Infames Romani

M. Aurelius M. f. Cotta [107]

Numéro
143
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de repetundis
Date de l'épisode
-68
Références prosopographiques

E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2487-2489, n° 107 s. v. Aurelius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 2, 1997, col. 321, [11] ; Zumpt 1845, p. 57 ; Zumpt 1871, p. 493 ; Linderski 1987 [1995] ; Alexander 1990, p. 97, n° 192 ; DPRR n° AURE2026.

Attention ! La condamnation eut lieu vers 68-67 av. J.C.

Source
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Val. Max., 5, 4, 4 : Hanc pietatem aemulatus M. Cotta eo ipso die, quo togam uirilem sumpsit, protinus ut a Capitolio descendit, Cn. Carbonem, a quo pater eius damnatus fuerat, postulauit peractumque reum iudicio adflixit, et ingenium et adulescentiam praeclaro opere auspicatus.


Voilà la conscience avec laquelle M. Cotta a rivalisé le jour même où il a revêtu la toge virile : dès qu’il fut descendu du Capitole, il lança contre Cn. Carbo, qui avait condamné son père, une plainte en justice et, après l’avoir fait traduire devant les tribunaux, il l’y a fait condamner, donnant ainsi à ses capacités et à son adolescence, par cet exploit, d’heureux débuts (trad. R. Combès, CUF).


 


Memnon., 39 = FGH 3 B pp. 366-367 (ap. Phot., Bib., 224, 239a-b) : Ὁ δὲ δὴ Κόττας ὡς εἰς τὴν Ῥώμην ἀφίκετο, τιμῆς παρὰ τῆς συγκλήτου τυγχάνει Ποντικὸς αὐτοκράτωρ καλεῖσθαι, ὅτι ἕλοι τὴν Ἡράκλειαν. Διαβολῆς δὲ εἰς τὴν Ῥώμην ἀφικνουμένης, ὡς οἰκείων κερδῶν ἕνεκα τηλικαύτην πόλιν ἐξαφανίσειε, μῖσός τε δημόσιον ἐλάμβανε, καὶ ὁ περὶ αὐτὸν τοσοῦτος πλοῦτος φθόνον ἀνεκίνει· διὸ καὶ πολλὰ τῶν λαφύρων εἰς τὸ τῶν Ῥωμαίων εἰσεκόμιζε ταμιεῖον, τὸν ἐπὶ τῷ πλούτῳ φθόνον ἐκκρούων, εἰ καὶ μηδὲν αὐτοὺς πραοτέρους ἀπειργάζετο, ἀπὸ πολλῶν ὀλίγα νέμειν ὑπολαμβάνοντας. Ἐψηφίσαντο δὲ αὐτίκα καὶ τοὺς αἰχμαλώτους τῆς Ἡρακλείας ἀφίεσθαι. Θρασυμήδης δὲ τῶν ἐξ Ἡρακλείας εἷς κατηγόρησεν ἐπ’ ἐκκλησίας τοῦ Κόττα, τάς τε τῆς πόλεως εἰσηγούμενος πρὸς Ῥωμαίους εὐνοίας, καὶ εἴ τι ταύτης ἀποκλίνοιεν, οὐχὶ γνώμῃ τῆς πόλεως τοῦτο δρᾶν, ἀλλ’ ἤ τινος τῶν ἐφεστηκότων τοῖς πράγμασιν ἐξαπάτῃ ἢ καὶ βίᾳ τῶν ἐπιτιθεμένων· ἀπῳκτίζετο δὲ τόν τε τῆς πόλεως ἐμπρησμὸν, καὶ ὅσα τὸ πῦρ ἀφανίσαι· ὅπως τε τὰ ἀγάλματα Κόττας καθῄρει καὶ λείαν ἐποιεῖτο, τούς τε ναοὺς κατέσπα, καὶ ὅσα ἄλλα δι’ ὠμότητος ἐλθὼν ἐπεπράγει· τόν τε χρυσὸν καὶ τὸν ἄργυρον τῆς πόλεως ἀναγράφων ἀναρίθμητον, καὶ τὴν ἄλλην τῆς Ἡρακλείας ἣν ἐσφετερίσατο εὐδαιμονίαν.


Τοιαῦτα τοῦ Θρασυμήδους μετ’ οἰμωγῆς καὶ δακρύων διεληλυθότος, καὶ τῶν ἡγεμόνων ἐπικλασθέντων τῷ πάθει (καὶ γὰρ παρῆλθε καὶ τὸ τῶν αἰχμαλώτων πλῆθος, ἄνδρες ὁμοῦ καὶ γυναῖκες μετὰ τέκνων, ἐν πενθίμοις ἐσθήσεσι, θαλλοὺς ἱκεσίους μετ’ ὀλοφυρμῶν προτείνοντες), ἀντιπαρελθὼν ὁ Κόττας βραχέα τῇ πατρίῳ διελέχθη γλώττῃ, εἶτα ἐκαθέσθη. Καὶ Κάρβων ἀναστὰς, « Ἡμεῖς, ὦ Κόττα, » φησὶ, « πόλιν ἑλεῖν ἀλλ’ οὐχὶ καθελεῖν ἐπετρέψαμεν ». Μετ’ αὐτὸν δὲ καὶ ἄλλοι ὁμοίως Κότταν ᾐτιάσαντο. Πολλοῖς μὲν οὖν ἄξιος ὁ Κόττας ἐδόκει φυγῆς· μετριάσαντες δ’ ὅμως ἀπεψηφίσαντο τὴν πλατύσημον αὐτοῦ· Ἡρακλεώταις δὲ τὴν χώραν καὶ τὴν θάλασσαν καὶ τοὺς λιμένας ἀποκατέστησαν, καὶ μηδένα δουλεύειν ψῆφον ἔθεντο.


Rentré à Rome, Cotta se vit décerner par le Sénat le titre d’imperator pontique parce qu’il avait pris Héraclée. Mais quand arriva à Rome le bruit fâcheux que c’était pour son profit personnel qu’il avait anéanti une ville aussi ancienne, le ressentiment public s’attacha à lui et l’opulence qu’il étalait suscita l’envie. C’est pourquoi il versa au trésor romain une grosse part du butin afin de détourner la jalousie que lui valait sa richesse sans pourtant mieux disposer les gens à son égard, parce qu’on le soupçonnait de ne donner qu’une petite partie de ses grands biens. On décida aussitôt de libérer les prisonniers d’Héraclée.


Thrasymède, un d’entre eux, mit Cotta en accusation devant les comices ; il alléguait les bonnes dispositions de sa cité en faveur des Romains et affirmait que, si on s’en était écarté, ce n’était pas à cause d’une détermination de la cité, mais par l’effet ou bien d’une duperie imputable à l’un de ses dirigeants ou bien de la contrainte ennemie. Il déplorait l’incendie de la ville et tout ce que le feu avait détruit, la façon dont Cotta volait les statues pour se les approprier et détruisait les temples ; il déplorait aussi tous les actes auxquels l’avait conduit sa dureté ; il faisait le compte de l’or et de l’argent que la ville possédait en quantités infinies et celui de tous les autres biens qui faisaient la prospérité d’Héraclée et dont Cotta s’était emparé.


Après que Thrasymène eut passé en revue tous ces malheurs en gémissant et en pleurant et qu’il eut éveillé la pitié chez les dirigeants romains par l’évocation de cette infortune – on avait fait défiler, en effet, la foule des captifs, hommes, femmes et enfants en vêtements de deuil et tendant devant eux avec des cris plaintifs des rameaux de suppliants – Cotta comparut à son tour ; il dit quelques mots dans la langue de son pays et se rassit. Et Carbon se leva et dit : « Pour nous, Cotta, nous t’avions donné mission de prendre une ville et non de la détruire ». Après lui, beaucoup d’autres encore accusèrent Cotta de la même façon. Beaucoup donc le jugeaient passible d’une sentence d’exil ; toutefois, on usa de modération et on lui interdit le port de la toge laticlave. Les Romains rendirent aux Héracliotes leur territoire et la liberté de navigation et leurs ports ; de plus, ils décrétèrent que personne d’entre eux ne vivrait esclave (trad. R. Henry, CUF).


 


D.C., 36, 40, 3-4 : Τό τε σύμπαν οὕτως ἐπιμελὲς τοῖς Ῥωμαίοις κατὰ τὸν χρόνον ἐκεῖνον τὸ μηδὲν δωροδοκεῖσθαι ἐγένετο ὥστε πρὸς τῷ τοὺς ἐλεγχομένους κολάζειν καὶ τοὺς κατηγοροῦντας αὐτῶν ἐτίμων. Τοῦ γοῦν Κόττου τοῦ Μάρκου τὸν μὲν ταμίαν Πούπλιον Ὄππιον ἐπί τε δώροις καὶ ἐπὶ ὑποψίᾳ ἐπιβουλῆς ἀποπέμψαντος, αὐτοῦ δὲ πολλὰ ἐκ τῆς Βιθυνίας χρηματισαμένου, Γάιον Κάρβωνα τὸν κατηγορήσαντα αὐτοῦ τιμαῖς ὑπατικαῖς, καίπερ δεδημαρχηκότα μόνον, ἐσέμνυναν. Καὶ οὗτος μὲν τῆς τε Βιθυνίας καὶ αὐτὸς ὕστερον ἄρξας, καὶ μετριώτερον οὐδὲν τοῦ Κόττου πλημμελήσας, ἀντικατηγορήθη ὑπὸ τοῦ υἱέος αὐτοῦ καὶ ἀνθεάλω.


D’une manière générale, à cette époque, les Romains étaient si soucieux d’éviter toute corruption qu’ils associaient châtiment des coupables et marques d’honneur pour leurs accusateurs. Par exemple, Marcus Cotta avait renvoyé le questeur Publius Oppius pour corruption et parce qu’il était soupçonné de complot, tout en s’étant lui-même bien enrichi en Bithynie ; eh bien, ils accordèrent les honneurs consulaires à Gaius Carbo, son accusateur, bien qu’il n’ait été que tribun de la plèbe. Quand, plus tard, Carbo fut lui-même gouverneur de Bithynie et se conduisit de manière tout aussi répréhensible que Cotta, il fut à son tour accusé par le fils de ce dernier et à son tour condamné (trad. G. Lachenaud et M. Coudry, CUF).

Notice
Notice

M. Aurelius Cotta était, d’après Asconius[1], le frère de Caius[2], consul en 75, et de Lucius[3], consul en 62, et donc le fils de M. Aurelius Cotta[4]. Il était peut-être, lui ou son frère Caius, le propréteur vaincu par Sertorius en 80[5], et, de façon certaine préteur au plus tard en 77 et consul en 74[6]. Proconsul de Pont-Bithynie de 73 à 71, il prit Héraclée du Pont après un long siège et la mit à sac[7].


Durant son proconsulat, il renvoya son questeur, P. Oppius, et envoya une lettre au Sénat où il l’accusait de corruption et de conspiration[8]. Selon E. S. Gruen, Cotta fit d’Oppius un bouc-émissaire pour ses difficultés face à Héraclée et l’opération paraît avoir réussi puisqu’à son retour à Rome, il fut d’abord accueilli triomphalement[9]. En effet, le texte de Memnon[10], plus détaillé mais aussi plus suspect que celui de Dion[11], rapporte que le Sénat lui confirma d’abord le titre d’imperator et le cognomen de Ponticus[12].


Toutefois, des rumeurs se répandirent et finalement une véritable haine publique se déchaîna contre Cotta, toujours d’après Memnon. J. Linderski explique cet épisode comme une agitation entretenue par C. Papirius Carbo[13] durant son tribunat grâce à des contiones afin de préparer son accusation. Celle-ci fut déposée en 68 ou 67 et déboucha sur un procès, non pas devant les comices comme l’affirme Memnon, mais plutôt devant une quaestio[14]. Les faits reprochés à Cotta furent interprétés comme une accusation soit de peculatu[15] soit de repetundis[16]. Plus que le détournement du butin, dont il était peut-être aussi coupable, les plaintes des Héracléotes plaident en faveur d’un procès de repetundis.


Cotta fut condamné et subit les peines prévues par la loi alors en vigueur, la lex Cornelia, à savoir la double restitution et l’exclusion du Sénat et des honneurs[17], ainsi que vraisemblablement la perte de son surnom de Ponticus[18]. L’exclusion du Sénat est clairement indiquée par Memnon, en même temps que l’absence d’exil, qui en fait à tort une sentence votée par le Sénat[19], et par Dion Cassius puisque le praemium accordé à Carbo, qui se vit octroyer le rang consulaire[20], supposait au préalable que la place de Cotta fut libérée. Cotta disparaît ensuite de nos sources. L’humiliation de sa condamnation et les pertes financières liées, durent l’empêcher de relancer sa carrière et de briguer, par exemple, une nouvelle préture.


Quelques années plus tard, son fils, M. Aurelius Cotta[21], le vengea en faisant condamner son accusateur, Carbo, pour le même motif, après son proconsulat en Pont-Bithynie[22]. Sa victoire lui valut de regagner les insignes consulaires de son père et lui attira de nombreuses louanges[23]. De la sorte il renversait la honte de la condamnation paternelle de manière positive[24]. L’effacement du déshonneur était un préalable aussi utile que nécessaire et laissait espérer une excellente carrière. Cependant, nous ne connaissons aucune magistrature pour le jeune Cotta puisqu’il est impossible pour des questions d’âge, comme l’affirme D. R. Shackleton Bailey contre E. Klebs[25], de l’identifier au préteur de 54[26] et gouverneur de Sardaigne de 49[27]. Malgré ses brillants débuts, le fils de Cotta dut subir la colère des césariens qui vengeaient l’un des leurs[28].






[1] Ascon., p. 67 C.


[2] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2482-2484, n° 96 s. v. Aurelius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 2, 1997, col. 320, [5].


[3] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2485-2487, n° 102 s. v. Aurelius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 2, 1997, col. 320‑321, [9].


[4] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2487, n° 106 s. v. Aurelius.


[5] MRR, 2, p. 80.


[6] MRR, 2, p. 88 ; 100-101 et 3, p. 32.


[7] Pour les sources voir MRR, 2, p. 111, 117, 123 et 128.


[8] Cf. notice n° 170.


[9] Gruen 1974, p. 269.


[10] Memnon., 39 = FGH 3 B p. 366-367 (ap. Phot., Bib., 224, 239a-b).


[11] D.C., 36, 40, 3-4. Henry 1991, p. 97 n. 1 rappelle la prudence de Jacoby envers le récit du procès de Cotta chez Memnon.


[12] Linderski 1987 [1995], p. 151.


[13] Cf. notice n° 144.


[14] Linderski 1987 [1995], p. 152-154.


[15] Zumpt 1871, p. 493 le classe parmi les « Processe über Amtsverbrechen » ; E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2489 ; Linderski 1987 [1995], p. 155-156.


[16] David 1980 et 1992, p. 793. Gruen, loc. cit., ne choisit pas entre les deux tout comme Alexander 1990, p. 97, n° 192.


[17] Cf. Bur 2018, chapitre 10.8.


[18] Linderski 1987 [1995], p. 156.


[19] Linderski 1987 [1995], loc. cit. considérant que le Sénat ne pouvait voter ni l’exil ni l’exclusion d’un de ses membres, a supposé que Cotta avait aussi été condamné de maiestate et que le Sénat avait commué la peine capitale en perte du rang sénatorial. Toutefois, bien que le vote d’exclusion fût une procédure envisgée à cette époque (Cf. Bur 2018, chapitre 8) une telle supposition n’est pas nécessaire puisque la lex Cornelia de repetundis prévoyait l’exclusion du Sénat. La sentence sénatoriale rapportée par Memnon correspondrait alors à une confusion de l’auteur peu au fait des procédures judiciaires romaines, cf. David 1992, p. 794 n. 1.


[20] D.C., 36, 40, 4.


[21] E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2489, n° 108 s. v. Aurelius ; David 1992, p. 888.


[22] Cf. notice n° 144.


[23] Val. Max., 5, 4, 4 et D.C., 36, 40, 4.


[24] David 1992, p. 186-187.


[25] Shackleton Bailey, CLA, 4, n° 208 (sur 10.16.3), p. 424 contra E. Klebs, RE, 2/2, 1896, col. 2489, n° 109 s. v. Aurelius.


[26] MRR, 2, p. 222.


[27] MRR, 2, 260.


[28] Shackleton Bailey 1960, p. 259 rapporte que Carbo était un césarien.

Bibliographie
Bibliographie

Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


David 1980 : David J.-M., « Dion Cassius, XXXVI, 41, 1-2. Conduites symboliques et comportements exemplaires de Lucullus, Acilius Glabrio et Papirius Carbo (78 et 67 a.C.), MEFRA, 1980/1, p. 205-226.


David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.


Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.


Henry 1991 : Henry R., Photius. Bibliothèque, Paris, 1991.


Linderski 1987 [1995] : Linderski J., « A Missing Ponticus », AJAH, 1987 [1995], 12/2, p. 148-166.


Shackleton Bailey 1960 : Shackleton Bailey D. R., « The Roman Nobility in the second civil war », CQ, 1960, 10, p. 253-267.


Shackleton Bailey, CLA : Shackleton Bailey D. R., Cicero’s letters to Atticus, Cambridge, 1965-1970 (7 vol.).


Zumpt 1845 : Zumpt C. T., De legibus iudiciisque repetundarum in Republica Romana commentationes duae, Berlin, 1845.


Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.


Clément Bur, Infames Romani n°143, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le