Infames Romani

Cn. Tremellius C. f. ? [2]

Numéro
11
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Eviction du Sénat
Date de l'épisode
-169
Références prosopographiques

F. Münzer, RE, 6A/2, 1937, col. 2287, n° 2 s. v. Tremellius ; T. Schmitt, Neue Pauly, 14, 1999, col. 888 [1] ; DPRR n° TREM1412.

Source
Source

Liv., 45, 15, 9 (a. 169) : Petentibus, ut ex instituto ad sarta tecta exigenda et ad opera, quae locassent, probanda anni et sex mensum tempus prorogaretur, Cn. Tremellius tribunus, quia lectus non erat in senatum intercessit.


Comme les censeurs demandaient que, pour mener à bon terme, selon l’usage, l’entretien des édifices et vérifier l’exécution des travaux mis en adjudication, on prorogeât leur temps effectif de magistrature au-delà de dix-huit mois, le tribun du peuple Cn. Tremellius, parce qu’il n’avait pas été inscrit parmi les sénateurs, opposa son veto (trad. P. Jal, CUF).

Notice
Notice

Cn. Tremellius est peut-être le fils de C. Tremellius[1], connu uniquement pour avoir été un des decemuiri chargé de la distribution de terres en Ligurie et en Gaule en 173 mais qui pourrait avoir été préteur à une date inconnue[2]. Si tel est bien le cas, nul doute que l’élection de Cn. Tremellius au tribunat en 169[3] fût favorisée par le crédit dont jouissait son père à l’époque. Malgré ses origines semble-t-il prétoriennes, il ne fut pas choisi par les censeurs de 169[4] lors de la lectio senatus[5]. Le terme utilisé par Tite-Live, non legere, désigne clairement le refus de recruter un jeune aristocrate. Les historiens ont naturellement considéré que Cn. Tremellius avait été praeteritus, à juste titre selon nous[6]. P. Willems concluait déjà que Cn. Tremellius devait avoir exercé la questure avant la censure, soit avant 169[7] tandis qu’E. Gabba l’utilisait comme argument pour l’octroi du ius s. d. aux questoriens avant 169[8]. La questure, si elle n’est pas nécessaire[9], est néanmoins probable puisqu’elle donnait une réelle prétention à Cn. Tremellius à entrer au Sénat. Elle expliquerait également sa déception et sa colère manifestée par son opposition, comme tribun, l’année suivante à la prorogation des censeurs. Questorien, Cn. Tremelllius pouvait légitimement aspirer à entrer au Sénat et le refus des censeurs aurait été un affront justifiant sa réaction. Ainsi nous pouvons supposer que Tremellius avait été questeur en 170 au plus tard.


Tite-Live, notre unique source sur cet épisode, ne précise pas le motif invoqué par les censeurs. Cependant, le veto de Cn. Tremellius, posé uniquement par dépit selon l’historien padouan, signifierait que les censeurs avaient préféré à Tremellius un autre jeune aristocrate, voire qu’ils avaient des choses à lui reprocher. Néanmoins, il est impossible de conclure à ce propos même si la sévérité des censeurs est signalée par Tite-Live[10]. Notons seulement que si grief il y avait, ce dernier ne devait pas avoir convaincu le peuple puisqu’il élut Cn. Tremellius au tribunat quelques mois après la lectio (cette tâche était généralement la première accomplie par les censeurs qui entraient en fonction au printemps, soit avant l’élection des tribuns).


Notre personnage a été identifié comme étant également le préteur de 159 qui fut frappé d’une amende à la suite d’une dispute avec le grand pontife et Prince du Sénat, M. Aemilius Lepidus[11]. Nous pouvons tirer deux éléments de cet épisode. Tout d’abord, Cn. Tremellius n’aurait pas souffert du refus des censeurs de 169 puisqu’à peine dix ans plus tard il était préteur. En revanche, l’altercation avec un personnage aussi important que M. Aemilius Lepidus, qui fut nommé princeps senatus pour la sixième fois en 154[12], pourrait révéler un caractère assez fort, voire peu respectueux des anciens et du mos, ce qu’indiquerait Tite-Live par le terme iniuriose. Cette audace, cette flamme qui caractérise la jeunesse aux yeux des Romains était peut-être déjà présente en 169, voire plus grande encore, et aurait pu justifier le refus de le recruter au Sénat[13].


Cn. Tremellius, de père vraisemblement prétorien et lui-même questorien, avait de bonnes raisons d’espérer entrer au Sénat en 169 mais les censeurs ne le recrutèrent pas, lui reprochant peut-être son caractère trop ardent. Bien que cet épisode fût honteux, il fut élu peu après au tribunat et parvint dix ans plus tard à la préture. Nous ne lui connaissons cependant aucun fils ou descendant.




[1] F. Münzer, RE, 6A/2, 1937, col. 2287, n° 1.


[2] MRR, 1, p. 409-410. La préture est inférée par T. R. S. Broughton de l’ordre des decemuiri donné par Liv., 42, 4, 3-4.


[3] MRR, 1, p. 428 ; Niccolini 1934, p. 127.


[4] C. Claudius Pulcher et Ti. Sempronius Gracchus : MRR, 1, p. 423-424 et Suolahti 1963, p. 371-376.


[5] Liv., 45, 15, 9.


[6] L’ambivalence du terme est cependant reprise par certains comme Suolahti 1963, p. 375-376 ou Scullard 1973, p. 205. Cf. Bur 2018, chapitre 4.2.


[7] Willems 1885, 1, p. 385.


[8] Gabba 1955, p. 222.


[9] Rich 1976, p. 128-137.


[10] Liv., 43, 15, 6 dit que « septem de senatu eiecti sunt », chiffre assez élevé, puis, en 43, 16, 1 il caractérise la recognitio equitum d’aspera.


[11] Liv., Perioch., 47, 1. L’identification avait été affirmée par F. Münzer, RE, 6A/2, 1937, col. 2287, n° 2 s. v. Tremellius et suggérée prudemment par Niccolini 1934, p. 127.


[12] Liv., Perioch., 48, 11.


[13] La censure fut marquée par une action pour résoudre la crise du recrutement : Liv., 43, 14, 5-9 et 15, 7-8. Nous pourrions donc également envisager que le motif de l’éviction de Tremellius fût lié à ces questions.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Gabba 1955 : Gabba E., « Note Appianee », Athenaeum, 1955, 33, p. 218-230 (= Id., Esercito e società nella tarda repubblica romana, Florence, 1973, p. 537-546) (pagination dans la 1ère édition).


Niccolini 1934 : Niccolini G., I Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934.


Rich 1976 : Rich J., Declaring War in the Roman Republic in the Period of Transmarine Expansion, Bruxelles, 1976.


Scullard 1973 : Scullard H. H., Roman Politics : 220-150 B.C., Oxford, 1973².


Suolahti 1963 : Suolahti J., The Roman censors : a study on social structure, Helsinki, 1963.


Willems 1885 : Willems P., Le Sénat de la République romaine, Paris, 1885² (2 vol.).


Clément Bur, Infames Romani n°11, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le