Infames Romani

M. Lollius Palicanus [21]

Numéro
119
Identité
Catégorie
Candidats écartés
Sous catégorie
-
Date de l'épisode
-67
Références prosopographiques

F. Münzer, RE, 13/2, 1927, col. 1391, s. v. Lollius, n° 21 ; J. Fündling, Neue Pauly, 7, 1999, col. 430, s. v. Lollius, [I 9] ; Niccolini 1934, p. 245-247 ; Wiseman 1971, p. 237‑238, n° 221 ; DPRR n° LOLL2177.

Source
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Val. Max., 3, 8, 3 : C. etiam Pisonem mirifice et constanter turbulento rei publicae statu egisse consulem narratione insequenti patebit. M. Palicani seditiosissimi hominis pestiferis blanditiis praereptus populi fauor consularibus comitiis summum dedecus admittere conabatur amplissimum ei deferre imperium cupiens, cuius taeterrimis actis exquisitum potius supplicium quam ullus honos debebatur. Nec deerat consternatae multitudini furialis fax tribunicia, quae temeritatem eius et ruentem comitaretur et languentem actionibus suis inflammaret. In hoc miserando pariter atque erubescendo statu ciuitatis tantum non manibus tribunorum pro rostris Piso conlocatus, cum hinc atque illinc ambissent ac Palicanum num suffragiis populi consulem creatum renuntiaturus esset interrogaretur, primo respondit non existimare se tantis tenebris offusam esse rem publicam, ut huc indignitatis ueniretur. Deinde, cum perseueranter instarent ac dicerent : « Age, si uentum fuerit ? » « Non renuntiabo » inquit. Quo quidem tam absciso responso consulatum Palicano prius quam illum adipisceretur eripuit. Multa et terribilia Piso contempsit, dum speciosum mentis suae flecti non uolt rigorem.


C. Piso lui aussi a témoigné d’une magnifique constance, au milieu de troubles politiques, par sa façon de gérer le consulat : le récit suivant va le montrer. M. Palicanus, qui aimait particulièrement la sédition, avait eu recours à d’abominables flatteries pour se gagner la faveur du peuple et, au moment des élections consulaires, celui-ci essayait de commettre le pire des forfaits en souhaitant attribuer à Palicanus le pouvoir suprême, quand ses affreuses activités lui valaient un châtiment bien choisi plutôt que la moindre des charges. Et la foule dans son égarement ne manquait pas de l’excitation pleine de rage que les tribuns emploient pour accompagner son ardeur insensée quand elle se déchaîne, et pour l’enflammer quand elle se calme, par leurs interventions publiques. Quand la cité se trouvait dans cette situation aussi pitoyable que honteuse, les tribuns, en le prenant presque à bras le corps, placèrent Piso devant la tribune du forum et, après l’avoir entouré de tous côtés, lui demandèrent si, dans le cas où Palicanus serait porté au consulat par les suffrages du peuple, il proclamerait son élection : d’abord il répondit qu’il ne voyait pas que l’État fût plongé dans de telles ténèbres qu’on en vînt à un tel degré d’indignité. Puis, comme ils ne cessaient d’insister et disaient : « Et si on y arrive ? », « Je ne le proclamerai pas », dit-il. Cette réponse si concise arracha le consulat à Palicanus avant qu’il ne l’obtînt. Que de risques terribles Piso a méprisés en refusant de laisser fléchir sa magnifique rigueur (trad. R. Combès, CUF).

Notice
Notice

M. Lollius Palicanus, issu d’une modeste famille du Picenum[1], dut naître vers 109 si l’on en juge par sa candidature au consulat en 67. Il apparaît dans nos sources principalement comme un des acteurs de la restauration des pouvoirs du tribunat de la plèbe lorsqu’il fut lui-même tribun en 71, et, qu’à cette occasion, il aida Pompée[2]. Fort de cette association, et grâce à la popularité gagnée par son action politique[3], il parvint sans doute à la préture vers 69 au plus tard[4] et brigua le consulat en 67[5]. Orateur populaire[6], sa victoire semblait assurée, malgré l’hostilité des optimates et tout particulièrement du consul présidant les élections, C. Calpurnius Piso. Aussi ce dernier, pressé par les tribuns, finit-il par leur répondre qu’il refuserait de proclamer (renuntiare) Palicanus si jamais il était élu. Ces paroles provoquèrent un brutal abandon de Palicanus et Piso n’eut pas besoin de mettre sa menace à exécution.


Piso pouvait ne pas renuntiare un candidat élu grâce au pouvoir discrétionnaire dont jouissait le président des comices[7]. Mais agissait-il en raison d’une inéligibilité légale de Palicanus ou, comme le laisse entendre le récit de Valère Maxime, parce qu’il le jugeait indigne de la fonction ? Valère Maxime est, en effet, très dur envers Palicanus qu’il présente comme un seditiosissimus homo, recourant à de pestiferiae blanditiae pour séduire les électeurs. Selon lui, élire Palicanus serait même un dedecus. Nul doute que Valère Maxime se fasse ici l’interprète des opinions des optimates et tout particulièrement du consul Piso. Il lui fait même répondre aux tribuns que tantis tenebris offusam esse rem publicam, ut huc indignitatis ueniretur. Il semblerait donc que Piso annonça son refus de renuntiare Palicanus en raison de son indignitas. Toutefois, il est bien évident que Piso dénonçait ici son action politique, soutenue par de nombreux populares, plus que sa moralité ou sa naissance[8] et qu’il est difficile de parler ici d’infamie. C’est même d’autant moins probable que Palicanus était un personnage politique de second plan, comme le montre sa disparition de la scène publique après cet échec[9]. En définitive, la seule menace d’un homme aussi important que Calpurnius Piso, la démonstration d’une constantia à toute épreuve, suffirent à détourner la foule de Palicanus, son champion. Palicanus ne fut pas véritablement jugé indigne du consulat par Piso, mais sa candidature fut anéantie par les déclarations d’un consul pourvu d’une grande auctoritas dans un contexte de conflit politique[10].


Le monétaire de 45[11], Palikanus, était probablement son fils[12]. Parmi les types monétaires qu’il diffusa, certains rappelaient l’action de Palicanus en faveur de la restauration des pouvoirs des tribuns[13]. Cela témoignerait d’une tentative de récupération de la popularité jadis acquise par son père, qui n’aurait donc pas été ternie par l’épisode de 67.






[1] Sall., Hist., 4, 43 (ap. Quint., Inst. Or., 4, 2, 2).


[2] MRR, 2, p. 122. Voir notamment Niccolini 1934, p. 245-247 et Marshall et Beness 1987, p. 374-377.


[3] Il était ainsi peut-être allié à A. Gabinius, le tribun de 67, qui avait épousé une Lollia qui pourrait être sa fille (Suet., Iul., 50, 1 ; Cic., Fam., 9, 22, 4). Cf. Gruen 1974, p. 63-64.


[4] MRR, 2, p. 132.


[5] Val. Max., 3, 8, 3.


[6] Cic., Brut., 223.


[7] Cf. Bur 2018, chapitre 7.1.


[8] Marshall et Beness 1987, p. 376-377 supposent que Piso refusa la candidature de Palicanus « on the grounds that a person of his low birth was not worthy of such a high office », ce que ne dit pas Valère Maxime.


[9] Cic., Att., 1, 1, 1 (mi-juillet 65) plaisante sur l’éventuelle candidature de Palicanus en 65. Enfin, nous ne le retrouvons cité une dernière fois en 60 dans Cic., Att., 1, 18, 5. Cf. Marshall et Beness 1987, p. 377.


[10] Notons que cet épisode n’est signalé ni par Asconius ni par Dion Cassius qui constituent nos deux principales sources sur cette année très troublée. Il est d’ailleurs possible qu’une autre raison ait incité Piso à refuser Palicanus, ignorée par Valère Maxime qui tenait à donner une version moralisante à cet événement.


[11] MRR, 2, p. 444 et 3, p. 127 ; Crawford, RRC, 1, p. 482-483, n° 473.


[12] F. Münzer, RE, 13/2, 1927, col. 1390-1391, s. v. Lollius, n° 20.


[13] Taylor 1966, p. 37 ; Wiseman 1971, p. 238.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Crawford, RRC : Crawford M. H. (éd.), Roman Republic Coinage, Londres, 1974 (2 vol.).


Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.


Marshall et Beness 1987 : Marshall B. A. et Beness J. L., « Tribunician agitation and aristocratic reaction 80-71 B.C. », Athenaeum, 1987, 65, p. 361-378.


Niccolini 1934 : Niccolini G., I Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934.


Taylor 1966 : Taylor L. R., Roman Voting Assemblies from the Hannibalic war to the dictatorship of Caesar, Ann Arbor, 1966.


Wiseman 1971 : Wiseman T. P., New Men in the Roman Senate, Londres, 1971.


Clément Bur, Infames Romani n°119, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le