Infames Romani

Soldats de Cincinnatus

Numéro
83
Identité
Catégorie
Punitions militaires infamantes
Sous catégorie
Peine humiliante
Date de l'épisode
-458
Source
Source

Liv., 3, 29, 1-2 (a. 458) : Castris hostium receptis plenis omnium rerum – nudos enim emiserat –, praedam omnem suo tantum militi dedit ; consularem exercitum ipsumque consulem increpans « Carebis, inquit, praedae parte, miles, ex eo hoste cui prope praedae fuisti […] ».


Maître de leurs positions [des Èques], où abondait toute espèce de matériel – car il les avait renvoyés sans armes ni bagages –, il donna tout le butin à son armée seule. L’armée du consul et le consul lui-même n’eurent que des reproches : « Soldats, leur dit-il, vous n’aurez rien des dépouilles d’un ennemi par qui vous avez failli vous laisser dépouiller […] » (trad. J. Bayet et G. Baillet, CUF).

Notice
Notice

Notre épisode appartient à la première dictature de Cincinnatus, héros romain des premiers temps de la République. Son authenticité pourrait donc être douteuse. Cependant, la modération du dictateur, à une époque où la privation de butin était parfois décidée sans qu’il y ait eu faute de l’armée[1], nous incite à le considérer comme vraisemblable voire authentique. En 458, le consul L. Minucius Esquilinus Augurinus mena une campagne militaire contre les Èques et fut pris au piège par eux[2]. Des messagers, qui avaient réussi à s’échapper, avertirent Rome et le collègue de Minucius, C. Nautius Rutilus, nomma L. Quinctius Cincinnatus dictateur pour résoudre la crise[3]. Il vint secourir l’armée consulaire, remporta une victoire sur l’Algide et fit passer l’ennemi sous le joug[4]. C’est alors que Cincinnatus priva l’armée consulaire de sa part de butin, qui était abondant puisque les Èques avaient obtenu de partir sains et saufs mais désarmés[5]. Il s’agissait de punir la pusillanimité de la légion qui s’était laissée encercler : nulla magnopere clade accepta castris se pauidus tenebat soulignait Tite-Live[6]. Cincinnatus, général victorieux, suivait ici la tradition car « lorsque les prises ont été rapportées, sur l’ordre du général, c’est lui qui effectue un tri, constitue des catégories et décide de leur affectation »[7]. Le partage fut ainsi teinté de disciplina puisque le dictateur punit les soldats couards en les privant d’un butin qu’ils n’avaient pas mérité ainsi qu’il leur déclara dans le discours que Tite-Live place dans sa bouche. Le refus d’accorder aux soldats leur part habituelle était fondé sur le jugement porté par le général sur leur conduite et constituait donc, selon le terme même de l’historien, une ignominia[8]. Par conséquent, nous sommes bien en présence d’une des premières punitions infamantes relevant de la disciplina.






[1] Liv., 2, 42, 1 (a. 485) ; 3, 31, 4-6 (a. 455) ; 5, 26, 8 (a. 394).


[2] MRR, 1, p. 39. Voir surtout Liv., 3, 26, 1-6.


[3] MRR, 1, p. 39.


[4] Liv., 3, 28.


[5] Liv., 3, 29, 1 : nudos enim emiserat.


[6] Liv., 3, 26, 3 : « sans avoir éprouvé de graves revers, il se tenait peureusement dans son camp » (trad. J. Bayet et G. Baillet, CUF).


[7] Coudry 2009, p. 23 ; voir aussi p. 34-37.


[8] Liv., 3, 29, 3.

Bibliographie
Bibliographie

Coudry 2009 : Coudry M., « Partage et gestion du butin dans la Rome républicaine : procédures et enjeux », dans Coudry M. et Humm M. (éd.), Praeda. Butin de guerre et société, Stuttgart, 2009, p. 21‑79.


Clément Bur, Infames Romani n°83, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le