Infames Romani

Chevaliers usuriers

Numéro
66
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Retrait du cheval public
Date de l'épisode
-18
Source
Source

Suet., Aug., 39 : notauitque aliquos, quod pecunias leuioribus usuris mutuati grauiore faenore collocassent.


et il [Auguste] nota quelques-uns pour avoir placé à un taux usuraire des sommes qu’ils s’étaient fait prêter à faible intérêt (trad. H. Ailloud, CUF, modifiée).

Notice
Notice

Lors d’un examen de l’ordre équestre, Auguste blâma des chevaliers parce qu’ils avaient prêté des sommes qu’eux-mêmes avaient empruntées en tirant profit de l’écart entre les taux d’intérêt[1]. L’épisode a été bien étudié par S. Demougin et nous reprenons ses conclusions[2]. La dégradation eut lieu très probablement lors de la véritable recognitio equitum accomplie en 18 par Auguste, doté des pouvoirs censoriaux et assisté d’une commission de dix sénateurs pour cette tâche[3]. Nous ne disposons malheureusement d’aucune information pour identifier les chevaliers mais les motifs de blâme, la procédure et la dégradation infligée nous sont indiqués par Suétone.


Si le prêt d’argent était très largement pratiqué par les ordres supérieurs[4], l’usure était, en revanche, généralement décriée[5]. Comme bien souvent à Rome, tout était une question de degré. Il était acceptable de se livrer aux prêts à intérêt à condition de ne pas vivre uniquement de cela et de ne pas réclamer des taux trop élevés. Nos chevaliers avaient prêté de l’argent qu’ils avaient emprunté, ce qui, là encore, était une activité répandue dans les milieux aristocratiques[6]. Auguste leur reprocha cependant d’avoir exigé un taux bien trop haut, qualifié de grauiore par Suétone[7]. Ainsi la faute était la féroce âpreté au gain de ces chevaliers symbolisée par le taux usuraire. Auguste condamnait une pratique qui ne convenait pas à des membres du second ordre de la cité et voulait vraisemblablement moraliser également la vie financière[8].


Dans les lignes qui précédent, Suétone décrit la manière dont le Prince châtia les chevaliers. Il parle ainsi de poena, de ignominia notare et d’admonitio. Pour nos usuriers, le verbe qui introduit son récit est notare, sans autre précision. Le terme renvoie très certainement à la deuxième sanction infligée, c’est-à-dire à ignominia notare qui appartient au vocabulaire censorial le plus traditionnel. L’expression signifie une exclusion de l’ordre équestre[9] impliquant l’inscription d’une petite note à côté du nom expliquant les motifs d’exclusion (notare) et l’humiliation d’une cérémonie publique de dégradation (ignominia)[10].


En conclusion, lors de la recognitio equitum qui eut lieu entre 18 et 16, des chevaliers furent exclus de l’ordre équestre par Auguste parce qu’ils se livraient à l’usure, activité indigne de leur rang.






[1] Suet., Aug., 39.


[2] Demougin 1988, p. 162-164.


[3] Cf. Bur 2018, chapitre 6.1.1.


[4] Andreau 2001, p. 15 et 35-37.


[5] La première condamnation dans nos sources remonte à Caton. Voir en particulier Cat., Agr., praef. et Cic., Off., 2, 89 qui rapporte un violent propos de Caton contre l’usurier.


[6] Andreau 2001, p. 40.


[7] Andreau 2001, p. 183 parle de taux entre 5 et 6% sous le Haut Empire, il faudrait donc envisager que nos chevaliers réclamèrent plus de 6%, sans doute au-dessus du maximum fixé par la loi qui pourrait être de 12% si la limitation de 51 avait été reconduite par Auguste (cf., Andreau 2001, p. 173-174).


[8] Demougin 1988, p. 116.


[9] Demougin 1988, loc. cit., interprétait déjà notare comme le fait d’exclure de l’ordre équestre.


[10] Cf. Bur 2018, chapitre 4.5.

Bibliographie
Bibliographie

Andreau 2001 : Andreau J., Banque et affaires dans le monde romain, Paris, 2001 (Cambridge, 1999).


Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Demougin 1988 : Demougin S., L’Ordre équestre chez les Julio-Claudiens, Rome, 1988.


Clément Bur, Infames Romani n°66, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le