Infames Romani

Pontius Fregellanus [31]

Numéro
174
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés dans un procès indéterminé
Date de l'épisode
37
Références prosopographiques

R. Hanslik, RE, 22/1, 1953, col. 38, n° 31 s. v. Pontius ; L. Petersen et K. Wachtel, PIR², 6, 1997, p. 342-343, P 800

Source
Source

Tac., Ann., 6, 48, 4 : Albucilla inrito ictu ab semet uulnerata iussu senatus in carcerem fertur. Stuprorum eius ministri, Carsidius Sacerdos praetorius ut in insulam deportaretur, Pontius Fregellanus amitteret ordinem senatorium.


Albucilla, qui s’était elle-même blessée d’un coup mal assuré, est, sur l’ordre du Sénat, portée en prison. Les artisans de ses débauches sont condamnés, l’ancien préteur Carsidius Sacerdos à la déportation dans une île, Pontius Fregellanus à la perte du rang sénatorial (trad. P. Wuilleumier, CUF).

Notice
Notice

Pontius Fregellanus ne nous est connu que par ce passage de Tacite. Cependant R. Syme a suggéré une identification possible à C. Pontilius Fregellanus[1], consul suffect pour une année inconnue, attesté par une inscription[2]. Notre personnage n’est cité qu’en raison de son implication dans le scandale d’Albucilla qui lui vaudra d’être condamné à être exclu de l’ordre sénatorial (amittere ordinem senatorium) en 37.


Albucilla, ancienne épouse de Satrius Secundus, fut principalement accusée d’impietas in principem à laquelle on associa l’adultère[3]. Tacite cite plusieurs complices de ces crimes mais il faut distinguer deux groupes. Le premier, composé de Cn. Domitius, Vibius Marsus et L. Arruntius, rassemble les conscii et adulteri tandis que le second, dans lequel figurent, outre Pontius, Carsidius Sacerdos et Laelius Balbus n’est composé que des stuprorum eius ministri. Parmi les membres du premier groupe, seul Arruntius, déjà âgé, se suicida[4], Domitius et Marsus parvenant à échapper à la condamnation[5]. En revanche, les trois personnages du second groupe furent condamnés et punis. Or non seulement ces derniers étaient apparemment accusés d’un crime moins grave, stuprum et non maiestas, mais en outre ils furent chacun frappés d’une peine différente : Sacerdos fut déporté sur une île, Pontius perdit le rang sénatorial et Balbus fut déporté et privé du rang sénatorial. Dernière source d’étonnement, Pontius, qui semble être le moins connu des trois – Sacerdos est dit praetorius alors que Balbus est un orateur reconnu –, est celui qui eut la sanction la plus douce.


Le récit de Tacite montre de façon indéniable que la perte du rang sénatorial de Pontius était la conséquence de sa condamnation dans l’affaire d’Albucilla. Il s’agit donc d’une peine prononcée contre son stuprum. Cependant, en raison de l’état mutilé du texte, une question se pose : l’exclusion de l’ordre sénatorial était-elle la seule sanction infligée à Pontius ? Il en découle une autre interrogation sur les raisons d’une telle indulgence à son égard. Tout d’abord l’unique manuscrit de la première hexade, le Mediceus prior, donne pour le verbe indiquant la première peine deportatur, corrigé par le Beatus Rhenanus en deportaretur. Nous pourrions supposer que dans le texte original se trouvait en réalité deportarentur s’il n’y avait une certaine cohérence dans la construction. D’une part le second verbe désignant une peine, amitteret – que l’on pourrait aussi corriger en amitterent –, se situe après le deuxième nom, et si nous devions tout mettre au pluriel cela donnerait une structure bancale. D’autre part, Tacite nous apprend ensuite que Balbus fut frappé des eadem poenae, précision qui ne se justifie pas si tous les trois se virent infliger les mêmes sanctions. Il nous semble donc qu’il faille bien conserver le texte en l’état et accepter que Sacerdos, Pontius et Balbus reçurent chacun une peine différente.


Cette dernière attire notre attention puisque Tacite indique que Pontius fut exclu de l’ordo senatorius et non du Sénat. Les deux expressions peuvent être synonymes, mais elles peuvent aussi désigner deux procédures distinctes. Tacite n’utilise cette expression que pour désigner l’exclusion de L. Junius Silanus[6], celle de Plautius Lateranus[7] et celle de Pontius[8]. En 48, année de leur exclusion, Silanus n’avait que 22 ou 23 ans et Lateranus devait avoir un âge similaire, de sorte qu’ils n’avaient pas atteint la senatoria aetas. Trop jeunes pour être sénateurs, ils furent exclus néanmoins de l’ordre sénatorial, honneur dont ils s’étaient montrés indignes. Nous pourrions supposer qu’il en fut de même pour Pontius. L’identification proposée par R. Syme devrait alors être rejetée mais cela expliquerait d’une part l’absence d’informations sur Pontius à la différence de Sacerdos et Balbus[9] et d’autre part l’indulgence dont il bénéficia. L’adultère avec Albucilla pouvait être considéré comme un écart de jeunesse et l’exclusion de l’ordre sénatorial, qui signifiait l’anéantissement de tout espoir de carrière, était une peine déjà bien rude pour un jeune homme. Assurément, Pontius ne dut pas être relégué dans l’ordre équestre mais bien écarté de toute situation honorifique et par là de toute perspective de cursus. Nous n’avons plus aucune information sur Pontius Fregellanus par la suite et nous ne connaissons aucun personnage postérieur portant un tel nom.






[1] Syme 1948, p. 130 et 1949, p. 13.


[2] R. Hanslik, RE, 22/1, 1953, col. 28, n° 2 s. v. Pontilius ; C. Pontilius Fregellanus, PIR², 1997, p. 340, P 788 connu par CIL, 3, 8715 = Dessau, ILS, 960.


[3] Tac., Ann., 6, 47, 2-3 et D.C., 58, 27, 4. Bauman 1974, p. 130-135 ; Rivière 2002, p. 208.


[4] Tac., Ann., 6, 48, 1-3.


[5] Tac., Ann., 6, 48, 1.


[6] Tac., Ann., 12, 4, 3. Cf. notice n° 193.


[7] Tac., Ann., 13, 11, 2. Cf. notice n° 175.


[8] Tac., Ann., 12, 52, 3 rapporte les retraits volontaires de l’ordre sénatorial en raison de la perte du patrimoine. Dans ce cas, Tacite choisit à raison une expression volontairement large.


[9] Alors que Sacerdos est qualifié de praetorius, si notre homme était bien C. Pontilius Fregellanus, alors Tacite aurait certainement précisé consularis à moins que le consulat ne soit situé après cet épisode, ce qui est douteux.

Bibliographie
Bibliographie

Bauman 1974 : Bauman R. A., Impietas in principem, Munich, 1974.


Rivière 2002 : Rivière Y., Les Délateurs sous l’Empire romain, Rome, 2002.


Syme 1948 : Syme R., Revue de H. Fuchs, P. Cornelius Tacitus, Annalium ab excessu divi Augusti quae supersunt, I, Frauenfeld, 1946, dans JRS, 1948, 38, p. 122-131.


Syme 1949 : Syme R., « Personal Names in Annals I-VI », JRS, 1949, 39, p. 6-18.


Clément Bur, Infames Romani n°174, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le