Cic., Cael., 16 : Numquam enim tam Caelius amens fuisset, ut, si se isto infinito ambitu commaculasset, ambitus alterum accuset.
Jamais il n’aurait été assez fou pour accuser un autre de brigue, s’il s’était lui-même sali par ces démarches sans fin (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Cael., 56 : Ne crimen haereret ? Num quis obiecit ? num quis denique fecisset mentionem, si hic nullius nomen detulisset ? Quin etiam L. Herennium dicere audistis uerbo se molestum non futurum fuisse Caelio, nisi iterum eadem de re suo familiari absoluto nomen hic detulisset.
Se dégager de l’accusation de meurtre ? Qui le lui a reproché ? En aurait-on même fait mention, si Caelius n’avait accusé personne ? Que dis-je ? Vous avez entendu L. Herennius déclarer qu’il n’aurait pas prononcé un seul mot désagréable contre Caelius, si celui-ci n’avait une seconde fois, pour le même fait, poursuivi son ami, qui avait précédemment bénéficié d’un non-lieu (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Cael., 76 : Atque ut iste interpositus sermo deliciarum desidiaeque moreretur – fecit me inuito me hercule et multum repugnante me, sed tamen fecit – nomen amici mei de ambitu detulit ; quem absolutum insequitur, reuocat ; nemini nostrum obtemperat, est uiolentior quam uellem.
C’est pour faire cesser ces propos, qu’on lui opposait toujours, sur sa vie de plaisir et de paresse, qu’il a déféré au tribunal, malgré moi certes et malgré toute ma résistance, le nom de mon ami, en l’accusant de brigue ; l’autre acquitté, il poursuit l’affaire, il reprend l’accusation, il n’écoute personne parmi nous ; il se montre plus violent que je n’aurais voulu (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Cael., 78 : non potest qui ambitu ne absolutum quidem patiatur esse absolutum ipse impune umquam esse largitor.
il est impossible que, refusant d’admettre qu’un homme acquitté d’une prévention de brigue électorale demeure acquitté, il aille jamais lui-même impunément distribuer des fonds électoraux (trad. J. Cousin, CUF).
Cic., Phil., 11, 11 : Quid Bestiam ? qui consulatum in Bruti locum se petere profitetur. Atque hoc quidem detestabile omen auertat Iuppiter! quam absurdum autem, qui praetor fieri non potuerit, petere eum consulatum ? nisi forte damnationem pro praetura putat.
Et Bestia ? qui proclame sa candidature au consulat pour prendre la place de Brutus : qu’un présage si abominable soit détourné par Jupiter ! mais quelle absurdité, quand on n’a pu devenir préteur, de briguer le consulat ! à moins qu’il n’aille compter une condamnation pour une préture (trad. P. Wuilleumier, CUF).
Nous savons qu’en 56, Cicéron défendit à deux reprises un L. Calpurnius Bestia, édilicien, dans un procès de ambitu intenté par M. Caelius Rufus. Or nous connaissons également un L. Calpurnius Bestia tribun de la plèbe en 62[1]. Les dates et l’homonymie incitèrent T. R. S. Broughton à identifier les deux personnages[2], alors que F. Münzer, suivi par E. S. Gruen et J. W. Crawford s’y opposaient. E. S. Gruen refusait en effet de croire que le sympathisant de Catilina et farouche adversaire de Cicéron pût être appelé par lui necessarius peu après et même défendu à six reprises par le grand orateur[3]. Notons toutefois qu’un tel retournement de situation ne serait pas un hapax dans l’histoire troublée de la fin de la République et qu’il est difficile de tirer une conclusion définitive. Enfin, notre personnage était peut-être le petit-fils, ou du moins un parent, de L. Calpurnius Bestia, le consul de 111[4].
En revanche, nous savons que notre personnage fut sans doute édile de la plèbe vers 57[5]. Une lettre de Cicéron permet de dater le premier procès de ambitu de février 56[6]. Il déboucha sur un acquittement[7] et pourtant M. Caelius accusa une seconde fois Bestia de brigue dans les semaines qui suivirent[8]. Comme il était impossible d’intenter un procès sur une chose déjà jugée, diverses solutions ont été proposées, mais tous les historiens considèrent que les faits se rapportaient à la campagne de Bestia pour la préture de 56 ou 55. M. C. Alexander suggérait de voir là l’application de l’exception nisi quod post ea fecerit, c’est-à-dire que Bestia aurait continué à mal agir après le procès[9]. J. W. Crawford supposait, elle, de manière plus convaincante, que le premier procès portait sur la campagne pour l’édilité de 57 tandis que le second concernait la campagne pour la préture de 55[10]. Malgré une nouvelle défense de Cicéron, Bestia fut cette fois condamné[11]. La loi en vigueur étant la lex Tullia de ambitu, Bestia dut donc s’exiler pour dix ans de l’Italie, fut exclu du Sénat et frappé d’inéligibilité à vie[12].
Il revint à Rome soit grâce à César soit à la fin de sa peine, en 46, et il osa même briguer le consulat à la place de Marc Antoine pour 42[13]. S’il n’avait pas été rappelé et restitué par César, Antoine dut le réhabiliter entièrement pour effacer l’inéligibilité provoquée par sa condamnation de ambitu de 56. Son fils, L. Sempronius Atratinus[14], accusa de ui M. Caelius Rufus lorsque ce dernier intenta le second procès de ambitu à son père[15]. Il aurait été adopté par L. Sempronius L. f. Asellio[16]. Partisan d’Antoine comme son père naturel, il est préteur suffect en 40, consul suffect en 34[17], il finit par rallier Octavien[18] et triomphe même en 21[19].
[1] Niccolini 1934, p. 272 et MRR, 2, p. 174.
[2] MRR, 3, p. 46.
[3] F. Münzer, RE, 3/1, 1897, col. 1367, n° 25 s. v. Calpurnius ; Gruen 1971a, p. 67-69 ; Crawford 1984, p. 144.
[4] F. Münzer, RE, 3/1, 1897, col. 1366-1367, n° 23 s. v. Calpurnius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 2, 1997, col. 941‑942, [I 1].
[5] MRR, 2, p. 201. Alexander 1990, p. 131 place son édilité autour de 59.
[6] Cic., Q. F., 2, 3, 6 (12 et 15 février 56) : A. d. III Id. Febr. dixi pro Bestia de ambitu apud praetorem Cn. Domitium in foro medio maximo conuentu (« Le 11 février j’ai plaidé pour Bestia, accusé de brigue, devant le préteur Cn. Domitius, au milieu du forum et devant une très nombreuse assistance », trad. L.-A. Constans, CUF).
[7] Pour les sources et la bibliographie sur ce procès voir Alexander 1990, p. 130, n° 268 et David 1992, p. 858 n. 5.
[8] Pour les sources et la bibliographie sur ce procès voir Alexander 1990, p. 130-131, n° 269 et David 1992, p. 810 n. 46 et 858 n. 6.
[9] Alexander 1982, p. 149.
[10] Crawford 1984, p. 144-145.
[11] Cic., Phil., 11, 11.
[12] Cf. Bur 2018, chapitre 11.5.
[13] Cic., Phil., 11, 11.
[14] F. Münzer, RE, 2A/2, 1923, col. 1366-1368, n° 26 ; J. Bartels, Neue Pauly, 11, 2001, col. 386 [I 8].
[15] Sur ce procès voir : Alexander 1990, p. 134-135, n° 275 et David 1992, p. 858 n. 7.
[16] F. Münzer, loc. cit. ; Shackleton Bailey 1991, p. 129 ; Syme 1967 [1952], p. 557 n. 44.
[17] MRR, 2, p. 380 et 410.
[18] Syme 1967 [1952], p. 269.
[19] Voir les fastes triomphaux CIL, 1², p. 50 et Degrassi 1954, p. 110 ainsi que Itgenshorst 2005, p. 426-427 n° 296 et Bastien 2007, p. 415.
Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.
Bastien 2007 : Bastien J.-L., Le triomphe romain et son utilisation politique à Rome aux trois derniers siècles de la République, Rome, 2007.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
Crawford 1984 : Crawford J. W., M. Tullius Cicero : The Lost and Unpublished Orations, Göttingen, 1984.
David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.
Degrassi 1954 : Degrassi A., Fasti Capitolini, Turin, 1954.
Gruen 1971a : Gruen E. S., « Some Criminal Trials of the Late Republic », Athenaeum, 1971, 49, p. 54-69.
Itgenshorst 2005 : Itgenshorst T., Tota illa Pompa : der Triumph in der römischen Republik, Göttingen 2005.
Niccolini 1934 : Niccolini G., I Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934.
Shackleton Bailey 1991: Shackleton Bailey D. R., Two Studies in Roman Nomenclature, Atlanta, 1991.
Syme 1967 [1952] : Syme R., La Révolution romaine, Paris, 1967 (traduit de l’anglais par Stuveras R., 1952²).