Infames Romani

Sénateur avare

Numéro
42
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Eviction du Sénat
Date de l'épisode
37
Références prosopographiques

Attention ! L'épisode eut lieu sous le règne de Tibère.

Source
Source

Suet., Tib., 35, 4 : Senatori latum clauum ademit, cum cognosset sub Kal. Iul. demigrasse in hortos, quo uilius post diem aedes in urbe conduceret.


Il [Tibère] ôta le laticlave à un sénateur, parce qu’il avait appris qu’il était allé loger à la campagne vers les calendes de juillet, afin de louer à meilleur compte une maison à Rome, ce terme une fois passé (trad. H. Ailloud, CUF).

Notice
Notice

Ce sénateur économe est l’un des rares anonymes parmi les exclus du Sénat attestés dans nos sources. L’épisode est rapporté par Suétone[1] alors qu’il énumère plusieurs actions de Tibère au début de son règne et se situe immédiatement après la prise du sénatus-consulte de Larinum daté de 19[2]. Bien que rien ne permette de conclure que les faits exposés dans ce chapitre soient présentés de manière chronologique, cela reste cependant possible et, dans ce cas, l’affaire se situerait après 19 et sans doute avant le départ du Prince à Capri en 26.


L’exclusion fut réalisée par Tibère lui-même comme l’indiquent la syntaxe et l’emploi du verbe adimere, rappelant le vocabulaire censorial[3]. Constatant le comportement de ce sénateur, ou bien alerté sur celui-ci, Tibère le chassa du Sénat ou le força à se retirer soit lors d’une révision annuelle soit lors d’une lectio senatus plus traditionnelle qui n’aurait laissé aucune trace[4]. La première option nous semble plus probable et fournirait un exemple de dégradation provoquée par un comportement scandaleux lors de la revue de l’album senatus. Suétone utilise ici une périphrase qui désigne une exclusion de l’ordre sénatorial mais il ne s’agit que d’un effet de style : notre personnage fut chassé du Sénat et de l’ordre sénatorial sans être pour autant autorisé à entrer dans l’ordre équestre[5].


Le motif de la sanction dénote peut-être une certaine sévérité de Tibère qui expliquerait que la tradition ait retenu l’anecdote. En effet, le Prince reprochait à ce sénateur de s’installer dans ses jardins début juillet pour faire des économies. Le 1er juillet marquait le premier jour des baux[6] aussi en arrivant après la ruée vers les locations, le sénateur espérait abaisser son loyer de façon substantielle[7]. Il est surprenant que l’empereur qui avait radié cinq sénateurs parce qu’ils ne possédaient plus le cens requis[8] en ait sanctionné un autre parce qu’il tachait de réduire son loyer. En agissant de la sorte, il révélait une mesquinerie indigne d’un sénateur, dont la fortune devait mettre à l’abri de ce genre de conduite. En outre, peut-être que Tibère l’accusait de préférer l’argent aux charges incombant à son ordre puisqu’une telle manœuvre l’empêchait d’assister aux séances du Sénat. Le plus important reste, à notre avis, que le procédé était exagéré. Les économies réalisées n’étaient pas suffisamment importantes pour le désigner comme un bon pater familias, gérant scrupuleusement son patrimoine, mais signalaient plutôt l’excès d’avarice dont il faisait preuve. Or les Romains étaient sensibles aux thèmes de la maîtrise de soi et de la tempérance et condamnaient les conduites excessives.


En conclusion, Tibère exclut du Sénat un personnage qui, en voulant économiser sur son loyer, montrait une avarice outrancière et s’abaissait par conséquent à des pratiques incompatibles avec son rang.






[1] Suet., Tib., 35, 2 qui l’appelle seulement senator ce qui rend indéniable son appartenance au Sénat.


[2] Voir Levick 1983 et Moreau 1983.


[3] Adimere equum est l’expression souvent utilisée pour le retrait du cheval public cf. Bur 2018, chapitre 4.3.1.


[4] Cf. Bur 2018, chapitre 65.2.2.


[5] Mommsen 1889-1896, 6/2, p. 60. Cf. Bur 2018, chapitre 6.3.


[6] Frier 1980, p. 34 avec les sources dans la n. 45.


[7] Frier 1980, p. 39.


[8] Cf. notices n° 35-39.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Frier 1980 : Frier B. W., Landlords and Tenants in Imperial Rome, Princeton, 1980.


Levick 1983 : Levick B., « The senatus consultum from Larinum », JRS, 1983, 73, p. 97-115.


Mommsen 1889-1896 : Mommsen T., Le Droit public romain, Paris, 1889-1896 (8 vol.).


Moreau 1983 : Moreau P., « À propos du sénatus-consulte épigraphique de Larinum », REL, 61, 1983, p. 36-48.


Clément Bur, Infames Romani n°42, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le