Infames Romani

Légion de Curio

Numéro
91
Identité
Catégorie
Punitions militaires infamantes
Sous catégorie
Peine humiliante
Date de l'épisode
-76
Source
Source

Front., Strat., 4, 1, 43 : C. Curio consul bello Dardanico circa Dyrrachium, cum ex quinque legionibus una seditione facta militiam detractasset securturamque se temeritatem ducis in expeditionem asperam et insidiosam negasset, quattuor legiones eduxit armatas et consistere ordinibus detectis armis uelut in acie iussit. Post hoc seditiosam legionem inermem procedere discinctamque in conspectu armati exercitus stramenta coegit secare, postero autem die similiter fossam discinctos milites facere, nullisque precibus legionis impetrari ab eo potuit, ne signa eius summitteret nomenque aboleret, milites autem in supplementum ceterarum legionum distribueret.


Le consul C. Curio, durant la guerre de Dardanie, près de Dyrrachium, était confronté à la sédition de l’une de ses cinq légions, qui avait refusé de servir et déclaré qu’elle ne suivrait pas ce général téméraire dans une expédition si pénible et si dangereuse : il fit sortir du camp les quatre autres légions en armes et leur ordonna de former les rangs, les armes à la main comme pour livrer bataille. Il obligea ensuite la légion séditieuse à s’avancer sans armes, à quitter l’uniforme et à faucher la litière pour les chevaux sous les yeux des autres soldats en armes. Le lendemain, il obligea de la même manière les soldats à quitter leur uniforme et à creuser un fossé, et aucune des prières de la légion ne parvint à l’empêcher de lui retirer ses enseignes, d’abolir son nom et d’incorporer ses soldats en renfort dans les autres légions (trad. P. Laederich, Economica).

Notice
Notice

À la fin 76 avant J.-C., le consul C. Scribonius Curio partit en Macédoine pour succéder au proconsul défunt Ap. Claudius[1]. Aussi convient-il de placer l’épisode plutôt lors du proconsulat de Curio, en 75[2]. L’expédition projetée devait amener les Romains jusqu’au Danube, c’est-à-dire en plein territoire barbare. On comprend alors les réticences de certains soldats qui craignaient de risquer leur vie dans une contrée inconnue pour un butin peut-être bien maigre. Alors qu’une légion faisait défection, Curio la châtia sévèrement afin de restaurer la disciplina. Il obligea d’abord les soldats fautifs à accomplir des travaux pénibles et dégradants sous les yeux du reste de l’armée, stigmatisation rappelant l’exposition infligée à certains centurions ou soldats[3]. En effet, le point important résidait dans la distinction entre les soldats loyaux qui restaient en armes et observaient et leurs compagnons séditieux désarmés et occupés à des tâches humiliantes. Curio entendait sans doute donner l’impression d’une troupe surveillant des esclaves en pleine besogne pour l’armée. Cette humiliation dura deux jours et la légion rebelle fut ensuite dissoute dans les quatre autres légions, disparaissant dans une sorte de damnatio memoriae. Bien que le souvenir de la légion s’évanouît, les soldats ayant subi le traitement humiliant imaginé par Curio durent avoir leur nom consigné dans les registres militaires, transmis sans doute aux censeurs, et leurs camarades se rappelaient certainement cet épisode honteux. L’infamie survécut donc à l’abolition de la mémoire décidée avec la suppression de la légion. La dissolution visait en outre à répartir des soldats peu fiables dans des unités jugées plus sûres et ainsi à isoler les rebelles pour éviter toute reprise de la sédition.






[1] MRR, 2, p. 92-93.


[2] MRR, 2, p. 99.


[3] Cf. Bur 2018, chapitre 1.3.1.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Clément Bur, Infames Romani n°91, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le