M. Valerius Messala : F. Münzer, RE, 8A/1, 1955, col. 128, n ° 253 s. v. Valerius ; T. Schmitt, Neue Pauly, 12/1, 2002, col. 1100, [I 36] ; Suolahti 1963, p. 387-388, n° 134 ; DPRR n° VALE1460.
M. Valerius - f. - n. Messala Niger : F. Münzer, RE, 8A/1, 1955, col. 162-165, n° 266 ; C. Müller, Neue Pauly, 12/1, 2002, col. 1100-1103, [I 39] ; Suolahti 1963, p. 477‑478, n° 172 ; Sumner 1973, p. 131, n° 196 ; David 1992, p. 849 ; DPRR n° VALE2107
Attention ! Datation de l'épisode : IIe siècle ou 70 avant J.-C. ?
Val. Max., 2, 9, 9 : Secuntur duo eiusdem generis exempla, eaque adiecisse satis erit. <C.> Geta, cum a L. Metello et Cn. Domitio censoribus senatu motus esset, postea censor factus est. Item M. Valerius Messala censoria nota perstrictus censoriam postmodum potestatem impetrauit. Quorum ignominia uirtutem acuit : rubore enim eius excitati omnibus uiribus incubuerunt, ut digni ciuibus uiderentur, quibus dari potius quam obici censura deberet.
Suivent deux exemples du même genre et il suffira de les ajouter ici. <C.> Geta que les censeurs L. Metellus et Cn. Domitius avaient chassé du Sénat, devint pourtant censeur par la suite. De même M. Valerius Messala qu’une sanction des censeurs avait frappé accéda ensuite au pouvoir de la censure. Le déshonneur qu’ils en avaient subi accrut leur vigueur. Car la honte qu’ils en éprouvèrent les poussa à consacrer toutes leurs forces à montrer à leurs concitoyens qu’ils méritaient qu’on leur confiât la censure plutôt que de les exposer à ses appréciations (trad. R. Combès, CUF).
Fest., p. 360 L. :
M. Vale<rius Messala, C. Cassius Lon->
ginus censores q. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
tia fuerat famosu . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
in Capitolio in ara . . . . . . . . . . . . . . . . . .
tam ficum, infamesque . . . . . . . .< sine >
ullo pudicitiae respe<ctu> . . . . . . . . . . .
L. Corneli Lentuli C. < Censorini > . . . .
Lentulus iudicio pub<lico . . . . . . . . . . . .
fuerat.
Paris, 2, 9, 9 : M. Valerius Messala, censoria nota perstrictus, censoriam postmodum potestatem inpetrauit.
M. Valerius Messala, frappé par la note des censeurs, parvint ensuite à la puissance censoriale.
Le passage de Valère Maxime rapportant le destin exceptionnel de M. Valerius Messala qui, autrefois noté par les censeurs, avait pourtant réussi à revêtir lui-même la censure[1], ne fournit pas d’informations suffisantes pour déterminer si le Messala en question était le censeur de 154[2] ou celui de 55[3].
Le premier M. Valerius Messala, préteur au plus tard en 164[4] et consul en 161[5], était né dans une puissante famille patricienne et pouvait bénéficier de l’appui de son père, consul en 188[6], pour sa carrière. Personnalité effacée, J. Suolahti considère qu’il dut d’être élu censeur grâce au manque de candidats patriciens à cette époque et au renom de sa famille illustrée de nombreux consulats[7]. F. Münzer le jugeait insignifiant et lui attribuait la responsabilité de la disparition de la gens durant les deux générations suivantes[8]. Lors de sa censure, Messala et son collègue, C. Cassius Longinus, voulurent édifier un théâtre en pierre mais Scipion Nasica s’y opposa avec succès[9]. Ainsi, la seule anecdote dans laquelle notre personnage apparaît lui fait jouer le mauvais rôle, celui du vaincu qui avait voulu bouleverser le mos maiorum alors même qu’il était censeur, c’est-à-dire son gardien[10].
L’arrière-petit-fils de Messala, M. Valerius Messala Niger, né vers 105-104[11], qui pouvait s’appuyer également sur le prestige ancien de sa famille, accomplit un cursus conforme à sa naissance[12]. Deux fois tribun militaire avant 73[13], il fut questeur cette année-là[14], préteur urbain en 64[15], consul en 61[16] avant de devenir censeur en 55[17] et même interrex en 55, 53 et 52[18]. Niger est à bien des égards d’une autre envergure que son ancêtre, comme en témoignent ses trois interrègnes alors que Rome sombrait dans le chaos. Cicéron, qui était certes son ami, en fait l’éloge à plusieurs reprises[19].
Confrontés à ces deux personnages, les historiens ont émis des avis divers, comme P. Willems qui identifiait notre personnage au censeur de 154[20] tandis que E. S. Gruen préférait Niger[21], ou ils n’ont pas pris parti comme F. Münzer et J. Suolahti. Ce dernier, prudemment, datait l’exclusion de 174 ou 169 pour le consul de 161, c’est-à-dire au début de sa carrière et lors de censures sévères, et de 70 pour Niger, soit parmi les 64 exclus et juste après sa questure qui devait le faire entrer au Sénat[22]. Plusieurs indices pourraient pourtant faire pencher la balancer en faveur de Niger. D’abord le récit de Valère Maxime pourrait être ordonné de façon chronologique et Niger qui fut censeur après Geta[23] conviendrait mieux. Ensuite, plusieurs exclus de 70, à l’instar d’Hybrida ou de Sura[24] purent continuer leur carrière malgré la note censoriale tandis qu’au milieu du IIe siècle celle-ci semblait bien souvent y mettre un terme. D’ailleurs, une questure en 70 suggérerait plutôt une praeteritio qu’une exclusion et serait donc moins humiliante[25]. Enfin, F. X. Ryan a suggéré que son second tribunat militaire aurait pu être exercé en 68 afin d’effacer l’humiliation subie[26].
Cependant, un passage de Festus[27] offre un argument de poids en faveur du censeur de 154. De la première ligne nous n’avons conservé que M. Vale…et de la deuxième –ginus censores…. Or les seuls censeurs convenant à ces fragments de noms seraient ceux de 154, M. Valerius Messala et C. Cassius Longinus. Dans les lignes qui suivent, il apparaît que l’un des deux était famosus, ce qui pourrait s’appliquer à Messala qui avait reçu une nota lors d’une censure précédente. Enfin, la suite du texte se rapporte vraisemblablement à L. Cornelius Lentulus Lupus qui avait été condamné de repetundis et malgré cela élu censeur de 147[28]. L’ensemble du paragraphe pourrait se rapporter à des censeurs qui, au milieu du IIe siècle, avaient été élus bien qu’ils eussent commis des fautes graves. Toutefois, la personnalité du consul de 161 s’accorderait mal avec les efforts qu’il aurait fallu déployer afin de regagner la dignité perdue. Enfin, s’il avait bien été exclu du Sénat par les censeurs, nous comprendrions mal son choix d’innover en construisant un théâtre de pierre qui risquait de réveiller les vieilles accusations lui ayant valu un blâme une vingtaine d’années plus tôt. Aussi le texte de Festus ne permet pas selon nous de résoudre la difficulté.
Nous n’avons aucune information sur le motif dans les deux cas pouvant nous aider. Et, puisque chacun parvint à la censure après avoir reçu la nota, ce qui est l’objet du récit de Valère Maxime, la carrière des descendants, discrète pour les enfants de Messala[29] mais brillante pour Niger[30], n’est pas non plus déterminante.
En conclusion, il nous paraît impossible de trancher entre les deux possibilités. Retenons simplement qu’un M. Valerius Messala reçut une nota et devint malgré cela censeur quelques années plus tard, en 154 ou en 55.
[1] Val. Max., 2, 9, 9. Les abréviateurs donnent exactement le même texte.
[2] MRR, 1, p. 149 ; Suolahti 1963, p. 387-388, n° 134.
[3] MRR, 2, p. 215 ; Suolahti 1963, p. 477‑478, n° 172.
[4] MRR, 1, p. 439.
[5] MRR, 1, p. 443.
[6] F. Münzer, RE, 8A/1, 1955, col. 126-127, n ° 252 s. v. Valerius ; T. Schmitt, Neue Pauly, 12/1, 2002, col. 1100, [I 35].
[7] Suolahti 1963, p. 388.
[8] F. Münzer, RE, 8A/1, 1955, col. 128, n ° 253 s. v. Valerius.
[9] Liv., Perioch., 48 ; Val. Max., 2, 4 2 ; Vell., 1, 15, 3 ; App. BC, 1, 28 et Oros., Hist., 4, 21, 4.
[10] Certes Velleius Paterculus et Appien attribuent à Cassius l’initiative de la construction, mais Messala fut humilié parce qu’il s’y associait tacitement et que ce fut Nasica qui dut intervenir pour protéger les mœurs du peuple Romain.
[11] Sumner 1973, p. 131.
[12] Sa carrière est bien connue grâce à CIL, 1², p. 201 = 6, 3826 = Dessau, ILS, 46.
[13] MRR, 2, p. 482.
[14] MRR, 2, p. 110.
[15] MRR, 2, p. 162.
[16] MRR, 2, p. 178.
[17] MRR, 2, p. 215.
[18] MRR, 2, p. 217, 229 et 237.
[19] David 1992, p. 849.
[20] Willems 1885, 1, p. 386.
[21] Gruen 1974, p. 134.
[22] Suolahti 1963, p. 387 et 478.
[23] Cf. notice n° 14.
[24] Cf. notices n° 20 et 22.
[25] Sur la praeteritio, voir Bur 2018, chapitre 4.2.
[26] Ryan 2006, p. 41-42. Cet argument est toutefois relativement faible. Le tribunat militaire était une magistrature trop insignifiante, le briguer permettait au mieux de relancer, sans difficulté, la carrière. En cela, Niger aurait fait preuve de pusillanimité puisque lui, un patricien issu d’une illustre lignée, aurait craint de poursuivre le cursus honorum au contraire de C. Antonius Hybrida, Q. Curius ou Ti. Gutta (cf. notices n° 20, 23 et 25). En outre, il est tout à fait possible que les deux tribunats militaires furent revêtus avant la questure : en ce sens MRR, 2, p. 482.
[27] Fest., p. 360 L.
[28] Cf. notice n° 134.
[29] Voir F. Münzer, RE, 8A/1, 1955, col. 125-126, n° 248 s. v. Valerius.
[30] Ses fils seraient M. Valerius Messala Corvinus, consul en 31 et M. Valerius Messala Potitus, consul en 29 : cf. l’arbre généalogique des Valerii Messala de R. Hanslik, RE, 8A/1, 1955, col. 143-46 ; voir pour Corvinus : R. Hanslik, RE, 8A/1, 1955, col. 131-159, n° 261 et W. Eck, Neue Pauly, 12/1, 2002, col. 1109-1110, [II 16] ; et pour Potitus : R. Hanslik, RE, 8A/1, 1955, col. 165-166, n° 267 s. v. Valerius.
Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.
David 1992 : David J.-M., Le Patronat judiciaire au dernier siècle de la République romaine, Rome, 1992.
Gruen 1974 : Gruen E. S., The Last Generation of the Roman Republic, Berkeley, 1974.
Ryan 2006 : Ryan F. X., « The Career of M. Valerius M. F. M’. N. Messalla », Epigraphica, 2006, 68, p. 39-43.
Sumner 1973 : Sumner G. V., The Orators in Cicero’s Brutus, Toronto, 1973.
Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.
Willems 1885 : Willems P., Le Sénat de la République romaine, Paris, 1885² (2 vol.).