une défaite militaire profondément humiliante, sorte de missio ignominiosa civile. Il mit une douzaine d’années à se relever de cet échec, parvenant, sans doute grâce à ses puissants soutiens, au consulat et même à la censure. Pour cela, il dut aussi affermir sa conduite, comme l’illustre l’anecdote sur son fils, pour effacer la honte subie et donner une autre image de lui-même. Nous ne lui connaissons pas d’autre fils, ni de descendants.
[1] F. Münzer, RE, 6/2, 1909, col. 1811-1814, n° 115 s. v. Fabius et W. Kierdorf, Neue Pauly, 4, 1998, col. 372 [I 29].
[2] F. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1780-1781, n° 45 s. v. Servilius et K.-L. Elvers, Neue Pauly, 11, 2001, col. 464 [I 9].
[3] Voir le stemma dans Neue Pauly, 4, 1998, col. 369-370.
[4] MRR, 1, p. 498. À cette occasion, il émit peut-être les monnaies de Panorme : CIL, 1².2, p. 764, n° 383d.
[5] Fabius est qualifié de gener par Valère Maxime et Nepotianus.
[6] MRR, 1, p. 497-498.
[7] Sur cette révolte voir Dumont 1987, p. 197‑271.
[8] Voir les notices de Titus et de son escadron n° 89 et 101.
[9] M. H. Crawford date cependant de 127 les monnaies portant Q. Max., qu’il identifie avec notre personnage : cf. Crawford, RRC, 1, p. 289-290, n° 265. Néanmoins, cette fonction ne fut exercée que cinq ans après le désastre et correspondait à une charge revêtue généralement au tout début du cursus voire avant.
[10] MRR, 1, p. 526
[11] MRR, 1, p. 530.
[12] MRR, 3, p. 87-88.
[13] MRR, 1, p. 548-549 et Suolahti 1963, p. 426-428.
[14] Val. Max., 6, 1, 5.
[15] Val. Max., 6, 1, 5 qui attribue à tort selon Mûnzer l’épisode à Q. Fabius Maximus Servilianus, le père de notre personnage (J. Briscoe conserve la leçon Seruilianus, à cause de l’unanimité des manuscrits, mais signale la correction de F. Münzer en Seruiliani f.) ; Oros., Hist., 5, 16, 8 et Ps. Quint., Declam., 3, 17.
[16] Combès 1997, p. 231 n. 6.
[17] Valère Maxime, qui parle d’un exil volontaire sans mentionner la condamnation, doit suivre une source favorable aux Fabii qui tait le procès de Fabius.
[18] Cic., Balb., 28.
Combès 1997 : Combès R., Valère Maxime. Faits et dits mémorables, II, Paris, 1997
Crawford, RRC : Crawford M. H. (éd.), Roman Republic Coinage, Londres, 1974 (2 vol.).
Dumont 1987 : Dumont J.-C., Servus. Rome et l’esclavage sous la République, Rome, 1987.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.