Infames Romani

Chaerestratus

Numéro
71
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Retrait du cheval public
Date de l'épisode
54
Références prosopographiques

Attention ! L'épisode est daté du règne de Claude, sans plus de précisions.

Source
Source

Mart., Ep., 5, 25, 1-4 :


« Quadringenta tibi non sunt, Chaerestrate : surge,


Leïtus ecce uenit : sta, fuge, curre, late ».


Ecquis, io, reuocat discedentemque reducit ?


Ecquis, io, largas pandit amicus opes ?


Tu n’as pas quatre cent mille sesterces, Chaerestratus ; lève-toi, voici venir Leitus : debout, fuis, cours, cache-toi. – Holà ! Y a-t-il quelqu’un qui veuille le rappeler et le ramener à la place qu’il vient de quitter ? Holà ! A-t-il quelque ami disposé à lui ouvrir son vaste coffre-fort ? (Trad. H. J. Izaac, CUF).

Notice
Notice

Le nom de Chaerestratus est celui d’un personnage de comédie utilisé par Térence[1] et par Statius Caecilius[2]. Il est donc tout à fait probable que l’individu ridiculisé par Martial ou bien apparaisse sous un faux nom emprunté à la comédie, ou bien soit complètement fictif. Malgré ces limites, Martial qui dépeint les travers de la société de son époque nous offre ici un exemple intéressant.


Tout d’abord, nous apprenons que Chaerestratus ne dispose pas de 400 000 HS. Ce montant correspond au cens équestre[3] et, par conséquent, il n’est pas chevalier et n’a pas le droit à la proédrie[4]. Le passage, et plus particulièrement le troisième vers, laisserait plutôt entendre que Chaerestratus n’est plus chevalier. La « place qu’il vient de quitter » pourrait en effet désigner à la fois la place au sens strict, le siège au spectacle, et au sens figuré, le rang équestre. Que Chaerestratus puisse connaître des amis qui auraient les moyens de lui donner une telle somme est un autre indice de son appartenance aux hautes couches sociales. Ainsi, il nous paraît plus probable de voir en Chaerestratus, plutôt que l’archétype de l’usurpateur des places réservées au théâtre comme S. Demougin[5], celui du chevalier dégradé qui tentait de sauver la face. En s’asseyant dans les quatorze rangées, Chaerestratus souhaitait donner à croire qu’il était toujours chevalier. Martial ne parlant que du patrimoine de Chaerestratus, il s’agit ici de représenter les chevaliers ruinés et qui, n’ayant plus le cens requis, étaient exclus de l’ordre lors de sa révision annuelle[6].


Le nom même du personnage constitue un ultime indice sur le type d’individu stigmatisé par Martial. Chaerestratus était le nom donné dans la comédie au personnage esclave de ses passions[7]. Chaerestratus aurait donc dévoré son patrimoine par ses débauches. Il y aurait une faute morale à l’origine de sa faillite la rendant d’autant plus scandaleuse.


En conclusion, Chaerestratus est l’archétype des chevaliers ruinés par leurs passions et donc exclus de l’ordre équestre mais qui tentent de le dissimuler en continuant à afficher les insignes les plus visibles de l’ordre.




[1] Pers., Sat., 5, 161-175.


[2] Cic., Amer., 46.


[3] Demougin 1988, p. 76-79.


[4] Sur la proédrie : Demougin 1988, p. 802-805.


[5] Demougin 1988, p. 818-819 le considère comme un usurpateur dont le nom fictif montrerait par son origine grecque le probable statut d’affranchi.


[6] Cf. Bur 2018, chapitre 6.2.2.


[7] Zietsman 1998.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Demougin 1988 : Demougin S., L’Ordre équestre chez les Julio-Claudiens, Rome, 1988.


Zietsman 1998 : Zietsman J. C., « A comic scene with a Stoic message : Terence’s “Eunuchus” in Persius Satire 5.161-175 », Akroterion, 1998, 43, p. 43-51.


Clément Bur, Infames Romani n°71, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le