Front., Strat., 4, 1, 19 : Otacilius Crassus consul eos, qui ab Hannibale sub iugum missi redierant, tendere extra uallum iussit, ut immuniti adsuescerent periculis et aduersus hostem audentiores fierent.
Le consul Otacilius Crassus ordonna que ceux qui avaient été contraints par Hannibal de passer sous le joug campent à leur retour hors des retranchements, afin qu’ils s’habituent aux périls en étant ainsi exposés sans ouvrages de défense et qu’ils acquièrent par là plus d’audace contre l’ennemi (trad. P. Laederich, Economica).
Frontin est le seul à conter cette anecdote, mais il est probable qu’elle figurait dans le récit livien aujourd’hui perdu. Nous ne connaissons que trois consulats d’Otacilius Crassus : ceux de M’. Otacilius en 263 et 246[1] et celui de T. Otacilius en 261[2]. L’épisode se plaçant lors d’une campagne terrestre contre un Hannibal, on a préféré naturellement le premier consulat de M’. Otacilius, en 263, puisque Polybe rapportait pour cette année-là des affrontements en Sicile entre les Romains et un Hannibal[3] tandis que le consulat de Titus fut marqué par la prise de conscience de la supériorité navale punique et le début de l’effort romain, contexte qui convenait moins à notre anecdote[4]. En effet, en 263 eurent lieu des escarmouches provoquées par les embuscades tendues en Sicile par les Carthaginois contre les soldats romains qui partaient faire du fourrage ou ravitaillaient l’armée[5]. Les soldats punis par Otacilius étaient peut-être parmi ces légionnaires imprudents qui avaient été encerclés et vaincus par les Puniques. Le consul ordonna en effet à des soldats, sans précision sur leur nombre ni leur statut, qui étaient passés sous le joug, à tendere extra uallum iussit. Cette punition traditionnelle, qui affectait généralement des vaincus, avait différentes fonctions précisées par Frontin : elle aguerrissait les soldats, les incitait à laver leur déshonneur et poussait le reste de la troupe à bien se comporter par le spectacle quotidien des camarades stigmatisés concrètement par leur départ du camp[6].
[1] MRR, 1, p. 203-204 et p. 216.
[2] MRR, 1, p. 204.
[3] Plb., 1, 16-19. Ainsi T. R. S. Broughton (MRR, 1, p. 204) choisit de placer l’anecdote de 263. F. Münzer, RE, 18/2, 1942, col. 1862 s. v. Otacilius suggérait déjà d’attribuer l’anecdote à Manlius plutôt qu’à Titus, contra De Sanctis 1967, p. 120-121 en particulier n. 58.
[4] Plb., 1, 20.
[5] Ainsi Plb., 1, 17, 9 – 18, 2.
[6] Cf. Bur 2018, chapitre 1.3.1.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
De Sanctis 1967 : De Sanctis G., Storia dei Romani, 3/1², Florence, 1967.