Infames Romani

A. Cluentius A. f. Habitus [4]

Numéro
64
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Retrait du cheval public
Date de l'épisode
-70
Références prosopographiques

F. Münzer, RE, 4/1, 1900, col. 112, n° 4 s. v. Cluentius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 3, 1997, col. 43-44, [I 2] ; Nicolet 1966-1974, 2, p. 840-841, n° 103 ; David 1992, p. 784‑785 ; DPRR n° CLUE4400.

Source
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Cic., Cluent., 133-134 : At in ipsum Habitum animaduerterunt. Nullam quidem ob turpitudinem, nullum ob totius uitae non dicam uitium sed erratum. Neque enim hoc homine sanctior neque probior neque in omnibus officiis retinendis diligentior esse quisquam potest ; neque illi aliter dicunt, sed eandem illam famam iudici corrupti secuti sunt ; neque ipsi secus existimant quam nos existimari uolumus de huius pudore, integritate, uirtute, sed putarunt praetermitti accusatorem non potuisse, cum animaduersum esset in iudices. Qua de re tota si unum factum ex omni antiquitate protulero, plura non dicam. Non enim mihi exemplum summi et clarissimi uiri, P. Africani, praetereundum uidetur ; qui cum esset censor et in equitum censu C. Licinius Sacerdos prodisset, clara uoce ut omnis contio audire posset dixit se scire illum uerbis conceptis peierasse ; si qui contra uellet dicere, usurum esse eum suo testimonio. Deinde cum nemo contra diceret, iussit equum traducere. Ita is cuius arbitrio et populus Romanus et exterae gentes contentae esse consuerunt ipse sua scientia ad ignominiam alterius contentus non fuit. Quod si hoc Habito facere licuisset, facile illis ipsis iudicibus et falsae suspicioni et inuidiae populariter excitatae restitisset.


« Mais ils [les censeurs] ont infligé un blâme à Habitus lui-même ». Sans doute, mais pas pour la moindre infamie, je ne dirai même pas pour aucun vice, mais pour aucune faute en toute sa vie. Car nul n’est plus que mon client respectable, vertueux, consciencieux dans l’observation de tous ses devoirs. Eux-mêmes ils ne disent pas le contraire. Mais c’est toujours ces bruits sur la corruption du tribunal qui ont dicté leur décision. Ils n’ont pas de son honneur, de son honnêteté, de son mérite une autre opinion que celle que nous désirons vous voir. Mais ils ont estimé qu’ils n’auraient pas pu épargner l’accusateur du moment qu’ils avaient sévi contre les juges. Je vais sur toute cette affaire emprunter à l’histoire l’anecdote que voici et je n’en dirai pas plus long. Je ne crois pas en effet devoir omettre le précédent d’un grand homme, couvert de gloire, Publius l’Africain. Au cours de sa censure il passait en revue les chevaliers. C. Licinius Sacerdos s’étant avancé, il dit à voix assez haute pour que toute l’assemblée pût l’entendre qu’il savait que l’autre avait fait un faux serment dans les termes consacrés ; si quelqu’un voulait se porter comme accusateur, il pourrait recourir à son propre témoignage. Puis, comme personne ne le faisait, il l’invita à faire passer son cheval. Ainsi l’homme dont le peuple romain et les nations étrangères tenaient le jugement pour décisif, ne tint pas lui-même pour décisive sa propre conviction afin de frapper un autre d’ignominie. Si l’on avait accordé à Habitus la même procédure, il aurait aisément tenu tête devant ces juges eux-mêmes à des soupçons sans fondement, à une hostilité de l’opinion soulevée par un démagogue (trad. P. Boyancé, CUF).

Notice
Notice

A. Cluentius Habitus est le personnage pour lequel Cicéron plaida en 66, discours à partir duquel il publia le Pro Cluentio. Cluentius avait été chevalier romain[1], ce que rappelle fréquemment Cicéron pour influencer le jury composé alors de membres de l’ordre équestre[2]. Il était également fils de chevalier et sans doute décurion de Larinum dont il défendit les intérêts à Rome dans l’affaire des esclaves de Mars[3]. Sans revenir sur les détails du procès de 74, Cluentius avait accusé Oppianicus, son beau-père, d’avoir tenté de l’empoisonner[4]. L’affaire avait donné lieu à un vaste scandale car on soupçonnait les juges d’avoir été corrompus. Comme certains d’entre eux furent punis par les censeurs[5], ces derniers se tournèrent naturellement vers le vainqueur du procès, Cluentius[6]. Cicéron emploie le terme d’animaduertere pour désigner l’action des censeurs, terme que nous retrouvons parfois pour indiquer une sanction (exclusion du Sénat ou de l’ordre équestre)[7]. La comparaison avec l’épisode de C. Licinius Sacerdos[8] et les informations sur l’évaluation de la dignité de Cluentius confirment cette interprétation. Une fois encore dans ce discours, Cicéron tend à minimiser le blâme censorial dont est victime cette fois son client et il évite soigneusement d’utiliser les termes techniques de la censure. Pour renforcer l’impression d’un châtiment immérité, l’avocat le lie à la corruption judiciaire contre laquelle les chevaliers avaient normalement l’immunité[9]. Or Cluentius était dans ce procès l’accusateur et non un juge, et il n’était donc pas protégé par la loi. Il est également possible que le soupçon de corruption des juges qui pesait sur Cluentius ne constituait pas le seul motif de blâme des censeurs, mais Cicéron se garde bien de mentionner les autres.


Exclu de l’ordre équestre en 70, Cluentius fut par la suite accusé en 66 par T. Attius de Pisaure et le fils d’Oppianicus pour avoir tué ce dernier. Nous sommes mal renseignés sur l’issue de ce nouveau procès et Cluentius n’apparaît plus dans nos sources passée cette date. Nous ne lui connaissons aucun descendant.






[1] Cic., Cluent., 156.


[2] Nicolet 1966-1974, 1, p. 197.


[3] Nicolet 1966-1974, 2, p. 841 et David 1992, p. 784-785. Cicéron le désigne comme domi nobilis (Cluent., 196). Pour l’affaire des Martiales : Cic., Cluent., 43.


[4] Alexander 1990, p. 75-76, n° 149. Il y avait aussi eu les procès de Scamander (p. 74, n° 147) et de C. Fabricius d’Alatrium (p. 74-75, n° 148), également d’après la lex Cornelia de ueneficiis.


[5] Voir les notices de M’. Aquillius et Ti. Gutta n° 21 et 25.


[6] Cic., Cluent., 133: « [censores] putarunt praetermitti accusatorem non potuisse, cum animaduersum esset in iudices ».


[7] Cf. Bur 2018, chapitre 4.1.


[8] Cf. notice n° 59.


[9] Nicolet 1966-1974, 1, p. 560-561.

Bibliographie
Bibliographie

Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.


Nicolet 1966-1974 : Nicolet C., L’Ordre équestre à l’époque républicaine (312-43 av. J.-C.), Paris, 1966-1974 (2 vol.).


Clément Bur, Infames Romani n°64, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le