Infames Romani

Soldats de Corbulon confiés à Paccius Orfitus

Numéro
98
Identité
Catégorie
Punitions militaires infamantes
Sous catégorie
Peine humiliante
Date de l'épisode
58
Source
Source

Tac., Ann., 13, 36 : Interim Corbulo legionibus intra castra habitis, donec uer adolesceret, dispositisque per idoneos locos cohortibus auxiliariis, ne pugnam priores auderent praedicit : curam praesidiorum Paccio Orfito primi pili honore perfuncto mandat. Is quamquam incautos barbaros et bene gerendae rei casum offerri scripserat, tenere se munimentis et maiores copias opperiri iubetur. Sed rupto imperio, postquam paucae e proximis castellis turmae aduenerant pugnamque imperitia poscebant, congressus cum hoste funditur. Et damno eius exterriti qui subsidium ferre debuerant sua quisque in castra trepida fuga rediere. Quod grauiter Corbulo accepit increpitumque Paccium et praefectos militesque tendere extra uallum iussit ; inque ea contumelia detenti nec nisi precibus uniuersi exercitus exoluti sunt.


Cependant Corbulon retint ses légions au camp jusqu’à ce que le printemps fût épanoui ; alors, ayant réparti les cohortes auxiliaires sur des positions propices, il leur recommande de ne pas prendre l’initiative de hasarder le combat. Il confie le commandement de ces postes à l’ancien primipile Paccius Orfitus. Celui-ci eut beau écrire que la négligence des barbares offrait l’occasion de remporter un succès, on lui enjoint de rester dans ses retranchements et d’attendre de plus grandes forces. Mais il enfreignit cet ordre et, comme un petit nombre d’escadrons, arrivés des forts voisins, réclamaient imprudemment le combat, il attaque l’ennemi, qui le met en déroute. Sa défaite épouvanta ceux qui auraient dû lui porter secours et qui regagnèrent chacun son camp par une fuite précipitée. Cette nouvelle indisposa vivement Corbulon, qui réprimanda Paccius, les préfets et les soldats et qui leur donna l’ordre de camper hors du retranchement ; ils endurèrent cette humiliation et n’en furent relevés qu’à la prière de toute l’armée (trad. P. Wuilleumier et J. Hellegouarc’h, CUF).

Notice
Notice

Au tout début de sa campagne arménienne, au printemps 58[1], Cn. Domitius Corbulon, après avoir restauré une discipline de fer dans ses légions[2], connut un premier échec. Un commandant de garnison, Paccius Orfitus, passa outre son ordre, attaqua l’ennemi et fut mis en fuite. La faute et l’humiliation qui en découla ne pouvaient rester impunies après les mois passés à rétablir l’ordre dans les troupes orientales. Aussi Corbulon ordonna-t-il aux fuyards de camper hors du retranchement. Cette peine infamante s’inscrivait dans le prolongement des mesures d’aguerrissement des troupes prises auparavant. Elle stigmatisait également ces soldats couards par l’exclusion symbolique du camp et de ce qu’il représentait[3]. Hommes du rang et officiers, ainsi que Paccius[4] furent châtiés. En revanche, il s’agit du seul exemple où la sanction fut levée precibus uniuersi exercitus. Corbulon eut donc à arbitrer entre la rigueur de la discipline et sa popularité au sein de son armée. On constate ainsi l’importance de l’interaction entre la troupe et son chef dans l’exercice de la discipline. Ce dernier, lorsqu’il châtiait des soldats fautifs, actualisait bien souvent leur mauvaise réputation acquise auprès du reste de l’armée par leur conduite indigne.






[1] Heil 1997, p. 86-100.


[2] Tac., Ann., 13, 35.


[3] Cf. Bur 2018, chapitre 1.3.1.


[4] Cf. notice n° 105.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Heil 1997 : Heil M., Die orientalische Außenpolitik des Kaisers Nero, 1997.


Clément Bur, Infames Romani n°98, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le