Hor., Sat., 1, 6, 20-22 :
censorque moueret
Appius, ingenuo si non essem patre natus ;
uel merito, quoniam in propria non pelle quiessem.
Et le censeur Appius m’exclurait, du moment que je ne serais pas issu d’un père de naissance libre, avec raison peut-être, puisque je ne me serais pas tenu tranquille dans ma propre peau (trad. F. Villeneuve, CUF).
D.C., 40, 63, 4 : ἐκείνῳ δὲ οὐκ ἀντέπραξε πάντας μὲν τοὺς ἐκ τῶν ἀπελευθέρων συχνοὺς δὲ καὶ τῶν πάνυ γενναίων, ἄλλους τε καὶ τὸν Κρίσπον τὸν Σαλούστιον τὸν τὴν ἱστορίαν γράψαντα.
mais il [Pison] ne s’opposa pas à son collègue quand il chassa du Sénat tous les fils d’affranchis et un grand nombre de personnes qui appartenaient à la haute noblesse, en particulier l’historien Crispus Sallustius (trad. G. Lachenaud et M. Coudry, CUF).
Alors que la situation devenait de plus en plus tendue entre César et Pompée, Ap. Claudius Pulcher, le consul de 54, et L. Calpurnius Piso, le consul de 58, devinrent censeurs en 50[1]. Bien que la guerre civile mît fin prématurément à leur magistrature, ils eurent néanmoins le temps d’accomplir la lectio senatus au cours de laquelle nous savons que Salluste et C. Ateius Capito, le tribun de 55, furent exclus du Sénat[2]. Avant de développer ces cas célèbres, Dion Cassius nous indique que Claudius décida de chasser du Sénat tous les fils d’affranchi ce qui est confirmé, non sans une certaine ironie, par Horace[3]. Le droit des fils d’affranchi d’entrer au Sénat est une source de débats entre historiens et l’était déjà, vraisemblablement, entre Romains. P. Willems pensait que les discours sur la disparition de la tache servile uniquement deux générations après l’affranchissement exprimaient l’opinion de la nobilitas. Or celle-ci avait confisqué, ou peu s’en faut, la censure tout au long de la République et avait donc été libre d’appliquer ce principe[4]. Pourtant force est de constater que des fils d’affranchi apparaissent parfois dans nos sources comme membres du Sénat à l’instar de P. Popilius, exclu justement en 70[5]. S. Treggiari reprit cette hypothèse et affirma que si, en réalité, aucune règle n’interdisait aux fils d’affranchi de briguer une magistrature et d’entrer au Sénat, les censeurs étaient cependant libres de les refuser ou de les expulser en s’appuyant sur leur origine servile[6]. Ainsi, en 50, Ap. Claudius, en décidant d’exclure les fils d’affranchi, reprenait le discours traditionnel de la nobilitas, dont il était un des meilleurs représentants, et réaffirmait une certaine conception du rang sénatorial. Bien qu’il n’incarnât pas l’idéal de vertu[7], peut-être voulait-il par une sévère censure s’en approcher.
[1] Sur la censure d’Ap. Claudius Pulcher et L. Calpurnius Piso Caesoninus en 50 : MRR, 2, p. 247-248 et Suolahti 1963, p. 483-490.
[2] Cf. notices n° 31 et 32.
[3] Hor., Sat., 1, 6, 20-22 et D.C., 40, 63, 4.
[4] Willems 1885, 1, p. 183-184.
[5] Cf. notice n° 27.
[6] Treggiari 1969, p. 52-62.
[7] Suolahti 1963, p. 486.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.
Treggiari 1969 : Treggiari S., Roman Freedmen during the Late Republic, Oxford, 1969.
Willems 1885 : Willems P., Le Sénat de la République romaine, Paris, 1885² (2 vol.).