Infames Romani

M. Aemilius M. f. M. n. Scaurus [141]

Numéro
164
Identité
Catégorie
Procédures judiciaires
Sous catégorie
Condamnés de ambitu
Date de l'épisode
-53
Références prosopographiques

E. Klebs, RE, 1/1, 1893, col. 588-590, n° 141 s. v. Aemilius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 1, 1997, col. 183, [I 38] ; Malcovati, ORF4, p. 431-433, n° 139 ; Henderson 1958 ; Shatzman 1975, p. 290-292, n° 81 ; Crawford 1984, p. 198-201, n° 66 ; David 1992, p. 815-816 ; Alexander 1990, p. 156-157, n° 319 ; DPRR n° AEMI2262.

Attention ! La date de la condamnation est approximative.

Source
Source

Cic., Att., 4, 17, 5 (1er octobre 54) = Shackleton Bailey, CLA, n° 91 : Quid quaeris aliud ? iudicia, credo. Drusus, Scaurus non fecisse uidentur. Tres candidati rei fore putabantur, Domitius a Memmio, Messalla a Q. Pompeio Rufo, Scaurus a Triario aut a L. Caesare. « Quid poteris » inquies « pro iis dicere ? » ne uiuam <si> scio.


De quoi veux-tu que je te parle encore ? Des procès, sans doute. Drusus, Scaurus sont considérés comme innocents. Trois candidats, croit-on, seront accusés : Domitius par Memmius, Messalla par Q. Pompeius Rufus, Scaurus par Triarius ou par L. César. Tu vas me demander : « Que pourras-tu dire pour leur défense ? » Je veux bien mourir si je le sais ! (trad. L.‑A. Constans, CUF).


 


Cic., Q. F., 3, 2, 3 (11 octobre 54) = Shackleton Bailey, CLQ, n° 22 : De ambitu postulati sunt omnes qui consulatum petunt, a Memmio Domitius, a Q. Acutio, bono et erudito adulescente, Memmius, a Q. Pompeio Messalla, Triario Scaurus.


Tous ceux qui sont candidats au consulat ont été accusés de brigue : Domitius par Memmius, Memmius par Q. Acutius, jeune homme de mérite et fort instruit, Messalla par Q. Pompée, Scaurus par Triarius (trad. L.‑A. Constans, CUF).


 


Cic., Off., 1, 138 : Cn. Octauio, qui primus ex illa familia consul factus est, honori fuisse accepimus, quod praeclaram aedificasset in Palatio et plenam dignitatis domum, quae cum uulgo uiseretur, suffragata domino, nouo homini, ad consulatum putabatur. Hanc Scaurus demolitus accessionem adiunxit aedibus. Itaque ille in suam domum consulatum primus attulit, hic, summi et clarissimi uiri filius, in domum multiplicatam non repulsam solum rettulit, sed ignominiam etiam et calamitatem.


Cn. Octavius qui, le premier, devint consul dans cette famille, retira du prestige, nous l’avons appris, du fait qu’il avait construit sur le Palatin une brillante demeure, pleine de dignité : contemplée par la foule, elle avait soutenu, pensait-on, la candidature de son maître, un homme nouveau, au consulat. Scaurus la démolit et ajouta une construction à sa demeure. C’est ainsi que celui-là fit entrer, le premier, le consulat dans sa maison, tandis que celui-ci, fils d’un homme éminent et fort illustre, ne rapporta pas seulement l’échec dans sa maison agrandie, mais encore l’infamie et la ruine (trad. M. Testard, CUF).


 


Quint., Inst. Or., 4, 1, 69 : Cicero pro Scauro ambitus reo (quae causa est in commentariis ; nam bis eundem defendit), prosopopoeia loquentis pro reo utitur ; pro Rabirio uero Postumo eodemque Scauro reo repetundarum etiam exemplis.


Cicéron, défendant Scaurus, qui était accusé de brigue (le plaidoyer figure dans ses brouillons ; car il l’a défendu deux fois) recourt à une prosopopée, et fait parler quelqu’un en faveur de l’accusé ; défendant Rabirius Postumus, et le même Scaurus, qui était prévenu de concussion, il se sert aussi d’exemples (trad. J. Cousin, CUF).


 


App., BC, 2, 24 : Ὑψαῖος δὲ καὶ Μέμμιος καὶ Σέξστος καὶ ἕτεροι πλείονες ἐπὶ δωροδοκίαις ἢ πλήθους δεκασμῷ. Σκαῦρον δὲ τοῦ πλήθους παραιτουμένου ἐκήρυξεν ὁ Πομπήιος ὑπακοῦσαι τῇ δίκῃ· καὶ πάλιν τοῦ δήμου τοὺς κατηγόρους ἐνοχλοῦντος, σφαγή τις ἐκ τῶν Πομπηίου στρατιωτῶν ἐπιδραμόντων ἐγένετο, καὶ ὁ μὲν δῆμος κατεσιώπησεν, ὁ δὲ Σκαῦρος ἑάλω. Kαὶ πάντων φυγὴ κατέγνωστο, Γαβινίου δὲ καὶ δήμευσις ἦν ἐπὶ τῇ φυγῇ.


puis Hypsaeus, Memmius et Sextus, et bien d’autres, [furent condamnés] pour corruption et brigue auprès du petit peuple. Comme le petit peuple intercédait en faveur de Scaurus, Pompée fit proclamer qu’on s’en tiendrait à la sentence ; et comme la plèbe recommençait à s’opposer aux accusateurs, suite à une charge des soldats de Pompée, il y eut quelques égorgés, la plèbe garda le silence et Scaurus fut reconnu coupable. En outre, tous furent condamnés à l’exil, et Gabinius, en plus de l’exil, à la confiscation de ses biens (trad. J.-I. Combes-Dounous, La Roue à Livres).

Notice
Notice

Fils de M. Aemilius Scaurus, le consul de 115, censeur de 109 et prince du Sénat[1], le tout jeune M. Aemilius Scaurus remporta un brillant succès en 78 en obtenant la condamnation de repetundis de Cn. Cornelius Dolabella[2]. Son mérite était d’autant plus éclatant qu’il vengeait alors son père de celui qui, sans succès, l’avait accusé de repetundis en 92-91[3]. Questeur en 66, il devint édile curule en 58 et préteur en 56[4]. Le sort lui échut la province de Sardaigne et il fut accusé à son retour de repetundis, mais, grâce à la défense de Cicéron et au soutien de nombreux amis, dont Pompée, il fut acquitté[5].


Peu après pourtant, dès octobre 54 comme en témoignent deux lettres de Cicéron, il fut poursuivi de ambitu à propos de sa candidature au consulat de 53[6]. Si Cicéron signale ailleurs sa condamnation par les termes ignominia et calamitas, seul le récit d’Appien permet de la dater[7]. L’historien grec la rapporte en effet parmi les condamnations d’après la nouvelle loi Pompeia de ambitu de 52. Une majorité d’historiens suivent Appien et interprètent cela comme une condamnation e lege Pompeia provoquant son exil définitif[8]. Toutefois, si M. C. Alexander doute de la loi d’après laquelle Scaurus fut condamné[9], J. W. Crawford, suivie par C. Carsanna, fait remarquer que se pose la question de savoir s’il y eut deux procès, en 54 et 52 grâce à la clause de rétroactivité de la lex Pompeia, ou si la procédure s’étendit de 54 à 52[10]. S’appuyant sur l’impossibilité d’un second jugement après un acquittement, toutes deux trouvent plus probable que le procès fût anormalement long, en raison sans doute des troubles qui secouaient alors la République. Cependant, elles proposent également une troisième solution selon laquelle Appien aurait décalé le procès afin de renforcer l’impression que la loi de Pompée provoqua de nombreuses condamnations. Ainsi, dans les deux cas, Scaurus aurait été condamné d’après la lex Tullia de ambitu. Comme celle-ci prévoyait un exil de dix ans, et que la guerre civile éclata peu après, une confusion avec une accusation e lege Pompeia était facile à commettre, d’autant plus que la condamnation fut enlevée lorsque Pompée abandonna Scaurus, ce qui semblait rappeler le contexte de 52.


Outre le bannissement temporaire de Rome et de l’Italie, Scaurus fut exclu du Sénat et devint inéligible à vie en accord avec loi que Cicéron avait fait voter en 63[11]. On ne sait ce qu’il devint ensuite et s’il revint à Rome au terme des dix années d’exil où l’attendait une situation d’infamie. Son fils n’est connu que pour avoir combattu auprès d’Antoine[12]. J.-M. David attribue cela au « discrédit » jeté sur la famille par la condamnation de 52, mais il faut aussi souligner que Scaurus connut de grandes difficultés financières l’obligeant à vendre sa maison sur le Palatin fin 53, peut-être pour payer l’amende prévue par la loi Tullia[13]. Si tel était le cas, cela serait un nouvel indice en faveur d’une datation du procès antérieure à la loi Pompeia. En revanche le petit-fils de Scaurus, Mam. Aemilius Scaurus, devint consul suffect en 21 après J.-C.[14].






[1] E. Klebs, RE, 1/1, 1893, col. 584-588, n° 140 s. v. Aemilius ; K.-L. Elvers, Neue Pauly, 1, 1997, col. 182-183 [I 37].


[2] Voir Alexander 1990, p. 69, n° 135 pour les sources sur ce procès. Cf. notice n° 139.


[3] Voir Alexander 1990, p. 50-51, n° 96 pour les sources sur ce procès.


[4] MRR, 2, p. 153 ; 195 et 208 et 3, p. 12.


[5] Voir Alexander 1990, p. 143-144, n° 295 et David 1992, p. 816 n. 5 pour les sources et la bibliographie sur ce procès.


[6] Cic., Att., 4, 17, 5 (1er octobre 54) = Shackleton Bailey, CLA, n° 91 et Q. F., 3, 2, 3 (11 octobre 54) = Shackleton Bailey, CLQ, n° 22.


[7] Cic., Off., 1, 138 et App., BC, 2, 24.


[8] Ainsi citons entre autres Zumpt 1871, p. 551 ; Henderson 1958, p. 204 ; Gruen 1974, p. 348 ; David 1992, p. 816.


[9] Alexander 1990, p. 156 : « charge : lex (Pompeia ?) de ambitu ».


[10] Crawford 1984, p. 199-200 et Carsanna 2007, p. 106.


[11] Cf. Bur 2018, chapitre 11.5.


[12] E. Klebs, RE, 1/1, 1893, col. 590, n° 142 s. v. Aemilius ; E. Groag, PIR², A 405.


[13] Ascon., p. 32 C. Shatzman 1975, p. 291 lie cette vente à la condamnation et aux dettes qu’aurait faite Scaurus, sans parler pour autant d’une amende.


[14] P. von Rohden, RE, 1/1, 1893, col. 583-584, n° 139 s. v. Aemilius ; E. Groag, PIR², A 404 ; W. Eck, Neue Pauly, 1, 1997, col. 185 [II 14] ; Degrassi 1952, p. 8.

Bibliographie
Bibliographie

Alexander 1990 : Alexander M. C., Trials in the late Roman Republic, 149 BC to 50 BC, Toronto, 1990.


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Carsanna 2007 : Carsanna C., Commento storico al libro II delle Guerre Civili di Appiano, Pavie, 2007.


Crawford 1984 : Crawford J. W., M. Tullius Cicero : The Lost and Unpublished Orations, Göttingen, 1984.


David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.


Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.


Henderson 1958 : Henderson C., « The Career of the younger M. Aemilius Scaurus », CJ, 1958, 53, p. 194‑206.


Malcovati, ORF4 : Malcovati H., Oratorum Romanorum fragmenta Liberae rei publicae, I, Textus, Turin, 19534.


Shackleton Bailey, CLA : Shackleton Bailey D. R., Cicero’s letters to Atticus, Cambridge, 1965-1970 (7 vol.).


Shackleton Bailey, CLQ : Shackleton Bailey D. R., Cicero : Epistulae ad Quintum fratrem et M. Brutum, Cambridge, 1980.


Shatzman 1975 : Shatzman I., Senatorial wealth and Roman politics, Bruxelles, 1975.


Zumpt 1871 : Zumpt A. W., Der Criminalprocess der römischen Republik, Leipzig, 1871.


Clément Bur, Infames Romani n°164, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le