F. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1796-1798, n° 65 s. v. Servilius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 11, 2001, col. 467, [I 22] ; Sumner 1973, p. 121-122, n° 168 ; DPRR n° SERV1734.
App., BC, 1, 126 : τιμητὴς δὲ Κόιντος Καικίλιος Μέτελλος Γλαυκίαν τε βουλεύοντα καὶ Ἀπουλήιον Σατορνῖνον δεδημαρχηκότα ἤδη τῆς ἀξιώσεως παρέλυεν, αἰσχρῶς βιοῦντας, οὐ μὴν ἐδυνήθη· ὁ γάρ οἱ συνάρχων οὐ συνέθετο.
De son côté, le censeur Quintus Caecilius Metellus cherchait à obtenir la dégradation du sénateur Glaucia et de l’ancien tribun Appuleius Saturninus, qui menaient une vie déréglée, sans toutefois y parvenir, faute d’avoir obtenu le consentement de son collègue (trad. P. Goukowsky, CUF).
C. Servilius Glaucia serait le fils de Servilius Glaucia[1], membre d’une ambassade en Asie mineure en 162 et probablement de rang questorien[2]. À partir de sa candidature illégale au consulat en 100[3], G. V. Sumner propose de placer sa date de naissance en 142[4]. Ce personnage était l’allié de L. Appuleius Saturninus[5] et en 102 le censeur Q. Caecilius Metellus Numidicus[6] tenta de les écarter tous les deux du Sénat[7]. Or, à la différence de Saturninus présenté comme tribun de la plèbe (δεδημαρχηκότα), Appien indique précisément que Glaucia était alors sénateur (βουλεύοντα). Il avait donc été recruté par les censeurs le plus probablement lors de la lectio précédente, c’est-à-dire en 109, ou 108 si C. Licinius Geta et Q. Fabus Maximius Eburnus firent une nouvelle lectio[8]. En conséquence, on considère qu’il avait été questeur au plus tard en 110-109[9], parce que ses origines familiales et ses débuts ne permettent pas de supposer un recrutement sans avoir encore exercé de magistratures[10]. Nous avons vu dans la notice précédente que la formule utilisée par Appien, τῆς ἀξιώσεως παρέλυεν, était suffisamment large pour permettre de désigner deux procédures différentes : le refus d’inscrire Saturninus sur l’album bien qu’il eût certainement le ius s. d. et l’exclusion du Sénat de Glaucia inscrit sur l’album depuis le dernier cens[11].
Appien nous apprend que pour les deux hommes, Metellus mit en avant leur vie dissolue (αἰσχρῶς βιοῦντας) pour justifier sa mesure. Bien entendu ce motif lié au regimen morum des censeurs était surtout un prétexte et l’action de Numidicus avait avant tout des objectifs politiques[12]. La vive opposition entre le censeur et Glaucia transparaîtrait dans un échange d’insultes conservé par Cicéron. En effet, d’après M. G. Morgan, Numidicus aurait désigné Glaucia au moment où il voulait l’écarter du Sénat comme le stercus curiae[13]. Cette injure virulente insisterait, selon lui, sur la nécessité d’exclure Glaucia du Sénat et même de la Ville avec les autres ordures. L’animosité était liée à l’opposition entre Saturninus, tribun l’année précédente, en 103, que Glaucia soutenait et le groupe des Metelli dont Numidicus était un des chefs de file. En outre, il se pourrait que l’exclusion du Sénat fût une réponse à l’introduction de la lex Servilia de repetundis par Glaucia lors de son premier tribunat en 104[14]. Numidicus voulut donc exclure du Sénat des adversaires politiques, en prétextant sa mission de regimen morum. Il cherchait ainsi à écarter du Sénat des personnages qu’il jugeait dangereux parce qu’ils pouvaient envenimer les débats et donner des avis néfastes dans la curie, mais aussi à briser leur carrière afin d’éliminer définitivement ces chefs populares.
Cependant l’opération échoua. Appien en précise la cause : le refus de son collègue et cousin C. Caecilius Metellus Caprarius. Ce dernier aurait reculé devant l’épreuve de force contre les populares soit par peur, soit par intérêt, soit par prudence politique[15]. Malgré les invectives de Numidicus comme celle que nous a conservée Cicéron, l’épisode n’entrava pas la carrière de Glaucia. Il devint tribun de la plèbe l’année suivante, en 101[16], peut-être pour la seconde fois (cf. supra) et préteur en 100[17]. Il brigua le consulat illégalement pour 99[18] mais fut tué lors des émeutes d’octobre 100, avec Saturninus, après avoir été abandonné par Marius qui rallia les optimates[19].
En dehors de notre personnage et de son père supposé, aucun autre Servilius Glaucia n’est connu et les sources n’indiquent aucun descendant de C. Servilius Glaucia.
[1] F. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1796, n° 64 s. v. Servilius.
[2] Sumner 1973, p. 121.
[3] MRR, 1, p. 574-575.
[4] Sumner 1973, loc. cit. suppose que l’illégalité ne provenait que du non-respect de l’intervalle entre deux magistratures et non de l’âge de Glaucia.
[5] Cf. notice n° 16.
[6] Sur la censure des deux Metelli, Numidicus et Caprarius : MRR, 1, p. 567 et Suolahti 1963, p. 430-434.
[7] App., BC, 1, 126.
[8] Sur la censure de 109 : MRR, 1, p. 545 et Suolahti 1963, p. 420-426 et celle de 108 : MRR, 1, p. 548-549 et Suolahti 1963, p. 426-430.
[9] MRR, 1, p. 546 ; Niccolini 1934, p. 198 ; Sumner 1973, loc. cit.
[10] Ferrary 1979, p. 101-102 n. 50 s’appuie sur Rich 1976, p. 128-137 pour le recrutement de sénateurs bien qu’ils n’aient pas encore exercé de magistratures.
[11] Cf. notice n° 16.
[12] Willems 1885, 1, p. 393 fait de Numidicus le défenseur ardent du parti des optimates ; Ferrary 1979, p. 105 ; Cavaggioni 1998, p. 72.
[13] Morgan 1974 propose de façon convaincante que l’insulte conservée par Cic., de Orat., 3, 164 et reprise par Quint., Inst. Or., 8, 6, 15 fut prononcée par Metellus lors de la censure et que la raillerie transmise par Cic., de Orat., 2, 263 aurait été la réplique de Glaucia un peu plus tard.
[14] La datation de cette loi et la question du ou des tribunats de Glaucia sont très controversées. Ferrary 1979, p. 105 et p. 105-106 n. 68 propose de dater la loi repetundarum de Glaucia de 104. Il aurait profité de l’indignation populaire contre Servilius Caepio depuis le désastre d’Orange d’octobre 106 pour faire voter une nouvelle loi repetundarum confiant les jurys exclusivement aux chevaliers, remplaçant celle de Caepio, trop favorable au Sénat. Pour cela il émet l’hypothèse d’un premier tribunat de Glaucia en 104, rejoignant Nicolet 1966-1974, 1, p. 538 et Gruen 1968, p. 166-167, et refusant de suivre Sumner 1973, p. 122 pour qui le silence des sources sur une répétition du tribunat par Glaucia est surprenant en comparaison de celles sur les tribunats de Saturninus. Cf. Bur 2018, chapitre 9.2.1.6.
[15] Cf. notice n° 16.
[16] MRR, 1, p. 571-572 et 3, p. 196 ; Niccolini 1934, p. 195-198 qui date de 101 la lex Servilia repetundarum.
[17] MRR, 1, p. 574-575
[18] MRR, 1, p. 574-575
[19] Badian 1984a.
Badian 1984a : Badian E., « The Death of Saturninus », Chiron, 1984, 14, p. 101-147.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Cavaggioni 1998 : Cavaggioni 1998 : Cavaggioni F., L. Apuleio Saturnino. Tribunus plebis seditiosus, Venise, 1998.
Gruen 1968 : Gruen E. S., Roman Politics and the Criminal Courts, 149-78 B.C., Cambridge (Mass.), 1968.
Morgan 1974 : Morgan M. G., « Glaucia and Metellus. A note on Cicero, De Oratore II 263 and III 164 », Athenaeum, 1974, 52/3-4, p. 314-319.
Niccolini 1934 : Niccolini G., I Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).
Rich 1976 : Rich J., Declaring War in the Roman Republic in the Period of Transmarine Expansion, Bruxelles, 1976.
Sumner 1973 : Sumner G. V., The Orators in Cicero’s Brutus, Toronto, 1973.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.
Willems 1885 : Willems P., Le Sénat de la République romaine, Paris, 1885² (2 vol.).