Val. Max., 2, 9, 7 : Equestris quoque ordinis bona magnaque pars CCCC iuuenes censoriam notam patiente animo sustinuerunt, quos M’. Valerius et P. Sempronius, quia in Sicilia ad munitionum opus explicandum ire iussi facere id neglexerant, equis publicis spoliatos in numerum aerariorum retulerunt.
Dans l’ordre équestre aussi un groupe important et de valeur comprenant quatre cents jeunes gens a accepté la sanction des censeurs avec patience quand M’. Valerius et P. Sempronius, s’appuyant sur le fait qu’en Sicile ils avaient reçu l’ordre d’aller étendre le périmètre des fortifications et qu’ils avaient négligé de le faire, les privèrent du cheval public et les rétrogradèrent au nombre des aerarii (trad. R. Combès, CUF, modifiée).
Front., Str., 4, 1, 22 : Aurelius Cotta consul, cum ad opus equites necessitate cogente iussisset accedere eorumque pars detractasset imperium, questus apud censores effecit, ut notarentur ; a patribus deinde obtinuit, ne eis praeterita aera procederent ; tribuni quoque plebis de eadem re ad populum pertulerunt omniumque consensu stabilita disciplina est.
Le consul Aurelius Cotta, pressé par la nécessité, avait ordonné à des chevaliers de contribuer à un certain travail, et une partie d’entre eux avaient refusé de lui obéir : il s’en plaignit auprès des censeurs et obtint que leur nom fût marqué d’une note d’infamie. Il obtint ensuite des sénateurs que leurs arriérés de solde ne leur fussent pas payés. Les tribuns de la plèbe firent eux aussi passer un projet relatif à la même affaire devant le peuple. L’action conjointe de tous réussit ainsi à affermir la discipline (trad. P. Laederich, Economica).
Paris, 2, 9, 7 : M. Valerius et L. Sempronius censores quadringentos iuuenes equestris ordinis aerarios fecerunt, quia in Siciliam ad munitionum opus explicandum ire iussi non ierunt.
Les censeurs M. Valerius et L. Sempronius reléguèrent parmi les aerarii quatre cents jeunes chevaliers parce qu’en Sicile ils n’avaient pas obéi à l’ordre d’étendre les fortifications.
C. Aurelius Cotta[1], consul en 252[2], dirigea avec son collègue les opérations militaires en Sicile, alors au cœur de l’affrontement entre Romains et Puniques. Au cours de cette campagne, il fut confronté à des actes d’insubordination[3], dont même un membre de sa famille se rendit coupable[4]. Face à ces difficultés, il ne pouvait sans doute pas utiliser la coercition liée à son imperium parce que les soldats indociles étaient très nombreux (quatre cents selon Valère Maxime) et surtout de rang équestre[5]. En effet, si Frontin se contente d’indiquer qu’ils furent notés, Valère Maxime est plus précis en mentionnant le retrait du cheval public[6]. Cotta profita de la présence de censeurs à Rome, M’. Valerius Maximus Corvinus Messala et P. Sempronius Sophus[7], pour prendre des mesures contre eux sans recourir à la contrainte physique. Les censeurs, que le consul alerta de ce refus d’obéissance, considérèrent ce comportement indigne de chevaliers, et même inacceptable pour un citoyen puisque non seulement ils leur ôtèrent le cheval public, mais ils les reléguèrent en outre parmi les aerarii. Cette dégradation si complète est pourtant la première occurrence d’une action des censeurs contre des chevaliers[8] et fait partie des sanctions collectives les plus importantes. Cotta ne s’arrêta pas là puisqu’il obtint du Sénat une diminution de la solde d’après Frontin[9]. Les tribuns de la plèbe, informés de cet épisode, auraient également voulu proposer des mesures comparables faisant dire à Frontin toujours qu’il y eut un consensus autour de la nécessité de châtier un tel comportement[10]. Ainsi, le refus d’obéissance à un consul fut jugé non seulement par les censeurs, mais même par l’ensemble de la communauté, comme méritant une déchéance totale. Cela était sans doute dû aussi au fait qu’il eut lieu à une période difficile de la première guerre Punique de sorte que l’indulgence aurait ruiné la discipline des troupes et le moral de la cité. En ne se comportant pas comme des soldats en période de guerre, dévoués à leur général, les insubordonnés ne pouvaient prétendre à jouer un rôle majeur dans la cité puisqu’ils n’accomplissaient pas le premier devoir du citoyen, la défense de la cité.
[1] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2481-2482, n° 94 s. v. Aurelius.
[2] MRR, 1, p. 212.
[3] Val. Max., 2, 9, 7 parle de façon élogieuse de ce groupe mais seulement pour sa conduite face au châtiment subi, et nous ne pouvons donc rien conclure sur ses raisons de désobéir.
[4] P. Aurelius Pecuniola, cf. notice n° 100.
[5] Valère Maxime parle de iuuenes : Cotta devait être confronté à une rébellion des jeunes aristocrates de son armée, sans que nous puissions en déterminer la raison, et ne voulut certainement pas prendre le risque de la réprimer pour ne pas s’attirer de nombreuses inimitiés à Rome.
[6] Nicolet 1966-1974, 1, p. 84 accepte de lire cette expression equis publicis spoliatos comme la mention d’une privation du cheval public, interprétant spoliare comme un effet de style pour donner un ton militaire à l’ensemble de l’épisode.
[7] MRR, 1, p. 212 et Suolahti 1963, p. 274-276.
[8] Baltrusch 1989, p. 11.
[9] Front., Str., 4, 1, 22.
[10] Les deux auteurs utilisent cet épisode dans des buts différents : Valère Maxime pour louer la patience des chevaliers face aux sanctions, Frontin pour exalter la concorde autour de ces mêmes sanctions. Aussi l’épisode a‑t-il de fortes chances d’être historique.
Baltrusch 1989 : Baltrusch E., Regimen morum. Die Reglementierung des Privatlebens der Senatoren und Ritter in der römischen Republik und frühen Kaiserzeit, Munich, 1989.
Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.