Infames Romani

Père de famille

Numéro
80
Identité
Catégorie
Procédures censoriales
Sous catégorie
Exclusion de la décurie des juges
Date de l'épisode
54
Références prosopographiques

Attention ! L'épisode est daté du règne de Claude, sans autres précisions.

Source
Source

Suet., Claud., 15, 2 : Cum decurias rerum actu expungeret, eum, qui dissimulata uacatione quam beneficio liberorum habebat responderat, ut cupidum iudicandi dimisit.


Alors qu’il recensait les décuries des juges, constatant que l’un d’eux avait répondu à l’appel sans profiter de l’exemption dont il bénéficiait vu le nombre de ses enfants, il le raya pour son acharnement à juger (trad. H. Ailloud, CUF).

Notice
Notice

Au cours de la revue annuelle des décuries de juge[1], Claude exclut un anonyme qui, malgré l’exemption dont il bénéficiait grâce au ius liberorum, voulait continuer à siéger[2]. Les pères d’au moins trois enfants jouissaient de privilèges depuis la législation d’Auguste pour encourager la natalité et, parmi ceux-ci, de la dispense du munus iudicandi[3]. L’exclusion se produisit durant la vérification censitaire et morale accomplie par le Prince et ses bureaux afin d’extraire des listes de juges les selecti. Le motif indiqué par Suétone a probablement un caractère moral, ce que suggère l’utilisation de l’adjectif cupidus. Pour éclairer la conduite de notre juge, il convient de rappeler que les jurys étaient composés à l’époque de Claude de cinq décuries, la première regroupant des sénateurs et des chevaliers, les deux suivantes uniquement des chevaliers, et les deux dernières des ducenarii[4]. D’après S. Demougin, ces derniers possédaient un cens minimal de 200 000 HS, étaient généralement italiens et appartenaient aux aristocraties locales. Surtout ces deux dernières décuries étaient considérées comme le « gage d’une éventuelle ascension dans l’ordre équestre »[5]. Comme nous ne disposons d’aucune information quant à son origine ou son statut, il est vraisemblable que ce juge anonyme fît partie des décuries de ducenarii. Nous pourrions ainsi interpréter l’attitude de notre personnage comme un refus d’abandonner une activité qui lui apportait respectabilité et prestige et dont le renoncement pouvait le faire oublier du Prince lors des prochains recrutements de chevaliers. Cependant, plutôt que de se contenter d’appliquer le ius liberorum, Claude le blâma en le présentant comme excessif dans son désir d’être juge. Le renvoi était sans doute ignominieux ce qui expliquerait pourquoi Suétone rapporte l’anecdote, trouvant surprenant une telle sévérité qui révèle le caractère mal assuré et changeant du Prince. Il est vraisemblable que la carrière de notre personnage s’arrêta à Rome sur cette éviction et qu’il ne parvint jamais à entrer dans l’ordre équestre comme il l’espérait. Nous n’avons aucune information sur aucun de ses trois fils.




[1] Voir en particulier Demougin 1988, p. 477. Cf. Bur 2018, chapitre 6.3.


[2] Suet., Claud., 15, 2.


[3] Vat., frag. 197. Voir en particulier Zabłocka 1988.


[4] Voir notamment Mommsen 1889-1896, 6/2, p. 139-143 et Demougin 1988, p. 443-460.


[5] Demougin 1988, p. 457.

Bibliographie
Bibliographie

Bur 2018 : Bur C., La Citoyenneté dégradée : une histoire de l’infamie à Rome (312 avant J.-C. – 96 après J.-C.), Rome, 2018.


Demougin 1988 : Demougin S., L’Ordre équestre chez les Julio-Claudiens, Rome, 1988.


Mommsen 1889-1896 : Mommsen T., Le Droit public romain, Paris, 1889-1896 (8 vol.).


Zabłocka 1988 : Zabłocka M., « Il ‘ius trium liberorum’ nel diritto romano », BIDR, 1988, 91, p. 361‑390.


Clément Bur, Infames Romani n°80, Albi, INU Champollion, Pool Corpus, 2018, mis à jour le