Infames Romani

P. Aurelius Pecuniola [187]

Numéro
100
Identité
Catégorie
Punitions militaires infamantes
Sous catégorie
Dégradation statutaire
Date de l'épisode
-252
Références prosopographiques

E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2516, n° 187 s. v. Aurelius ; DPRR n° AURE0748.

Source
Source

Val. Max., 2, 7, 4 : C. Cotta < consul > P. Aurelium [filium] Pecuniolam sanguine sibi iunctum, quem obsidioni Liparitanae ad auspicia repetenda Messanam transiturus praefecerat, uirgis caesum militiae munere inter pedites fungi coegit, quod eius culpa agger incensus, paene castra erant capta.


Et C. Cotta, après avoir chargé [son fils] P. Aurelius Pecuniola, qui était du même sang que lui, de diriger le siège de Lipari, pour aller reprendre les auspices en se rendant par mer à Messine, le fit frapper de verges et l’obligea à achever son temps de service dans l’infanterie parce que, par sa faute, le retranchement avait été incendié et le camp presque pris (trad. R. Combès, CUF).


 


Front., Str., 4, 1, 31 : Idem P. Aurelium sanguine sibi iunctum, quem obsidioni Lipararum, ipse ad auspicia repetenda Messanam transiturus, praefecerat, cum agger incensus et capta castra essent, uirgis caesum in numerum gregalium peditum referri et muneribus fungi iussit.


Le même consul [C. Aurelius Cotta] punit P. Aurelius, qui lui était lié par les liens du sang et qu’il avait chargé de la conduite du blocus des îles Lipari, tandis que lui-même devait repasser le détroit pour chercher de nouveaux auspices à Messine, parce qu’il avait laissé incendier une ligne d’ouvrages et prendre son camp : il le fit battre de verges, ordonna de le rétrograder au nombre des fantassins de base et lui fit remplir les fonctions d’un simple soldat (trad. P. Laederich, Economica).


 


Zonar., 8, 14 : Τῷ δ’ ἐπιγενομένῳ ἔτει Πούπλιος Γάιος καὶ Αὐρήλιος Σερουίλιος ἐς τὴν Σικελίαν ἦλθον, καὶ ἄλλα τέ τινα κατεστρέψαντο καὶ Ἱμέραν· οὐ μέντοι τινὰ συνέσχον τῶν ἐν αὐτῇ· νυκτὸς γὰρ αὐτοὺς οἱ Καρχηδόνιοι ἐξεκόμισαν. Μετὰ δὲ τοῦτο Αὐρήλιος ναῦς τε παρὰ Ἱέρωνος εἰληφὼς καὶ ὅσοι τῶν Ῥωμαίων ἦσαν ἐκεῖ συμπαραλαβὼν ἔπλευσεν εἰς Λιπάραν, καὶ ἐν αὐτῇ χιλίαρχον Κύιντον Κάσσιον καταλιπὼν προσεδρεύσοντα μάχης ἄνευ, ἀπῆρεν οἴκαδε. Κύιντος δὲ μὴ φροντίσας τῆς ἐντολῆς προσέμιξε τῇ πόλει καὶ πολλοὺς ἀπέβαλεν. Ὁ μέντοι Αὐρήλιος μετὰ ταῦτα ἐκείνους ἑλὼν πάντας ἀπέκτεινε καὶ τὸν Κάςσιον τῆς ἀρχῆς ἔπαυσε.


L’année suivante Publius Caius et Aurelius Servilius vinrent en Sicile et entre autres villes soumirent Himère ; mais ils ne s’emparèrent pas de tous ses habitants car les Carthaginois les avaient évacués dans la nuit. Après cela, Aurelius s’assura des navires de Hiéron, et ajoutant à ce contingent tous les Romains qui étaient là, il vogua vers Lipari. Là il laissa le tribun Q. Cassius pour diriger le siège, tout en évitant la bataille, et repartit. Quintus, méprisant les ordres, attaqua la ville et perdit beaucoup d’hommes. Aurelius, cependant, pris ensuite la place, tua tous les habitants, et déposa Cassius de son commandement.

Notice
Notice

P. Aurelius Pecuniola servait en Sicile comme tribun militaire[1] sous les ordres de son parent[2], P. Aurelius Cotta, consul en 252[3], en pleine première guerre Punique. Cotta, qui repartait à Messine pour reprendre les auspices, laissa Pecuniola en charge de diriger le siège de Lipari en lui interdisant de donner l’assaut. Ce dernier désobéit et essuya une cuisante défaite. Ce ne fut pas la seule désobéissance à laquelle Cotta dut faire face au cours de son consulat, mais il est impossible de savoir si cet épisode survint avant ou après les autres qui nous sont parvenus[4]. Nous ne pouvons attribuer la sanction prise contre un parent à la colère née de la répétition des mêmes fautes au sein de l’armée romaine. En effet, Cotta fit battre de verges le jeune Publicola, châtiment public hautement humiliant puisque l’atteinte au corps rappelle les punitions infligées aux esclaves. En outre, il le dégrada, l’obligeant désormais à servir comme fantassin et ce, jusqu’à la fin de son service. L’abaissement n’avait pas uniquement une signification militaire puisque Pecuniola était tribun militaire et à ce titre très probablement de rang équestre. En agissant de la sorte, Cotta imitait le geste des censeurs et semblait exclure son parent de la dignité équestre. Du moins il le privait de la sociabilité qu’il pouvait entretenir au camp avec les autres jeunes aristocrates et il l’humiliait publiquement devant des soldats qui étaient aussi des citoyens. Une telle dégradation dut certainement avoir des conséquences une fois de retour dans l’Vrbs. Peut-être Cotta avait-il même alerté les censeurs en poste en 252[5] sur ce cas, comme il le fit, ou l’avait fait, pour les chevaliers insubordonnés déjà mentionnés. Les peines infamantes infligées à Pecuniola étaient donc motivées avant tout par la désobéissance du jeune tribun, qui révélait par là son intempérance, son incapacité à rester à sa place, son hybris, qui lui avaient valu une grave défaite. En ne respectant pas la chaîne de commandement, il ne pouvait prétendre à une position élevée au sein de la hiérarchie romaine et sa relégation parmi les fantassins en faisait un simple soldat. Par conséquent, Cotta annulait très certainement également son tribunat militaire et affirmait que Pecuniola ne pouvait aspirer à exercer des commandements, même mineurs.






[1] Zonaras se trompe certainement sur le nom du tribun militaire et il est impossible d’accepter, comme T. R. S. Broughton (MRR, 1, p. 212) qu’il y eut deux tribuns militaires sanctionnés tous les deux pour la même faute, par le même consul.


[2] Les éditeurs de Valère Maxime ont depuis longtemps établi que filium était une erreur d’un copiste. L’indication de Frontin, selon laquelle le consul et le tribun étaient parents, est, ici, préférable.


[3] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2481-2482, n° 94 s. v. Aurelius. MRR, loc. cit.


[4] Cf. la notice n° 46 sur les 400 chevaliers dégradés par les censeurs de 252.


[5] MRR, loc. cit. et Suolahti 1963, p. 274-276.

Bibliographie
Bibliographie

Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.


Clément Bur, Infames Romani n°100, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le