Infames Romani

Baebius Massa [38]

Numéro
156
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de repetundis
Date de l'épisode
93
Références prosopographiques

P. von Rhoden, RE, 3/2, 1896, col. 2731, n° 38 s. v. Baebius ; A. Stein, PIR², 1, p. 348, B 26 ; Pflaum 1961, p. 98-99, n° 41 ; Bleicken 1962, p. 162, n° 22 ; Alföldy 1969, p. 161 ; Jones B. 1979, p. 99, n° 49 ; Talbert 1984, p. 509, n° 27 ; Thomasson 1984, col. 22, 4/12 ; Demougin 1992, p. 611-613, n° 712 ; Rivière 2002, p. 511, n° 9.

Attention ! La condamnation eut lieu vers 92-93 ap. J.C.

Source
Source

Mart., Ep., 12, 28 (29), 1-2 :


Hermogenes tantus mapparum, < Castrice >, fur est


Quantus nummorum uix, puto, Massa fuit.


Hermogenes est, Castricus, un aussi grand voleur de serviettes que Massa, j’imagine, le fut jamais de pièces de monnaie (trad. H. J. Izaac, CUF).


 


Tac., Agr., 45, 2 : Vna adhuc uictoria Carus Metius censebatur et intra Albanam arcem sententia Messalini strepebat, et Massa Baebius etiam tu reus erat.


Carus Metius n’avait encore à son actif qu’une seule victoire, les arrêts de Messalinus ne retentissaient qu’à l’intérieur du palais albain, et Massa Baebius n’était alors qu’un accusé (trad. E. de Saint-Denis, CUF).


 


Plin., Ep., 7, 33, 4 et 7-9 (à Tacite) : Dederat me senatus cum Herennio Senecione aduocatum prouinciae Baeticae contra Baebium Massam, damnatoque Massa censuerat, ut bona eius publice custodirentur. Senecio, cum explorasset consules postulationibus uacaturos, conuenit me et « Qua concordia » inquit « iniunctam nobis accusationem exsecuti sumus, hac adeamus consules petamusque, ne bona dissipari sinant, quorum esse in custodia debent ». […]


Venimus ad consules ; dicit Senecio quae res ferebat, aliqua subiungo. Vixdum conticueramus, et Massa questus Senecionem non aduocati fidem sed inimici amaritudinem implesse, impietatis reum postulat. Horror omnium ; ego autem « Vereor » inquam, « clarissimi consules, ne mihi Massa silentio suo praeuaricationem obiecerit, quod non et me reum postulauit ». Quae uox et statim excepta, et postea multo sermone celebrata est. Diuus quidem Nerua (nam priuatus quoque attendebat his quae recte in publico fierent) missis ad me grauissimis litteris non mihi solum, uerum etiam saeculo est gratulatus, cui exemplum (sic enim scripsit) simile antiquis contigisset.


Le Sénat m’avait donné, en même temps qu’Herennius Senecio, pour avocat à la province de Bétique contre Baebius Massa et après la condamnation de Massa il avait décrété que ses biens devaient être confiés à la surveillance de l’État. Senecio, ayant eu vent que les consuls allaient recevoir les réclamations, vint me trouver et me dit : « Dans le même parfait accord avec lequel nous avons mené à bien l’accusation dont nous étions chargés, allons ensemble trouver les consuls et demandons-leur de ne pas permettre le gaspillage des biens à la garde desquels ils doivent veiller ». […]


Nous allons trouver les consuls ; Senecio parle comme l’exigeait la circonstance, j’ajoute quelques mots. À peine nous étions-nous tus et voici Massa se plaignant que Senecio fît preuve non des scrupules d’un avocat, mais de l’acharnement d’un ennemi et il déclare l’accuser de lèse-majesté. Effroi général. Je prends la parole : « Je crains, très illustres consuls, que Massa par son silence à mon endroit ne me fasse soupçonner de prévarication, puisqu’il n’a pas déclaré m’accuser aussi ». Cette parole fut recueillie sur-le-champ et par la suite bien souvent racontée. Et le divin Nerva (car même simple particulier il avait les yeux fixés sur ce qui se faisait de bien dans l’État) m’envoya une fort belle lettre me félicitant et félicitant aussi notre époque de ce qu’elle bénéficiait d’un exemple semblable à ceux des anciens (telle était son expression) (trad. A-M. Guillemin, CUF).

Notice
Notice

Chevalier d’origine gauloise[1], Baebius Massa était procurateur en Afrique en 70[2]. Cette année-là, ralliant le parti de Vespasien, il indiqua aux sicaires le proconsul d’Afrique L. Calpurnius Piso[3]. A. N. Sherwin-White considérait que son aide lui avait valu d’être recruté au Sénat par Vespasien, mais on préfère désormais supposer qu’il fut adlectus par Domitien directement au rang prétorien[4], peut-être en récompense d’une délation[5]. Grâce à cette promotion, il devint proconsul en Bétique vers 92-93[6] et fut accusé de reptundis à son retour par ses administrés[7]. Le Sénat désigna Pline le Jeune et Herennius Senecio pour représenter les provinciaux et, bien que Baebius fût un délateur notoire jouissant de la protection de Domitien[8], ils obtinrent sa condamnation[9].


La faveur du Prince entravait la confiscation de ses biens et lorsque les consuls engagèrent la procédure, Baebius tenta de contre-attaquer en accusant Senecio de maiestate mais Pline para le coup par un bon mot[10]. Baebius vit donc ses biens confisqués et subit l’infamie judiciaire et politique prévue par la loi Julia[11]. En revanche, rien ne permet de conclure à une exécution comme le faisait P. v. Rhoden[12]. Certains commentateurs ont voulu voir dans les paroles de Tacite une allusion à la puissance à suivre de Baebius et donc à sa restitution[13]. Cette interprétation fut réfutée par A. N. Sherwin-White qui concluait que Baebius n’avait pas participé à la terreur de la fin du règne de Domitien puisqu’il avait disparu de la scène politique à la suite de sa condamnation[14]. Il est possible qu’il s’exilât pour éviter la confiscation de ses biens et échapper à la vengeance de ses victimes ou de leurs proches qui comptaient bénéficier de sa disgrâce, mais rien ne l’indique. Il était peut-être mort lorsque Martial rédigea son poème[15]. Nous n’avons donc aucune indication sur la suite de sa vie après sa condamnation et son exclusion du Sénat. Nous ne lui connaissons aucun descendant.






[1] Alföldy 1969, p. 161 ; Syme 1979-1991, 6, p. 212 et Bernand 1982, p. 421‑422.


[2] Tac., Hist., 4, 50, 5.


[3] Tac., Hist., 4, 50, 5.


[4] Sherwin-White 1966, p. 445 contra Pflaum 1961, p. 98-99, n° 41 ; Jones C. 1968, p. 114 ; Alföldy 1969, loc. cit. ; Jones B. 1979, p. 99, n° 49 ; Demougin 1992, p. 611-613, n° 712 ; Rivière 2002, p. 511, n° 9.


[5] Bernand 1982, p. 422.


[6] Alföldy 1969, loc. cit et p. 261 ; Thomasson 1984, col. 22, 4/12.


[7] Tac., Agr., 45, 2 nous apprend qu’à la mort d’Agricola, le 23 août 93, Baebius n’était pas encore condamné. Pour la nature de l’accusation et le procès en général voir Lefèbvre 2002, p. 58-62.


[8] Rivière 2002, loc. cit.


[9] Plin., Ep., 7, 33, 4.


[10] Plin., Ep., 7, 33, 7-9.


[11] Cf. Bur 2018, chapitre 10.9.


[12] P. von Rhoden, RE, 3/2, 1896, col. 2731, n° 38 s. v. Baebius.


[13] Stein 1927, p. 237 ; Saint-Denis 1942, note du chapitre 45, l. 8 ; Jones C. 1968, loc. cit.


[14] Sherwin-White 1966, loc. cit.


[15] Rivière 2002, loc. cit.

Bibliographie
Bibliographie

Alföldy 1969 : Alföldy G., Fasti Hispanienses, Wiesbaden, 1969.


Bernand 1982 : Bernand Y., « Senatores Romani ex Provincis Galliarum », dans Epigrafia e ordine Senatorio, 2, 1982


Bleicken 1962 : Bleicken J., Senatsgericht und Kaisergericht. Eine Studie zur Entwicklung des Prozeßrechtes im frühen Prinzipat, Göttingen, 1962.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Demougin 1992 : Demougin S., Prosopographie des chevaliers romains julio-claudiens, Rome, 1992.


Jones B. 1979 : Jones B. W., Domitian and the Senatorial Order, Philadelphie, 1979.


Jones C. 1968 : Jones C. P., « A New Commentary on the Letters of Pliny », Phoenix, 1968, 22, p. 111-142.


Lefèbvre 2002 : Lefèbvre S., « Les avocats de la Bétique entre 93 et 99 : Pline le Jeune était-il un patron de province ? », CCG, 2002, 13, p. 57-92.


Pflaum 1961 : Pflaum H. G., Carrières procuratoriennes, 1, Paris, 1961.


Rivière 2002 : Rivière Y., Les Délateurs sous l’Empire romain, Rome, 2002.


Saint-Denis 1942 : Saint-Denis E. de, Tacite. Vie d’Agricola, Paris, 1942


Sherwin-White 1966 : Sherwin-White A. N., The Letters of Pliny. A Historical and Social Commentary, Oxford, 1966.


Stein 1927 : Stein A., Der römische Ritterstand, Munich, 1927.


Talbert 1984 : Talbert R. J. A., Senate of Imperial Rome, Princeton, 1984.


Thomasson 1984 : Thomasson B. E., Laterculi praesidum, 1, Göteborg, 1984.


Clément Bur, Infames Romani n°156, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le